AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de terryjil


Je trouve dommage que l'on parle si peu de l'objet livre lui-même, lorsqu'on a un format papier et non une version numérique sous les yeux! Belle édition que ce livre écrit par Neil Gaiman en 2014 et illustré par Chris Riddell. Il est d'une taille comics, couverture rigide,avec une élégante jaquette translucide dont les ronces laissent apparaître une belle endormie sous le titre... Les illustrations très détaillées, en noir et blanc avec une touche de doré, rappellent un peu les gravures de Gustave Doré et enluminent littéralement le récit, renforçant de ses crânes et de ses lianes épineuses et fleuries l'ambiance douce et mortifère de ce conte dépourvu de nom humain.

En effet, pas de Blanche-Neige ici, mais une reine brune au teint de neige qui dormit une année veillée par des nains avant d'être réveillée par un prince, pas de fée Carabosse mais une Sombre Altesse... Pourtant les personnages sont bien caractérisés: brune et svelte reine (quelle tête donne Chris Riddell à la reine au réveil, future mariée, et saisie d'un certain malaise à cette idée!) , blonde endormie à dents du bonheur, et depuis les nains jusqu'aux parents royaux endormis, en passant par l'aubergiste, le dessinateur fait de fort belles trognes. Les royaumes et villes par contre ont droit à leur nom: Kanselaire, forêt d'Acaire, ville de Stede, Dorimar...

Avec cette relecture de la Belle au bois dormant comme une suite de Blanche Neige, astucieuse utilisation de leur point commun (un sommeil enchanté), Neil Gaiman sait économiser son écriture, essentielle et avec un humour distancié (en tout cas la traduction de Valérie le Plouhinec la retranscrit comme telle).

Le voyage au milieu d'un royaume endormi s'avère plus angoissant que prévu, avec des dormeurs qui semblent exprimer les rêves de la princesse, plus que les leurs propres, foules aux yeux fermés qui poursuivent lentement, tels des zombies, la Reine et les trois Nains, les quatre seules personnes éveillées à plusieurs lieues à la ronde.
Dès l'instant où la vieille apparaît, on se doute que quelque chose semble dérailler par rapport à ce que l'on connaît du conte, mais impossible de mettre le doigt dessus... Bien que la Reine échappe au fléau du sommeil, parfois des hallucinations ou des souvenirs l'assaillent comme des attaques oniriques, menaçant à tout moment de lui faire rejoindre la cohorte inconsciente. Iels arrivent tout de même jusqu'à la belle endormie, mais vraiment quelque chose ne va pas... Mais quoi? Ce n'est qu'à la fin qu'on se rend compte de la manipulation à laquelle s'est livré l'auteur. Comme chez Agatha Christie, on assiste à un bluffant retournement de situation! J'aime tellement cette façon de nous encourager à voir les choses d'un autre point de vue et de nous méfier des apparences.

Neil Gaiman ne sachant céder à la facilité du happy end (qu'il soit classique ou disneyen), il nous offre, loin de tout romantisme obligé, un peu comme pour Odd et les géants de glace ou L'étrange vie de Nobody Owens , une fin ouverte à toutes les possibilités, à la fois frustrante et stimulante, comme la vie.





Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}