Comme la précédente, cette compétition fut un championnat d’Europe. Seuls deux pays latino-américains, contre onze pays d’Europe, participèrent au Mondial 1938. La sélection d’une Indonésie qui s’appelait encore Indes hollandaises arriva à Paris en représentation solitaire du reste de la planète.
L’Allemagne incorpora cinq joueurs de l’Autriche tout juste annexée. La sélection allemande ainsi renforcée fit irruption dans le tournoi en se donnant des airs d’équipe invincible, avec le svastika sur la poitrine et toute la symbologie nazie du pouvoir, mais elle trébucha et tomba face à la modeste Suisse. (…)
L’Italie, en revanche, refit sa campagne du tournoi précédent. Lors des demi-finales, les azzurri vainquirent le Brésil. Il y eut un penalty douteux, et les Brésiliens protestèrent en vain. Comme en 1934, tous les arbitres étaient européens. (…) La presse officielle italienne avait fêté de cette façon la défaite de la sélection brésilienne : « Nous saluons le triomphe de l’intelligence italique sur la force brute des Noirs. »
Le football fit un beau voyage : après avoir été organisé dans les collèges et les universités anglaises, en Amérique du Sud il égayait la vie de gens qui n'avaient jamais mis les pieds dans une école.
Le football créole, p. 47
Le général Stroessner était élu président du Paraguay, après une bataille disputée contre aucun candidat. Au Brésil se resserrait le cercle des militaires et des patrons, des armes et de l’argent, autour du président Getulio Vargas, qui se briserait peu après le cœur d’une balle de revolver. Des avions nord-américains bombardaient le Guatemala, avec la bénédiction de l’OEA, et une armée fabriquée au nord envahissait, tuait et remportait la victoire. Pendant qu’en Suisse on chantait les hymnes de seize pays, pour inaugurer le cinquième Championnat du monde de football, au Guatemala les vainqueurs chantaient l’hymne des États-Unis pour célébrer la chute du président Arbenz, dont l’idéologie marxiste-léniniste ne faisait aucun doute, vu qu’il s’en était pris aux terres de la United Fruit. (…) Le Brésil étrennait son maillot jaune à col vert, car le précédent, tout blanc, lui avait porté malheur à Maracaña. Mais la couleur canari n’eut pas un effet immédiat : le Brésil fut battu par la Hongrie lors d’un match violent, et ne put même pas atteindre les demi-finales. La délégation brésilienne fit un recours auprès de la FIFA contre l’arbitre anglais, qui avait agi « au service du communisme international, contre la Civilisation Occidentale et Chrétienne »
Les années ont passé, et j'ai fini par assumer mon identité : je ne suis qu'un mendiant du beau football.
Confession de l'auteur - p. 13
Les affiches du championnat montraient un Hercule faisant le salut fasciste, avec un ballon à ses pieds. Le Mondial 1934 fut, pour le Duce, une opération de propagande. Mussolini assista à tous les matchs dans la loge d’honneur, menton levé vers les tribunes bondées de chemises noires, et les onze joueurs de l’équipe d’Italie lui dédièrent leurs victoires paume tendue.