C'est un roman polyphonique qui confronte le lecteur à trois « monstres » fabriqués par une société qui n'a pas mis l'humain au premier plan de ses préoccupations surtout lorsqu'il s'agit des femmes.
Car Pascale dite Culbuto, Vanessa surnommé Paradis et Leïla le Rat, sont avant tout des corps bafoués, abusés qui existent essentiellement comme objet et non comme sujet.
Dire que ces trois femmes étaient déjà en prison bien avant d'être derrière les barreaux est la triste réalité.
Culbuto c'est la mère infanticide, donc un monstre aux yeux de tous car cette femme énorme ne trouve grâce aux yeux de personne. Elle a fait de sa graisse un rempart contre les autres.
Paradis, Vanessa c'est le contraire sa beauté en a fait un objet pour les minus de sa cité jusqu'à ce qu'elle inverse les rôles, se protéger en livrant elle-même de la chair fraîche.
Leïla, le Rat de bibliothèque croit en la rédemption par les mots, ceux des livres qu'il faut apprendre à apprivoiser, à s'approprier pour pouvoir mettre des mots sur les maux.
Ne pas se laisser abuser c'est l'enjeu pour cela il faut se respecter soi-même, être consciente de sa propre valeur pour ne pas être une proie. Cela n'est pas inné mais cela s'apprend chaque jour.
« Comment avaient-ils pu ne rien voir ? Fallait-il qu'ils soient largués, tous les deux, pour avoir côtoyé un an son enfer et n'y avoir vu qu'une rébellion adolescente. »
J'ai écrit ce qui est le terreau sur lequel le lecteur va voir éclore des femmes, celles qu'elles sont car si les barreaux qui les enferment sont réels ils sont moins enfermant que les armures qu'elles s'étaient forgées dans leur vie libre.
C'est un livre bouleversant.
La construction du livre est à l'image du propos factuelle sans mièvrerie, sans misérabilisme, juste un regard humain.
Ce sont trois destins à contre-carrer pour devenir ce qu'elles auraient toujours dû être, des femmes uniques avec des qualités, des défauts, avec un avenir bien à elle.
Des femmes respectées car respectables. Personne ne doit s'approprier le corps de l'autre.
Je n'utiliserai pas le mot rédemption car il a une connotation religieuse, mais je dirai que leur délivrance passe par les mots et leur signification, par l'éducation qui est l'affaire de tous.
L'estime de soi se construit et dire non s'apprend. C'est ce chemin qu'emprunte ensemble ces trois femmes.
« J'ai donc eu ce soir-là, en rentrant chez moi, c'est-à-dire chez mes parents, une grosse boule de mépris calée au creux du ventre. du mépris à mon encontre. Il ne m'a plus quitté jusqu'au jour où, bien longtemps après et d'une manière radicale, j'ai largué les amarres ! »
Ces figures emblématiques vous ne les oublierez pas, j'en suis certaine.
C'est le premier livre que je lis de
Cathy Galliègue mais pas le dernier. J'ai beaucoup aimé cette plume qui dit avec délicatesse et force l'INDICIBLE.
Je remercie Masse Critique Babelio et les éditions du Seuil pour cette lecture.
©Chantal Lafon