On ne sort pas vivant de notre crasse biologique
Allez y, le destin ne vous cherchera plus sous le nom d'Ajar que sous un autre.Il s'en fout.
J'ai perdu la tête. Je me suis désintégré complètement, par excès de visibilité, mais j'ai récupéré ma main droite qui tient le stylo et, comme on voit, je continue à écrire, car lorsque j'écris, j'échappe provisoirement à l'occupation par des éléments psychiques irresponsables. Ma tête, je n'ai pas cherché à la récupérer : elle n'est pas la mienne, de toute façon. Elle me cache bien, mais elle n'est pas à moi. Je me suis fabriqué une gueule d'adulte.
Les chaises me font particulièrement peur parce que leurs formes suggèrent une absence humaine.
Ça me mettait hors de moi, au figuré : au propre, c'est impossible. On ne sort pas vivant de notre crasse biologique.
N'importe quel connard de psychiatre vous dire que la lucidité est un symptôme particulièrement fréquent chez les grands dépressionnaires.
Je ne savais pas encore que l'incompréhension va toujours plus loin que tout le savoir, plus loin que le génie , et que c'est toujours elle qui a le dernier mot.
J'avais peur pour l'enfant que je cachais et qui avait peut être douze ans à trente-quatre, comme moi, ou quarante, ou cent ou deux cent mille ans et encore davantage, car il faut remonter à la source du mal pour avoir le droit de plaider non coupable.
J'entends et je comprends même le silence. C'est une langue particulièrement effrayante, et la plus facile à comprendre. Les langues vivantes qui sont tombées dans l'oubli et l'indifférence et que personne n'entend sont celles qui hurlent avec le plus d'éloquence.
Car l'angoisse le plus dévorante est celle qui n' a pas de nom:une imminence qui ne se libère jamais en une horreur perceptible.Le coeur saute des étapes pour courir à la rencontre du pire et finir.Mais l'inconnu se dérobe à reculons et ma terreur grandit à sa poursuite