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Citations sur Cris (186)

M'BOSSOLO
Je te porterai jusqu'au bout. Tu n'as pas de crainte à avoir. Mon corps a mis du temps à s'habituer à ton poids mais il n'y a plus de fatigue maintenant. Tu es avec moi. Je t'emmène à l'abri. Au-delà des tranchées et du champ de bataille. Il n'y a pas de pays qui soit trop vaste pour moi. Il n'y a pas de fleuve que je ne puisse enjamber ni d'océan où je n'aie pied. Je te porterai jusqu'à chez moi. Bien au-delà de la guerre. Je ne te poserai que lorsque nous aurons atteint la terre de mes ancêtres. Tu connaîtras alors des paysages que tu ne peux imaginer. Je connais des lieux sûrs où aucun ennemi ne pourra t'atteindre. La guerre, une fois là-bas, te semblera une douce rumeur. Je te confierai aux montagnes qui m'ont vu naître. Tu seras bercé par le cri des singes hurleurs de mon enfance. Tu n'as pas de crainte à avoir. Aucun poids ne peut plus entamer mes forces. Nous y serons bientôt. Et lorsque je t'aurai confié à mon vieux continent, lorsque je me serai assuré que tu es sain et sauf, je reviendrai sur mes pas et je finirai ce qui doit être achevé. Le combat m'attend. Il nous reste encore à vaincre. T'avoir mis en lieu sûr me rendra indestructible. Je retrouverai sans trembler la pluie des tranchées et l'horreur des mêlées. Je me fraierai un passage parmi nos ennemis. Plus rien, alors, ne pourra me stopper dans ma charge. je ne dormirai plus. Je ne mangerai plus. Je ne m'arrêterai que lorsque la guerre sera gagnée. Je dévorerai la terre du front. Faisant reculer l'ennemi. Semant la panique dans ses rangs. Je serai un ogre. Je broierai le métal des batteries, les fils barbelés et les morceaux d'obus qui éclateront à mes pieds. Je serai un ogre et rien ne pourra rassasier ma faim. Lorsque je t'aurai mis en lieu sûr, là-bas, dans ces terres brûlées de soleil, je reviendrai ici en courant. Prenant un élan de plusieurs continents. Je plongerai dans la tourmente, embrassant la boue des tranchées, laissant glisser sur mon visage la pluie et siffler le vent dans mes oreilles, et je planterai mes dents dans l'ennemi. Je reviendrai. Et j'achèverai la guerre d'un coup de poing plongé au plus profond de la terre.
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Je me couvre la tête de mes bras. Je recroqueville mon corps, les genoux serrés contre le ventre, mais cela ne sert à rien. Mes bras et mes mains ne me protégeront de rien. Mon casque même n'évitera pas la dislocation du crâne. Réflexe stupide de la chair. Réflexe de l'homme qui rentre la tête dans les épaules pour se protéger de la foudre.
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Je crois que c'est la terre qui hurle par cet homme. Je crois qu'il est la bouche hurlante du front qui gémit de toutes les plaies profondes que l'homme lui fait. Et si c'était vrai, la terre n'a pas finit de gueuler car nous avons encore bien des obus pour lui taillader les flancs. Je crois que lorsque le fou cessera de gueuler, c'est que la terre sera morte.
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La première fois, je pensais que la gare, à Paris, serait bondée. Que des gens seraient là, et qu'ils se précipiteraient pour m'interroger. Je pensais qu'il y aurait des femmes venues avec leurs enfants, des journalistes, des badauds. Tous désireux de savoir. Tous prêts à répandre les dernières nouvelles du front dans la ville. On ne peut pas s'empêcher de penser cela. Ne serait-ce qu'une fraction de seconde. Mais la gare est vide. Personne ne vous demande rien. Il n'y a que les soldats qui font la guerre. La gare est toujours vide. Et tout à l'heure, je n'entendrai pas même le haut-parleur pour annoncer l'arrivée en gare des blessés. Je n'entendrai rien. Je marcherai dans le silence épais de ma surdité. Et ce sera mieux ainsi.
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Le train roule. Je suis assis. Le train roule. Je peux ouvrir la fenêtre et sentir l'air me battre le visage. Nous sommes loin déjà. A peine dix minutes que nous roulons et tout a disparu. Il y a de nouveau les villages et les hommes, ici, ne vivent pas comme les des termites, ensevelis sous la terre. Le train roule depuis à peine dix minutes et pourtant plus aucun obus, ici, ne peut m'atteindre. Et même le plus fort de tous les Allemands, même la plus puissante de toutes les machines de guerre, si elle le voulait, ne pourrait plus me toucher. Je suis sauf. Je pars pour Paris. Et à chaque seconde, à chaque mot que je prononce, les tranchées s'éloignent de moi un peu plus. Mais d'où me vient, alors, cette indéfinissable envie de pleurer ?
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