Une très mauvaise idée
« Sombre et profond comme la nuit, Borduas est d'ailleurs né à la Toussaint, le 1er novembre. »
Paul-Émile Borduas, dernières années à Paris,
Jean-Louis Gauthier
Art Global, Montréal, 2011 p. 66
François-Marc Gagnon a publié, il y a déjà plusieurs années, ce qui est considéré comme la biographie définitive de
Paul-Émile Borduas. Après cette masse d'informations, recueillie à même les documents et entrevues des contemporains du peintre québécois, il serait hasardeux, voire osé d'y ajouter sa voix, à moins de détenir des compétences hors normes sur le sujet. Inconscience ou inculture,
Jean-Louis Gauthier, qui possède dans sa courte liste de faits d'arme d'être le rédacteur en chef du magazine le Bel âge, s'y est pourtant attaqué.
En 200 pages, l'auteur a la ferme intention de nous faire voir le côté humain du peintre. Il nous assène à répétition que Borduas était un père, un père qui aimait ses enfants, et qui pour son plus grand malheur en était éloigné. Bien. Mais personne n'a poussé Borduas à l'exil. Il a certes dû s'ennuyer de ses trois, oui trois enfants, mais est-ce là le fondement de son Oeuvre ? Est-ce là ce que nous devons retenir de l'artiste ? Niet. On apprendra (ou non) que Borduas adorait conduire sa voiture à des vitesses folles. Oui, mais encore, est-il nécessaire de nous le répéter à satiété ?
La forme du livre, suivant la chronologie des visites, des sorties et des voyages de l'artiste, est particulièrement irritante. Les relations amicales et familiales y sont décrites par le menu. Prétexte à toujours nous ramener les mêmes thèmes, en passant sous le tapis les toiles et toutes ces choses qui semblent parfaitement accessoires au biographe. Ses rares descriptions d'oeuvres d'art sont désastreuses, les plus fins connaisseurs de Borduas ne sauront pas y reconnaître quoique ce soit. Sa seule analyse d'oeuvre, L'Étoile noire, excusé du peu, fera pouffer quiconque a déjà lu sur le peintre.
Pourquoi ce livre donc ? Pour amener un nouveau public au peintre mort depuis plus de 50 ans ? Pour voir dans ses oeuvres la fine touche humaine ? Pour rehausser un peu le niveau de la bibliographie de
Jean-Louis Gauthier ? La seule et unique chose que j'y aurai lue de vraiment intéressant est la reprise intégrale du Manifeste du Refus global. Un texte qui a certainement demandé un peu plus de réflexion que celui qu'il accompagne.
Paul-Émile Borduas, dernières années à Paris,
Jean-Louis Gauthier
Art Global, Montréal, 2011
238 pages