Le sujet : l'exil forcé et la survie d'une immigrée précaire, est intéressant, d'actualité, et même fort. La nature des événements relatés invite à une pensée sur l'intime et la souffrance.
Et pourtant, je suis passé à côté de tout cela. Certains admireront sans doute la pudeur de la narration : faits horribles juste suggérés, réactions qu'on peut imaginer... Je ne suis pas demandeur de scènes abominables en gros plan, mais cette distance m'a pratiquement privé de toute empathie pour la narratrice. le choix de nous présenter une immigrée clandestine haut de gamme : séduisante, avec un niveau social, culturel et de richesse au-dessus de la moyenne voulait-il la rapprocher du lecteur ? Cela m'a plus paru artificiel qu'efficace. de plus, j'ai ressenti sa façon de rebondir par des hasards positifs après chaque malheur comme une paresse ou maladresse de l'auteure au lieu qu'elle force mon admiration pour son personnage. A tout le moins, cela m'a confirmé que ce personnage était trop loin de la réalité des réfugiés hommes et femmes que nous accueillons si mal en ce moment.
Semblablement, les explications sur les raisons de cet exil et la façon dont il pourra se terminer m'ont parues bien légères et désincarnées. Bref, ce livre bien intentionné ne m'a pas parlé.
A sa défense, j'avoue que j'ai été irrité dès le début, et sans doute injustement (mais c'est mon ressenti, j'espère que ce ne sera pas le vôtre), par le procédé narratif. La femme parle (à qui?) : ce n'est pas un monologue intérieur, disons un monologue extérieur, des stances très prosaïques ; elle parle comme au théâtre sans doute (donc avec une intention stylistique justifiée par le récit), avec quelques brefs paragraphes intercalés à la façon de didascalies. Pourquoi pas ? Mais cette façon de dire, en particulier les événements situés avant le récit, m'a paru paresseuse ; j'espère qu'au contraire vous en apprécierez l'originalité.
Une fable contemporaine pour raconter l'exil douloureux et l'émancipation d'une femme.
Actrice vedette et épouse de Zuka, le directeur du Magic Théâtre d'un pays imaginaire, l' Azirie, vivant protégée entre son mari et son fils dans le monde clos du théâtre, Lora Sander s'exile à cinquante ans, jetée sur les routes à cause de la terreur qui a recouvert l'Azirie, après l'arrestation de Zuka et la fermeture du théâtre jugé subversif par la dictature.
Face à l'inexorable, expulsée hors d'une vie protégée et «irréelle», elle abandonne tout, sauf ce colt, cadeau de son père sur son lit de mort, soudain lancée seule dans une vie inconnue et une histoire qui la dépasse.
«La forêt s'interrompt brusquement au bord d'une falaise à pic. Au loin on entend des bruits assourdis de tirs de roquette. Lora, la cinquantaine, allure excentrique, est emmitouflée dans un manteau en fourrure synthétique. Elle porte un bonnet et des gants de laine de couleurs vives. Epuisée, elle s'assoit au bord de la falaise, les jambes dans le vide, un sac à ses côtés.
Elle sort de son sac un vieux colt 45. Elle l'essuie précautionneusement comme si elle voulait vérifier qu'il est bien en état de marche.»
Traversant le fleuve qui sépare l'Azirie de la Santarie, elle découvre non pas la terre promise, mais l'envers d'un même désespoir, et raconte sans misérabilisme les événements les plus tragiques, les rêves volatilisés d'une vie apaisée lorsqu'elle est confrontée aux troubles et à la violence arbitraire et permanente qui règnent aussi en Santarie.
«À partir de maintenant je vis dans la clandestinité comme tous les étrangers sans papiers qui arrivent à Santaré par la mer encore plus que par le fleuve. Cette ville est comme un aimant qui les attire, le point de rencontre des errances et des naufrages d'une humanité à la dérive. Les pièces de Samir Osri dont j'ai été l'une des interprètes sont une image de notre monde. Mais quand je les jouais au Magic Théâtre je ne le savais pas.»
Dans cette tragédie contemporaine dont la forme évoque le théâtre-récit, la femme au colt 45, actrice unique du récit, soudain exposée à la dureté du réel, raconte sa propre transformation dans l'exil.
«-Il y a des rides sur le front et à la commissure des lèvres. La peau commence à se flétrir. le teint a perdu de son éclat. le regard est grave et inquiet. Les traits du visage sont harmonieux, des sourcils épais, des lèvres charnues. L'expression est tendue. Cette femme que je ne reconnais pas, sans aucun fard, c'est moi.»
Avec le colt 45 offert par son père qui lui avait appris à tirer, ce pistolet qui est comme un blindage, un héritage affectif dont il est si difficile de se défaire, et une arme qui peut se retourner contre elle, Lora Sander cherche à sauver sa peau. En se débarrassant finalement de ce colt, elle opposera sa volonté de vie et son art à la puissance de mort de l'arme à feu, dans les balbutiements d'une nouvelle vie.
Dans ce roman à paraître en janvier 2016 aux éditions le Tripode, Marie Redonnet réussit à dire d'une voix claire, avec cette écriture minimale et d'apparence candide d'une grande force, la vie qui se défait, le désespoir de l'exil et l'embryon d'une nouvelle naissance.
Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/11/03/note-de-lecture-la-femme-au-colt-45-marie-redonnet/
Un roman qui se laisse lire. Après je ne sais pas si j'ai aimé ou pas .
Des pays imaginaires, dont l'un sous le joug d'une dictature que fuient ses habitants pour se réfugier dans le pays voisin.
Mais l'eldorado se transforme en misère, en combat de tous les jours pour survivre.
C'est l'histoire de Lora, qui menait une vie tranquille bien huilée , qui décide de fuir son pays armée de son colt 45.
Un voyage initiatique dont les épreuves permettent à Lora de se découvrir et de s'affirmer en tant que femme, elle, qui avant n'existait que par son mari. Un portrait de femme combative et volontaire.
Un roman qui ne me laissera pas un grand souvenir mais qui plaira sûrement à d'autres.
Souvent c'est un auteur, un livre dont on a entendu parler ou que l'on nous a conseillé, parfois c'est un titre, une couverture qui ont retenu notre attention. Pour choisir La femme au colt 45, je coche l'entrée par la maison d'édition (bon, d'accord, la couverture a joué un peu aussi). La lecture du Caillou de Sigolène Vinson aux éditions du Tripode m'avait fait découvrir non seulement une auteure que je ne connaissais pas mais aussi une écriture originale. Avec ce livre, je découvre une autre auteure (mais mon libraire m'a aussitôt appris qu'elle avait déjà publié) et une écriture somme toute singulière mais je ne chercherai pas à comparer plus avant ces deux lectures, cela n'aurait pas de sens.
Cette femme au colt 45, c'est Lora Sanders, la belle cinquantaine, douée au tir depuis un apprentissage précoce et actrice au Magic Théâtre. (J'emploie le mot choisi par l'auteure, "actrice" et pourtant il s'agit de théâtre. Naïvement, je pensais que acteur s'employait pour le cinéma et comédien pour le théâtre mais après quelques lectures, il s'avère que cette distinction n'est pas très pertinente, celle que propose Jouvet l'est davantage !)
Savoir utiliser un colt 45 est bien utile a priori quand on vit dans un pays plongé dans une dictature féroce et que l'on cherche à fuir vers l'Etat voisin qui ne s'avèrera pas être le refuge escompté mais tout autant une terre de chaos et de violence. C'est bien utile aussi quand on se retrouve seule. Zuka, le mari et directeur du théâtre a été arrêté car ses pièces ne correspondaient pas à la ligne fixée par la dictature du général Rafi. le fils Giorgio est entré dans la lutte armée. Lora ne peut donc compter que sur elle-même lorsqu'elle débarque dans la ville de Santaré. Même armée de son colt 45, elle reste une proie facile. L'actrice doit développer des stratégies de survie, se réinventer chaque jour ou peut-être simplement s'inventer tout court, se donner une consistance propre, sans être modelée par l'influence d'un père violent ou celle d'un mari aimant mais finalement trop enrobant. Qu'a-t-elle saisi de la réalité de la vie, choyée comme une star au sein du Magic Théâtre ? Qu'a-t-elle compris de son pays ? et d'elle-même ? de serveuse de pizzas en passant par libraire, elle retourne finalement au théâtre en prenant soin de se débarrasser des oripeaux de sa carrière précédente. C'est donc un parcours initiatique, un parcours de libération d'une femme qui entre pourtant dans la maturité que nous propose Marie Redonnet sur à peu près une centaine de pages (ce qui ne permet pas bien sûr tous les développements). En ce qui concerne l'écriture, j'ai trouvé très réussi le rythme donné par les changements de points de vue. L'auteure alterne des passages à la première personne du singulier où Lora s'exprime et se confie avec des passages à la troisième personne où le lecteur la regarde évoluer, obtient des précisions sur ses gestes, son habillement. Cela fait évidemment penser aux didascalies... de théâtre, allais-je dire mais elles existent aussi au cinéma !
Que la caméra glisse ou que le rideau s'ouvre, peu importe car le plus vaste imaginaire est encore celui du lecteur, me semble-t-il...
Au Magic Théâtre, Lora Sanders est une actrice adulée de 50 ans menant à travers l'interprétation de ses personnages des vies multiples.
Entourée de son mari très protecteur qui est aussi son metteur en scène et de son fils, la scène du théâtre est sa maison.
Mais la guerre oblige Lora à quitter le théâtre et les siens. Lora fuit seule son pays munie d' un vieux colt 45, ceinturée à elle comme un membre. Un duo improbable et pourtant.
Après une vie statique menée sur la scène, voici Lora sur les routes de la survie, avec au bout de ce chemin la connaissance d'elle même et l'expression de sa vraie personnalité.
J'ai beaucoup aimé l'écriture élégante et fluide de l'auteure qui respire son attachement au théâtre tant sur la structure du roman que sur le fond de l'histoire.
A chaque chapitre, le décor est posé, à chaque chapitre, Lora évolue dans un nouvel environnement et s'adapte. le texte ne présente pas de rupture brutale entre la vie de tous les jours et le théâtre, l'une et l'autre s'imbriquent naturellement. le tout forme un très bel hymne à la femme et à la liberté de création.
Que signifie "Le Cid" en arabe ?