Citations sur Tobie des marais (17)
« Il est arrivé à Tobie de sentir le souffle immense du langage lui frôler le cœur, le lui faire chavirer, ou du moins tressaillir au bord extrême d’un à-pic, entre extase et désastre. » (p. 151)
"Ce n'est pas le chemin le plus court ...
- Et alors ? Les chemins les plus courts sont rarement les meilleurs, ils ont souvent bien moins d'intérêt que les détours.
Méfiez-vous des lignes droites, elles sont monotones, on finit par s'y endormir.
Enfin, c'est une question de goût, moi je préfère les méandres, l'imprévu, les voies détournées."
Un destin d'homme, - rien de plus dérisoire, rien de plus fabuleux.
Elle n´esquisse aucun sourire, juste une brèche
dans son effroi. Sa bouche, qui a pris un goût de
sel et d´algue,livre sans un mot, sans un cri, sa
plainte et sa détresse au vent du soir Sa bouche
n´est plus qu´une question lancée au vide, une
supplication muette adressée au ciel devenu noir
et que lacère à intervalles réguliers, précipités,
le feu du phare de Cordouan dressé au loin sur
son îlot rocheux.
Cette femme qu'un rien effarouchait et faisait bégayer se révélait conteuse magnifique, puisant dans ses rêveries des images à foison. Elle avait le don de rendre les mots visibles, palpables presque. Tobie l'écoutait bouche bée, Anna se laissait enchantée par cette voix toute imprégnée des vents, des brumes et des lueurs du marais.
Les deuils et le malheur instaurent l'insomnie jusqu'au coeur du jour qui ne resplendit plus alors que d'absence et de manque.
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Car ils dorment, d'un sommeil paisible, intense. Ragouël entend le bruissement de leur souffle. Il touche l'épaule de chacun des dormeurs, une chaleur tiède émane de leur peau. Il soulève du bout du doigt les boucles brunes recouvrant les visages. Les dormeurs reposent front contre front, leurs profils sont en miroir, la clarté de l'un nimbe la face de l'autre, le sourire de l'un se reflète sur les lèvres de l'autre.
Le martèlement de la pluie était si sonore,
violent, qu´il couvrait la musique émise
par la radio.
L´homme monta le son machinalement et une
voix plaintive, bientôt doublée, puis triplée par
d´autres voix aux inflexions lentes et graves,
emplit le scaphandre.
"Nant´un lettu di filetta
stese sott`à lu castagnu
l´anime di sti circondi
ci ghjocanu cù lu mondu..."
"Sur un lit de fougères
étendues sous le châtaignier
les âmes de ces lieux
jouent avec le monde..."
La voix d'une femme la plupart du temps réduite au silence, perdue dans le bruissement des mots tournant en elle ainsi que des hirondelles entrées dans un grenier et ne parvenant plus à retrouver la lucarne par où sortir. Aussi, quand arrivait enfin l'échappée, c'est un vol ivre d'espace, de chant et de lumière.
Un destin d'homme, rien de plus dérisoire, rien de plus fabuleux.