AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,36

sur 29 notes
Randall, c'est un grand éclat de rire moqueur envoyé à la face du petit monde de l'art contemporain. Mais pas seulement. C'est un premier roman bien troussé, qui joue avec les concepts et multiplie les angles de vue (fausse biographie, vraies références...) histoire d'apporter de la profondeur à son propos. Si comme moi vous restez perplexe devant ce qu'on appelle une "installation", si vous vous demandez encore ce qu'à voulu dire l'artiste avec ce simple point jaune au milieu d'une toile blanche, alors vous allez adorer ce bout de chemin en compagnie de l'artiste conceptuel le plus controversé de tous les temps...

Dans le petit monde de Jonathan Gibbs, Damien Hirst est mort avant d'avoir éclos. Dans les années 1990, un certain Ian Randall Timkins qui réduira son nom d'artiste à Randall a bien l'intention de marquer la scène de l'art contemporain de son empreinte. L'histoire de son ascension qui d'autre que Vincent, son meilleur ami pour la raconter ? Lui le trader, conseiller en gestion de patrimoine, entré par hasard en relation avec ce petit groupe d'artistes qui bientôt enflammeront les collectionneurs du monde entier. Témoin privilégié de cette époque au point de consigner les moindre faits et gestes de Randall dans une série de carnets, Vincent se décide à en faire un livre, quelques années après la mort de l'artiste devenu une référence mondiale. C'est alors que Justine, la veuve de Randall lui dévoile une découverte étonnante : un atelier secret, des centaines de tableaux cachés, peints à l'huile et représentant des scènes pornographiques où apparaissent les principaux protagonistes du milieu de l'art, critiques, mécènes, collectionneurs, artistes et proches de l'artiste. Que faire de cet héritage qui remet en question tout ce que le monde croyait savoir de Randall ? On dirait bien que l'artiste a commis un ultime pied de nez...

Car le propos du livre est clairement interrogatif sur la réalité de l'art conceptuel et la valeur qu'on lui accorde. A travers les bonnes feuilles de la biographie écrite par Vincent, on entre dans le processus créatif de l'artiste au plus près d'un personnage haut en couleurs, à propos duquel on se demande en permanence s'il tient du génie ou du grand foutage de gueule. C'est drôle et terriblement efficace, diablement bien documenté. En bon biographe, Vincent parsème ses pages de ce qu'il appelle des "randallismes", propos du maître soigneusement retranscrits et qui en disent long sur le personnage. Comme celui-ci : "L'art moderne - un art qu'il n'est pas nécessaire d'apprécier pour l'acheter". Mais attention, ce livre n'est pas une farce. Il offre un périmètre de réflexion passionnant sur l'essence même de l'art et ce qui fait un artiste, ou encore ce qu'il reste de lui une fois disparu.

L'héritage caché de Randall permet de cristalliser toutes les questions autour de l'art et de la cote d'un artiste. Lui qui avait déclaré que la peinture était morte, lui qui ne jurait que par les oeuvres monumentales et les installations, lui qui était allé jusqu'à inventer sa propre couleur, le jaune Randall... Lui donc, a passé plusieurs années de sa vie à peindre des tableaux (très) figuratifs, dans le secret d'un atelier dont même sa famille ne connaissait pas l'existence. Ses héritiers vont-ils choisir l'appât du gain au risque de provoquer un immense scandale ? En tout cas, cet héritage apparaît comme la dernière oeuvre de Randall, sa dernière installation en quelque sorte. Et donne envie de relire l'hommage prononcé par une de ses amies à son enterrement :

"Randall faisait naître l'art à même l'air. Il poussait sur son chemin. En sa présence, quand il pleuvait, il pleuvait de l'art. Son art purifiait l'air, il rendait leur parfum aux choses. (...) Qu'on pense à tous les tableaux et à toutes les sculptures de Randall de par le monde, ces milliers d'oeuvres, la place d'honneur qu'elles tiennent dans les galeries, les musées, les maisons. Cela ne signifiait rien pour lui, je le crois vraiment, si elles n'aidaient pas les gens à penser, ne faisaient pas tomber une nouvelle pluie de pensées en eux et autour d'eux."

Mission accomplie donc, et avec brio !

Une jolie découverte grâce à cette masse critique privilégiée via Babelio et Buchet Chastel. Qu'ils en soient tous deux remerciés chaleureusement !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          130
Fascinant, Randall de Jonathan Gibbs, le livre commence sur une énigme, et s'achève sur une autre énigme que l'auteur laisse en suspens, sur un rire, triste, sec et un peu voilé, p 370 « je viens de comprendre où est le tableau où il l'a mis. FIN » . A nous lecteur d'écrire la suite, j'imagine un concours de Babelio pour présenter la suite de Randall, où plusieurs versions pourraient parfaitement s'entrecroiser...

Troublante la mort de Randall, sa mort évoquée n'est pas décrite, quel testament a t-il laissé ? Pas de lettres et Vincent chargé de la succession est perplexe, son amie devenue la femme de Randall le prie de l'aider, car elle a découvert des oeuvres inconnues dans son atelier .
Rare sont les livres qui disperses les indices au point de laisser au lecteur le choix de la fin, et si le livre débute sur la découverte d'oeuvres majeures mais hautement humiliantes pour les acteurs de cette fiction, la qualité de l'oeuvre de Randall est une autre énigme, la plus délicate à percer, chaque lecteur pour le coup aura sur la peinture contemporaine de Randall des avis sans doute contradictoires.

Passionnant, le Londres des années 1990, de la « Cool Britannia », à l'émergence des « Young British Artists », et l'histoire de Randall inspiré du célèbre Damien Hirst chef de file de ce mouvement si important pour l'histoire de l'art de ces trente dernières années en Angleterre .Il y a un manque ou plus précisément un absent, le discours sur le chef d'oeuvre. L'art conceptuel et l'art contemporain s'accompagne le plus souvent d'un discours ( ex : ceux de Marcel Duchamp...) plus important que l'oeuvre elle même. Ainsi n'a t-on pas vu des toiles illustrant ou inspiré par Nietzsche , Rimbaud, Lacan... Dans ce Londres des années 90 , les Yougs Artists sont dans la lignée de Warhol, Jeff Koons, Duchamp, Arman ou même Anish Kapoor , auteurs qui ont suscité de nombreux écrits.


Incontrôlable  ou illusionniste ? " C'était, successivement, une honte, un fou rire, un trip éculé, une parodie, un acte criminel, sans doute ce qu'il avait fait de meilleur et une lettre de suicide collectif " p219 . Randall est un instinctif, pour Randall , l'art conceptuel renversait tout, "de façon à ce que le geste essentiel intervienne non avant mais après et ne dépende pas de l'artiste mais du spectateur" p 218. Ainsi le papier hygiénique qu'il ramène des WC ne va t-il pas, lui permettre de tirer son portrait, ou plutôt comme dit Warhol son autoportrait. Puis d'autres viendront sur le siège appuyer leur fondement pour en illustrer leur plus sublime faciès, appelés pleins soleils et exposés dans les meilleures galeries, ça vous change un portrait !!! Est il le seul à lancer de tels incongruités ? La mode est à la provocation...J'ai vu une exposition Amish Kapoor au Guggenheim de Bilbaoen 2013. Enfin, vu est un bien grand mot. Qu'y avait-il à "voir", exactement : une salle entière envahie d'étrons en ciment, répliqués jusqu'à l'obsession. Ce type de vulgaire provocation convoquée à prix d'or me semble aussi relever de la farce.

Provocations jubilatoires , pour beaucoup d'entre nous lecteurs elles sont savoureuses et constituent le grand intérêt du livre . La peinture contemporaine c'est du bidon puisqu'une partie de paintball peut engendrer des toiles qui seront achetées à des niveaux de prix farfelus .Pourquoi ne pas se priver de goûter à toutes les idées et les caricatures absurdes lancées par Randall depuis la bouteille de champagne renversée , signée Tète de Barry achetée 1000£ par le 1er mécène du groupe Jan de Vries « il en vaudra 10 000£ dans 2 ans » p 69 . Toutes ces facéties sont ubuesques , le livre en est émaillé , jusqu'au jaune de Randall faisant échos au bleu de Klein, on est sûrement dans de la pure mise en scène marketing lancée pour mieux se faire encore un peu plus de money.

Mais émouvante est la relation qui nait entre Randall et son fils Joshua, on sent que le livre bascule à la naissance de son fils. Sa mère Justine ne se doute pas de la relation que Randall réussira à nouer avec Joshua, ce garçon né dans la douleur et encore handicapé par des séquelles . A la fin du livre Joshua dévoile les vidéos réalisées avec son père sur une des oeuvres de Randall, un tournant décisif et une nouvelle dimension artistique pour Joshua celui qui se veux le porte parole de l'oeuvre de son père.

Énigmatique l'obsession de Randall pour le cercle, la forme parfaite « Chapitre II, le cercle parfait P31 » , celle vénérée par les japonais , représentant le Yin et le Yang dans un cercle magique. Randall tout jeune étudiant des beaux arts est fasciné par le cercle, c'est pour lui un apprentissage indispensable, il s'exerce des jours pour réaliser cette figure, comme un idéogramme de l'art de la calligraphie japonaise ou chinoise. C'est aussi le cercle que Randall admire dans le motif de la danse, suggéré par le tableau de Matisse au MoMA.

Fracassant Joshua à la fin du livre, il montre à Justine sa mère et à Vincent les travaux qu'il a réalisé avec sa vidéo sur les toiles de Randall son père et au bout de sa camera apparaît : « C'est un tableau, immense, ...Une ronde de personnages qui s'enfilent...,Randall, Tom, Jan de vries, gina, Cory Plouffe, Keene, Lisa, Handson et Justine, tous sereinement liés, et tournant en cercle, en une espèce de danse » p357 suggérant le célèbre tableau de matisse, ce n'est pas un hasard si Randall considère ce tableau sublime comme le plus beau tableau jamais peint.


Puissante la démarche de Randall, on le croit fou, il est entier dans la douleur, il est surtout obstiné, son mariage avec Justine est le trait d'union de l'artiste avec le Japon. Justine travaille au Japon elle est défricheuse de tendances : Manga ,Miffy ,Totoro...et les artistes japonais comme Takashi Murakami... C'est là bas qu'il entrevoit un avenir pour sa peinture P320 “c'est un rouleau de Deishu, c'est de la calligraphie japonaise. Un rouleau. C'est un cercle de Randall ... ça s'appelle ENSO ( Chapitre VIII) , ça date du XVIIIème. “.Plein Soleil de Randall sera au final exposé au MoMA et où? Sur le seul emplacement enviable juste EN FACE du tableau de Matisse.

Dire au final où je me situe comme lecteur est impossible, les approches de cet ouvrage de Jonathan Gibbs sont multiples, sa connaissance de l'art contemporain en fait un livre très sérieux, exprimer totalement ma pensée reviendrait à vous dévoiler ma version de l'énigme, je ne suis pas certain d'avoir la bonne, même si j'ai glissé, moi aussi des indices. On dit parfois que l'art contemporain est conceptuel et non figuratif, ce que nous dévoile Jonathan Gibbs est très figuratif, les couveuses de Randall m'ont submergées d'émotions , j'ai senti que nous touchions dans l'évocation des premiers jours de Joshua à de l'ART pur.



Commenter  J’apprécie          130
C'est un livre que j'ai lu dans le cadre d'une masse critique Babélio.
Le résume de la quatrième de couverture m'a pas mal intriguée. C'est assez éloigné de ce que je lis d'habitude, mais étant musicienne, le sujet de l'art m'a pas mal intéressée, même si je connais très peu ce courant artistique.
C'est une sorte de biographie d'un personnage fictif, dans un courant artistique récent. Je pense que ce roman peut avoir 2 niveaux de lecture.
On peut le lire simplement, pour le plaisir de la lecture, de suivre une histoire, des personnages plus ou moins attachants. le style est vraiment très agréable, surtout pour un premier roman. J'ai beaucoup aimé l'alternance des chapitres. D'un côté, le présent raconté à la 3ème personne, Vincent et Justine face à un choix à faire. de l'autre côté, Vincent racontant ses souvenirs avec Randall à la 1ère personne.
Mais je trouve que ce roman nous amène aussi à réfléchir à "Qu'est-ce que l'art ?". Personnellement, je ne suis même pas sûre d'avoir trouvé une réponse à cette question. Une oeuvre d'art doit-elle être belle ? Doit-elle avoir une valeur pécuniaire ou sentimentale ? Doit-elle avoir une signification quelconque ? Je ne retrouve plus la citation dans le récit, mais à un moment, Randall évoque le fait que l'art, c'est essayer de dire ce que l'on dit depuis toujours, mais en trouvant une nouvelle manière de l'exprimer. Finalement, l'art c'est peut-être seulement de marquer les esprits.
Une bonne lecture que je conseille.

Merci à Babelio et aux éditions Buchet Chastel pour cette découverte.
Commenter  J’apprécie          110
Randall est un personnage. Charismatique, intelligent, manipulateur. Ambitieux... et secret. L'homme idéal en somme pour poser la figure de l'artiste.
Jonathan Gibbs nous conte son histoire et s'interroge sur l'art. Qu'est ce que l'art ? Un ressenti totalement subjectif ? de la beauté à l'état pur ? Une provocation ? Ou bien un simple investissement ?

A travers la voix de Vincent, le passé. On fait connaissance avec Randall , de l'étudiant des Beaux Arts à l'artiste consommé. On plonge dans le cercle des jeunes artistes britanniques de l'époque. Comme un récit initiatique, Randall nous « apprend » l'art conceptuel à travers l'oeil de Vincent. Son coup de génie, les Pleins Soleils, est pour le moins...culotté.

En face de cette histoire du passé, le présent. Vincent se rend à New York, chez Randall. Justine, sa veuve, a quelque chose à lui montrer : des dizaines de dessins et de toiles gardées secrètes et réalisées par l'artiste. Une oeuvre différente, géniale, pornographique. Qu'en faire ? Les laisser dans l'ombre ? Les montrer à la face du monde ?

Une écriture vive et alerte, drôle et acerbe. Jonathan Gibbs nous livre un roman très intéressant et atypique. Personnellement, je n'ai pas été véritablement séduite (question d'affinités), mais je ne peux nier ses qualités.
Merci aux éditions Buchet Chastel et à la Babelio pour cette découverte.
Commenter  J’apprécie          70
Tout d'abord, merci à Babelio et à Buchet Chastel de m'avoir envoyé ce roman, qui m'a beaucoup plu. Vincent raconte la vie d'artiste de son ami Randall, depuis leur première rencontre jusqu'à la mort de celui-ci. Les oeuvres de Randall et sa personnalité sont très extravagantes, tout comme le livre. le point central de toute l'histoire arrive rapidement, on est tout de suite plongé dans le bain. le livre a des passages philosophiques, si je peux y appeler comme cela. J'ai été plongé dans un monde qui m'est complètement inconnu. Ce livre fait en grande partie du bien à l'esprit.
Commenter  J’apprécie          50
Quand vous entrez dans le grand hall d'accueil de la société financière de Jan de Vries, sorte de multinationale tentaculaire anglaise, à côté de la photographie de cet homme au regard d'aigle se trouve un portrait signé Ian Randall Gibbs. C'est un grand carré sérigraphié à fond rose, avec en son centre une tache marron, un peu informe, genre test de Rorschach. C'est en fait son portrait, comment dire, anal ? puisque l'homme au lieu de poser devant l'artiste, est simplement allé aux toilettes déféquer un coup et s'essuyer méthodiquement après. Au lieu de jeter le papier souillé, il l'a confié au génial artiste, dont la côte monte de jour en jour, pour que celui-ci en fasse un agrandissement et qu'ainsi les résidus de son fondement soient exposés à tous les visiteurs. Comme à l"époque d'Andy Warhol, tout ce que la planète compte de financiers et de stars possède son portrait de Randall. Nous sommes dans les années quatre-vingt-dix, la folie libérale est à plein régime et l'art profite de ces mouvements spéculatifs dans une danse incertaine et caricaturale.
Ian Randall Gibbs n'a pas existé ( même s'il peut faire penser à Damien Hirst). Jonathan Gibbs en fait la figure centrale de son premier roman, héros peu sympathique et manipulateur. A travers lui, il nous explique comment l'art contemporain, ligué avec la finance, créé des artistes où le talent n'est pas le principal atout pour réussir. D'installations morbides mais pourvoyeuses de scandales en happenings grotesques, Randall, judicieusement accompagné d'un conseiller financier, l'autre personnage principal de ce roman, rencontrera ceux qui possèdent les cordons de la bourse, achèteront son art et feront ainsi grimper les côtes. Cette partie du roman, précise, mordante, décortique avec un humour grinçant ce jeu de dupes que semble être devenu l'art contemporain. Mais le roman va au-delà. Alors que Randall est décédé depuis six ans, son ami et conseiller financier, Vincent, décide d'écrire sa biographie, histoire de mettre à plat leur supposée amitié. Au même moment, la veuve de l'artiste le contacte pour lui faire part d'une découverte hallucinante. Alors que Randall n'avait jamais exposé la moindre peinture ( on le pensait même incapable de représenter la moindre forme avec un pinceau), la découverte d'un atelier secret, rempli de toiles vient bousculer la donne. le hic, c'est que ces tableaux sont tous des représentations de mécènes, de grands directeurs de galeries ainsi que de Randall et de ses proches, tous peints dans des situations pornographiques. Que faut-il faire de ces toiles, au demeurant excellentes mais somme toutes explosives ? Se dresse alors la question éternelle :Peut-on tout montrer en art ?
Tant qu'il est question d'art, le roman se révèle passionnant car Jonathan Gibbs semble connaître ce milieu comme sa poche. Seulement, il y a une autre intrigue, plus sentimentale, entre la veuve de l'artiste et son ami Vincent, qui elle, est nettement moins convaincante. Autant Jonathan Gibbs est passionnant dans sa plongée dans le monde artistique et financier, qu'il peine à être vraiment au même niveau dans la description des sentiments, moments plus convenus qui affadissent un peu son roman.
Une chose est certaine, la prochaine que vous vous rendrez à la FIAC, dans un musée d'art contemporain, resurgira l'esprit de ce roman et du coup vous vous interrogerez encore plus sur les oeuvres soumises à votre admiration. Rien que pour cela , "Randall" vous est fortement conseillé !

Merci au site BABELIO et aux éditions BUCHET-CHASTEL de m'avoir fait découvrir ce roman !

Commenter  J’apprécie          50
Traduit de l'anglais par Stéphane ROQUES

Vous le savez, je suis une inconditionnelle des chroniques de Gérard COLLARD et récemment, il a présenté un livre tout jaune, le 1er roman de Jonathan GIBBS. En arrivant au rayon Nouveautés de ma Bibliothèque préférée, je l'ai tout de suite repéré !!!

Le narrateur, Vincent, n'a pas revu Justine depuis 2 ans. C'était la femme de Randall, cet artiste peintre britannique, décédé il y a 7 ans déjà. Elle lui a demandé de venir à New York, elle avait quelque chose à lui montrer. Une fois passé le temps des retrouvailles, elle lui présente quelques dessins pornographiques dont Randall est l'auteur. Il ne s'agit là que d'esquisses. le lendemain, elle l'emmène découvrir les toiles. La peinture à l'huile n'était pas sa technique et pourtant... d'habitude il ne signait pas ses oeuvres, mais là elles le sont... autant d'interrogations qui vont permettre de dérouler le fil de toute une époque, celle des "Young British Artists" tout juste sortis du Goldsmiths College de Londres au début des années 1990.

Le narrateur a côtoyé de très près Randall, il l'a aidé à rencontrer des acheteurs potentiels pour accéder à la notoriété. Il oeuvre aujourd'hui en sa mémoire :

"Randall fut mon ami - le meilleur ami que j'aie eu dans cette vie, et que j'aurai sans doute jamais - et si son oeuvre et dans une certaine mesure sa vie doivent continuer de trouver un écho auprès du public après sa mort, alors je veux m'assurer que l'homme que j'ai connu fait partie du souvenir que nous gardons de lui." P. 53

Une des très grandes richesses de ce roman repose dans l'approche d'une oeuvre contemporaine et de ses exigences :

"Ne pas interroger le tableau, mais attendre qu'il se révèle. Lui donner le temps de démentir sa première impression, de balbutier et brouiller son récit. le fixer du regard jusqu'à ce que le tableau cède." P. 234

J'ai beaucoup aimé le passage sur le lien qu'entretient l'artiste avec son oeuvre jusqu'au moment où...

"[...] il n'existe pas d'oeuvre d'art en tant qu'entité autonome, en tant que Ding an sich. Tant qu'elle est dans l'atelier, elle fait encore partie de l'artiste. Quand elle est dans une galerie, c'est une marchandise, un chaudron bouillonnant de valeurs hypothétiques et pourtant indifférenciées, comme le chat dans la couveuse. Quand elle est accrochée au mur chez quelqu'un, ou dans un musée, elle devient une pièce de la collection, et tire plus ou moins son identité de cette collection. Nulle part elle n'existe par elle-même." P. 280

Vous trouverez dans ce très beau roman tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'art contemporain sans jamais oser le demander.

Mais un artiste est aussi un être vivant, ordinaire, il a une vie sentimentale, familiale, il évolue dans un environnement... Avec ce roman, Jonathal GIBBS dresse le portrait d'une jeunesse londonienne des années 90, sombrant dans l'alcool, la consommation d'ecstasy... Il profite de cette opportunité pour aborder le sujet de l'amitié et les liens à la vie à la mort qu'elle peut induire.

Ce roman prend enfin la dimension d'un thriller psychologique avec ces oeuvres cachées, inconnues de tous, des petites bombes tant dans le domaine artistique que pour chacun des individus qui s'y reconnaîtrait dans des positions ô combien provocantes. La veuve et l'ami de toujours porteront-ils au grand jour ces oeuvres d'une qualité incommensurable ? Et si une autre personne connaissait également en partie ce secret ?

Malgré qu'il s'agisse d'un roman relevant de l'exofiction, ce mouvement littéraire particulièrement en vogue aujourd'hui, je me suis laissée portée par le destin hors norme des différents personnages. Finalement, qu'ils aient réellement existé ou non m'importe peu, n'est-ce pas là le signe d'un très bon roman ?
Lien : http://tlivrestarts.over-blo..
Commenter  J’apprécie          40
Avant tout, je tiens à remercier Babelio et les éditions Buchet-Chastel pour ce roman que j'ai lu avec beaucoup de plaisir.
Le monde de l'art est un milieu particulier et celui de l'art contemporain l'est encore plus. de par mon métier et par ma formation, c'est un univers qui m'est un peu familier et je pense que ça a été un atout pour être immédiatement immergée dans ce très bon roman.
Nous suivons le parcours, l'ascension, d'un artiste anglais qui révolutionne les conventions à travers les yeux de son plus proche ami, Vincent.
Le récit se fait en deux temps. La première histoire, narrée à la 3e personne, se passe maintenant. Vincent a été appelé par la veuve de Randall qui a retrouvé une série de peintures inédites de son époux. La seconde histoire, racontée à la première personne, est le roman que Vincent consacre à la vie de Randall.
La construction du roman, qui alterne les chapitres à la 1e et à la 3e personne de longueurs inégales, est bien pensée, dynamique. La lecture est fluide, les personnages attachants.
Le milieu de l'art, de ses excès, de ses mécanismes souvent obscurs sont bien rendus et ce roman permet de lever un coin du voile sur ce milieu particulier. On sent que l'auteur connait son sujet et il en maîtrise parfaitement la narration. La réflexion sur la légitimité de l'art contemporain, son prix, sa valeur, sa profondeur est parfaitement exposée et oriente quelque peu celui pour qui cette forme d'art demeure parfaitement opaque.
Le seul petit bémol que je soulignerai concerne la longueur des descriptions. Certes, dans un livre sur la peinture et l'art, il est logique que les tableaux et autres oeuvres soient minutieusement décrites mais j'ai parfois poussé un soupir de lassitude.
Mais outre cette petite considération très personnelle, je ne peux que souligner les grands mérites de ce roman que je conseille vivement.
Commenter  J’apprécie          40
Merci beaucoup à Babelio et les éditions BUCHET-CHASTEL de m'avoir envoyé ce roman dans le cadre d'une masse critique privilégiée.
Ne connaissant pas grand chose à l'art moderne, c'est avec un immense plaisir que j'ai découvert le personnage de Randall, son univers, ses amis, et notamment son ami Vincent, grâce à qui nous découvrons l'artiste.
J'ai beaucoup aimé les différents personnages, l'univers de ce roman et c'est avec plaisir que je l'ai dévoré.
ça change de mes lectures et j'ai apprécié.
Seul petite chose : le langage parfois très familier, quelques gros mots, mais bon, ça passe quand même :)
Une bonne surprise donc que ce premier roman réussi, je lui mets avec plaisir 4 étoiles et je vous invite à le découvrir à votre tour :)
Commenter  J’apprécie          40
(l)(l)(l) MA CRITIQUE LITTERAIRE " RANDALL " de Jonathan GIBBS


Tout d'abord, merci à Babelio et à Buchet Chastel de m'avoir envoyé ce roman, qui m'a beaucoup plu. " RANDALL" Titre du premier roman britannique de Jonathan Gibbs, que je viens de lire... Vincent raconte la vie d'artiste de son ami Randall, depuis leur première rencontre jusqu'à la mort de celui-ci. Les oeuvres de Randall et sa personnalité sont très extravagantes, tout comme le livre. le point central de toute l'histoire arrive rapidement, on est tout de suite plongé dans le bain. le livre a des passages philosophiques. J'ai été plongé dans un monde qui m'est complètement inconnu.Quand vous entrez dans le grand hall d'accueil de la société financière de Jan de Vries, sorte de multinationale tentaculaire anglaise, à côté de la photographie de cet homme au regard d'aigle se trouve un portrait signé Ian Randall Gibbs. C'est un grand carré sérigraphié à fond rose, avec en son centre une tache marron, un peu informe, genre test de Rorschach. C'est en fait son portrait, comment dire, anal ? puisque l'homme au lieu de poser devant l'artiste, est simplement allé aux toilettes déféquer un coup et s'essuyer méthodiquement après. Au lieu de jeter le papier souillé, il l'a confié au génial artiste, dont la côte monte de jour en jour, pour que celui-ci en fasse un agrandissement et qu'ainsi les résidus de son fondement soient exposés à tous les visiteurs. Comme à l"époque d'Andy Warhol, tout ce que la planète compte de financiers et de stars possède son portrait de Randall. Nous sommes dans les années quatre-vingt-dix, la folie libérale est à plein régime et l'art profite de ces mouvements spéculatifs dans une danse incertaine et caricaturale. Ian Randall Gibbs n'a pas existé ( même s'il peut faire penser à Damien Hirst). Jonathan Gibbs en fait la figure centrale de son premier roman, héros peu sympathique et manipulateur. A travers lui, il nous explique comment l'art contemporain, ligué avec la finance, cré
Lien : http://danydan2010.skyrock.c..
Commenter  J’apprécie          44



Lecteurs (46) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1088 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}