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Citations sur Le fou (13)

"Je suis comme toi, o Nuit, sombre et nu; je chemine sur le sentier flamboyant , qui est au-delà de mes rêves diurnes; et là où mon pied touche terre, un chêne géant surgit.
- Non, tu n'es pas comme moi, o Fou; car tu te retournes encore pour voir combien grandes sont les traces de tes pieds sur le sable.
- Je suis comme toi,o Nuit, silencieux et profond, et dans le coeur de ma solitude repose une déesse en couches; et en celui qui naitra le Ciel s'unit à l'Enfer.
- Non, tu n'es pas comme moi, o Fou; car tu frémis encore devant la souffrance; et le chant de l'abime t'effraie.
- Je suis comme toi,o Nuit, cruel et redoutable; car ma poitrine est illuminée par des bateaux brulant dans la mer et mes lèvres sont trempées du sang de guerriers abattus.
- Non, tu n'es pas comme moi, o Fou; car tu es encore hanté par le désir d'une ame-soeur; et tu n'es pas encore devenu ta propre loi.
- Je suis comme toi, o Nuit, joyeux et heureux; car celui qui demeure sous mon toit est maintenant ivre de vin vierge; et celle qui me poursuit délecte à présent la joie de l'adultère.
- Non, tu n'es pas comme moi, o Fou; car ton ame est enveloppée d'un voile à sept plis; aussi n'es-tu pas encore à même de prendre ton coeur en main.
- Je suis comme toi, o Nuit, patient et passionné; car dans ma poitrine sont enterrés des milliers d'amoureux dans des linceuls de baisers flétris.
- Oui, fou, es-tu comme moi? Es-tu comme moi? Peux-tu donc chevaucher sur la tempête comme sur un coursier ou empoigner la foudre telle une épée?
- Je suis comme toi, o Nuit; je suis comme toi, puissant et élevé; car mon trone se dresse sur des tas de dieux déchus; et devant moi passent les jours pour embrasser le bord de mes vêtements, mais sans jamais pouvoir contempler mon visage.
- Es-tu comme moi, enfant de mon coeur le plus sombre? Peux-tu donc assumer mes pensées indomptables et parler mon langage illimité?
- Oui, nous sommes frères jumeaux, o Nuit; car tu révèles l'espace et moi je révèle mon ame."
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Vous me demandez comment je devins un fou. Cela m'arriva ainsi: un jour, bien avant que de nombreux dieux ne fussent nés, je m'éveillai d'un profond sommeil et trouvais que tous mes masques étaient volés, les sept masques que j'ai façonnés et portés durant sept vies; je courus alors sans masque à travers les rues grouillantes de la ville en criant: "Aux voleurs! Aux voleurs! Aux maudits voleurs!"

Hommes et femmes se moquèrent de moi; de crainte, certains coururent vers leur maison.
Et quand j'atteignis la place du marché, un jeune homme, debout sur le toit d'une maison, s'écria: "C'est un fou." Je levais la tête pour le regarder; le soleil embrassa mon propre visage nu pour la première fois. Pour la première fois le soleil embrassa mon propre visage nu et mon ame s'enflamma d'amour pour le soleil, et je ne voulus plus de mes masques. Et, comme dans une extase, je criai: "Bénis, bénis soient les voleurs qui me dépouillèrent de mes masques!"

C'est ainsi que je devins un fou.
Et dans ma folie, j'ai retrouvé à la fois ma liberté et ma sécurité; la liberté d'être seul et la sécurité de n'être pas compris; car ceux qui nous comprennent nous asservissent de quelque manière.
Mais je ne voudrais pas me targuer de ma sécurité. Même un voleur dans sageole est à l'abris d'un autre voleur.
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Durant l’heure la plus tranquille de la nuit, comme je m’assoupissais dans un demi-sommeil, mes sept Moi s’assirent ensemble et conversèrent en chuchotant.
Premier Moi : ici, dans ce fou, j’ai vécu toutes ces années, j’ai renouvelé sa peine le jour et récréé sa douleur la nuit. Maintenant, je n’arrive plus à supporter mon destin davantage, et je me rebelle.
Second Moi : ton lot vaut mieux que le mien frère, puisque mon sort est d’être le « moi » joyeux de ce fou. Je ris de ses rires et chante ses heures de joie, avec mes trois pieds ailés, je danse pour ses plus brillantes pensées. C’est à moi de me rebeller contre ma triste existence.
Troisième Moi : et moi alors ! le « moi » de l’amour défait, le tison brûlant de la passion sauvage et des désirs fantastiques ? Je suis le « moi » de l’amour malade, je dois me rebeller contre ce fou.
Quatrième Moi : parmi vous tous, je suis le plus misérable, rien d’autre ne m’a été donné que la haine odieuse et l’aversion destructive. Je suis le « moi »-tempête, le « moi » né dans les profondeurs noires de l’Enfer ; c’est à moi de protester ; à moi de ne pas servir ce fou.
Cinquième Moi : je suis le « moi » penseur, le « moi » fantasque, le « moi » de la faim et de la soif, celui qui est condamné à errer sans repos à la recherche de choses inconnues et de choses incréées ; c’est à moi de me rebeller et non à vous.
Sixième Moi : je suis le « moi » travailleur, l’homme de peine pitoyable, celui qui, avec des mains patientes et les yeux de l’envie, façonne les jours en image et donne aux éléments sans forme leurs formes nouvelles et éternelles – c’est moi, le solitaire, qui devrais me révolter contre ce fou.
Septième Moi : comme c’est étrange que vous vouliez tous vous rebeller contre cet homme parce que chacun de vous a une tâche fixée d’avance. Ah ! si je pouvais être l’un d’entre vous ; un « moi » au sort déterminé ! Mais je n’en ai aucun ! Je suis le « moi » qui ne fait rien, celui installé dans le mutisme stérile et vide du nulle part et du jamais, pendant que vous êtes occupés à recréer la vie. Est-ce à vous ou à moi, voisins, de vous rebeller ?
Quand le Septième Moi eut fini de parler, les six autres Moi le regardèrent avec compassion, mais ne dirent plus rien ; et comme la nuit devenait plus profonde, l’un après l’autre, ils s’endormirent plongés dans une nouvelle et heureuse soumission. Mais le Septième Moi demeura réveillé et continua à fixer le néant qui est derrière toute chose.
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Le roi sage

Un roi, puissant et sage à la fois, gouvernait jadis la ville de Wirani. Ses sujets le craignaient pour sa puissance et l'aimait pour sa sagesse. Au cœur de cette ville, il y avait un puits dont l'eau était fraîche et cristalline. Tous les habitants de la ville en buvaient, même le roi et ses courtisans; car il n'y avait pas là d'autre puits. Une nuit, alors que tout le monde dormait, une sorcière pénétra dans la ville et laissa tomber dans le puits sept gouttes d'un liquide étrange en disant : "Tous ceux qui, à présent, boiront de ce puits deviendront fou." Le lendemain, tous les habitants de la ville, excepté le roi et son chambellan, burent de cette eau et devinrent fous, comme la sorcière l'avait prédit. Et tout le long de ce jour-là, les habitants de la ville cheminaient dans les rues étroites et sur les places de marché en chuchotant les uns aux autres : "Le roi est fou. Notre roi et son chambellan ont perdu la raison; nous refusons d'être gouvernés par un roi fou. Il faut le détrôner." Ce soir-là, le roi fit remplir un gobelet doré de l'eau du puits. Et quand on le lui présenta, il y but longuement et le donna à son chambellan qui fit de même. Grande fut la réjouissance du peuple dans la ville lointaine de Wirani : le roi et son chambellan avaient, en effet, recouvré la raison.
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Défaite, ma Défaite, ma solitude et mon isolement ; Tu m'es plus chère que mille triomphes, Et plus douce à mon cœur que toute la gloire du monde.
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La nuit dernière, j’inventais un nouveau plaisir
  
  
  
  
La nuit dernière, j’inventais un nouveau plaisir,
et comme je m’en délectais pour la première fois
un ange et un démon surgirent devant ma porte
et se mirent à se disputer au sujet de mon nouveau plaisir.

L’un criait : « C’est un péché ! »
L’autre : « C’est une vertu ! »


/Traduction Anis Chahine
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Et maintenant, je me souviens de ma Joie morte qu'en évoquant mon Chagrin mort. Mais la mémoire n'est qu'une feuille d'automne qui murmure un instant dans le vent et puis se tait.
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                 Le fossoyeur



   Un jour, comme j’enterrais l’un de mes moi mort, le
fossoyeur m’aborda en disant : « de tous ceux qui vien-
nent ici enterrer leurs morts, je n’aime que toi.
   – Cela me flatte énormément, lui dis-je, mais pourquoi
donc m’aimes-tu ?
   – Parce que, dit-il, ils viennent en pleurant et retour-
nent en pleurant ; toi seul viens en riant et retournes en
riant. »


p.32

/Traduit de l’anglais par Anis Chahine
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Même un voleur dans sa geôle est à l'abris d'un autre voleur.
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Un jour, un chien plein de sagesse passa près de chats rassemblés.
S'en étant approché, il vit que les chats, très occupés, ne lui prêtaient pas attention; il s'arrêta alors.
Du milieu de l'assemblée se leva un grand chat, à l'air grave. Il regarda les autres et dit alors: " Frères prions! Quand vous aurez prié, et prié encore, alors, plus de doute, en vérité, il pleuvra des souris."
Le chien, entendant cela, rit dans son coeur et s'éloigna en disant: "Ô chats aveugles et insensés, n'est-il pas écrit - et n'ai-je pas appris comme mes pères avant moi - qu'en réponse aux prières, aux actes de foi, aux supplications, il ne pleut pas des souris, mais des os!"
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