- C'est ça, l'Alsace ? fait Marroi.
- Qu'est-ce que c'est ça ? demande Olivier.
- Ça quoi ?
- Cette ville ?
- Verdun, fait Doche.
- L'abattoir, dit Marroi.
Ce qui me dégoûte dans la guerre, c’est son imbécillité. J’aime la vie. Je n’aime même que la vie. C’est beaucoup, mais je comprends qu’on la sacrifie à une cause juste et belle. J’ai soigné des maladies contagieuses et mortelles sans jamais ménager mon don total. À la guerre j’ai peur, j’ai toujours peur, je tremble, je fais dans ma culotte. Parce que c’est bête, parce que c’est inutile. Inutile pour moi. Inutile pour le camarade qui est avec moi sur la ligne de tirailleurs. Inutile pour le camarade en face. Inutile pour le camarade qui est à côté du camarade en face dans la ligne de tirailleurs qui s’avance vers moi.
[...] la mort est la chose la plus solitaire du monde.
On voit la ville, l'ombre plutôt, parce qu'on trébuche dans des blocs de nuit.
Une pastèque de feu tombe là-bas, éclate sur des toits, éclabousse tout de son jus rouge.
Un obus écorche le ciel. Le cri de l'air. Le champ à gauche s'éveille comme une eau et jette une vague de terre.