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Critique de Lamifranz


« Jean le Bleu » c'est un peu l'équivalent de « La gloire de mon père » de Marcel Pagnol. Mais un peu seulement, car si le thème global reste à peu près le même, (l'évocation nostalgique de « leur » Provence (ce n'est pas la même pour tous les deux), au travers de souvenirs d'enfance, réels ou revisités, voire mythifiés, avec pour les deux auteurs la figure du père au centre du tableau), nous avons là deux écrivains très différents, au style particulier, et au rapport avec leur pays plus complexe qu'il ne paraît. Là où Pagnol joue de sa verve entraînante, de sa faconde et de sa jovialité, et fait volontiers (souvent malgré lui, d'ailleurs) dans la carte postale du souvenir à la fois émouvant et souriant, Giono, plus sérieux, oriente ses souvenirs vers un tableau plus âpre des réalités, qui n'exclut pas l'émotion ni la tendresse, ni même l'humour parfois, mais qui tend vers un réalisme aussi coloré, mais dans des teintes différentes. Et surtout il inclut dans ce tableau, tous ses rêves et ses fantasmes d'enfance, à travers des personnages qui n'étaient réels que dans son imagination.
Dans une préface écrite postérieurement (en 1956), Giono avoue : « Il y a plus de vingt ans que j'ai écrit « Jean le Bleu ». J'ai autant inventé ce livre-là que les autres ; l'invention y est cependant fondée plus qu'ailleurs sur le réel : j'étais un des personnages et je racontais ma jeunesse... » Et plus tard, il commentait : « C'est ma vie intérieure que j'ai voulu décrire dans « Jean le Bleu ». Cette vie qui était essentiellement magique. Je ne pouvais pas la raconter autrement qu'en créant autour de moi les personnages qui n'existaient pas dans la réalité, mais qui étaient les personnages magiques de mon enfance".
« Jean le Bleu » se présente donc comme une autobiographie nourrie d'éléments divers qui relèvent de l'onirisme, des fantasmes enfantins et adolescents, des divagations romanesques, dans le cadre très réel de ces collines provençales qui sont son ADN. Entre sa mère, blanchisseuse, et son père cordonnier, Jean Giono grandit au milieu des plantes et des arbres, sur cette terre parfois magnifique et parfois ingrate, au milieu de ces gens si communs et si hors du commun : les hommes, dont certains, farfelus, restent inoubliables, les femmes, qu'il dépeint avec tendresse et poésie, les jeunes filles qui font naître ses premiers émois, et ce père extraordinaire qui lui enseigne une forme de sagesse, au cours de très beaux dialogues.
Tout Giono est là. On n'est pas dépaysé pour deux sous. le travail de la terre qu'il décrit, c'est exactement celui qu'on a vu dans « Colline », « Un de Baumugnes » et « Regain ». cet amour charnel et en mêle temps quasi mystique pour sa terre natale, il l'a en lui et le gardera jusqu'à la fin de sa vie et dans toutes ses oeuvres.
La prose de Jean Giono n'est bien sûr pas la même que celle de Marcel Pagnol. Pourtant elles se recoupent toutes deux dans cette évocation nostalgique et émouvante de l'enfance, et de la terre provençale. Les amateurs de Giono seront comblés par ces récits qui oscillent entre le vécu, le rêvé, l'imaginé, et qui malgré tout garde un réel parfum d'authenticité. Pagnol, le premier a perçu cette qualité : de « Jean le Bleu », il a prélevé un extrait du chapitre VII « le boulanger, le berger, Aurélie » dont il a fait ce chef-d'oeuvre intemporel « La femme du boulanger ».
Envie de soleil, de ciel bleu, d'odeur de lavande ? L'ami Jean (le Bleu) vous emmène. Il y a de ces invitations auxquelles on ne résiste pas…
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