Citations sur Que ma joie demeure (354)
Moi, dit-il, je voudrais avoir un beau taureau et une belle vache, un beau bélier, une belle brebis, une belle ânesse pour mon âne qui est déjà beau , et qu’un bel étalon sorte du ventre de mes juments. Mes mains me démangent pour faire de belles bêtes.
Les odeurs coulaient toutes fraîches. Ça sentait le sucre, la prairie, la résine, la montagne, l’eau, la sève, le sirop de bouleau, la confiture de myrtille, la gelée de framboise où l’on a laissé des feuilles, l’infusion de tilleul, la menuiserie neuve, la poix de cordonnier, le drap neuf. Il y avait des odeurs qui marchaient et elles étaient si fortes que les feuilles se pliaient sur leur passage.
Oui, dit Bobi, je dis qu’il y a des choses qui par leur goût ou leur couleur, quand on les a sur la langue ou dans les yeux, font joie et d’autres qui font deuil. Trois choses de joie, une de deuil, ça fait vivant.
C’était à la percée du matin, à l’heure où les époux se rapprochent toujours, à moitié endormis, et se réchauffent, et sont un peu tendres, même ceux qui ne le savent pas, parce que le jour se lève.
Depuis longtemps il attendait la venue d'un homme. Il ne savait pas qui. Il ne savait pas d'où il viendrait. Il ne savait pas s'il viendrait. Il le désirait seulement. C'est comme ça que parfois les choses se font et l'espérance humaine est un tel miracle qu'il ne faut pas s'étonner si parfois elle s'allume dans une tête sans savoir ni pourquoi ni comment.
L'homme, on a dit qu'il était fait de cellules et de sang. Mais en réalité il est comme un feuillage. Non pas serré en bloc mais composé d'images éparses comme les feuilles dans les branchages des arbres et à travers desquelles il faut que le vent passe pour que ça chante.
C'était le grand gel. Pendant la nuit, le vent du nord était venu. Il avait soufflé tout doucement, sans violence, à peine comme un homme qui respire. Mais sa force était dans le froid. Il avait déblayé le ciel. Il avait verni la neige. Il avait séché la dernière sève aux fentes des écorces. Il avait verrouillé la terre. Il avait usé le ciel toute la nuit avec du froid, du froid et du froid, toujours neuf, toujours bien mordant, comme un qui fait luire le fond d'un chaudron à la paille de fer, et maintenant le ciel était si pur et si glissant que le soleil n'osait presque pas bouger.
Mais l'appétit ? Ah ! c'est ça l'important ! Donne du faisan à un qui a envie de vomir. C'est ça la chose. C'est une question de corps. Au fond de tout, il faut que ton corps désire. Sinon, tu as beau avoir tout, tu as tout mais tu ne te sers de rien.
La jeunesse, dit l'homme, c'est la joie. Et la jeunesse, ce n'est ni la force, ni la souplesse, ni même la jeunesse comme tu disais : c'est la passion pour l'inutile.
Je dois te dire que ce n'est peut-être pas par hasard que je suis ici. Hier c'était du hasard. Aujourd'hui non. Les choses se décident toujours sans comprendre. Tu comprends ?