Citations sur La méthode du crocodile (61)
Allegra répond par un rire. Elle est raffinée même quand elle rit. Elle est comme ça, Allegra, toujours attentive à l'étiquette, posée bien élevé ; ses trait sont délicats, ses cheveux toujours bien coiffés, elle s'habille avec un goût parfait. Mais Giada la connaît par coeur, elles son amies depuis toujours ; elle sait quels relents d'égout peuvent sortir de cette mignonne bouche rose.
J'ai pris soin de moi, pense le vieil homme. J'ai fait attention. Pour faire ce que j'avais à faire, il fallait que j'aille bien. Je ne pouvais quand même pas laisser mon physique me lâcher au moment crucial. J'ai tout fait pour garder la santé ; pas comme elle, qui s'est consumée jusqu'à la mort.
Elle n'a pas apporté la feuille de papier, Eleonora. Ca lui semblait inutile, voire nuisible. Comme s'il était nécessaire de fournir des preuves, un certificat.
C'est difficile, d'annoncer une telle nouvelle. On ignore si elle est bonne ou mauvaise. On le comprend en voyant le visage de l'autre, au moment même où le mot tombe dans le vide entre les deux interlocuteurs et devient solide, une rose ou une pierre, une note de musique ou une lame.
Elle se lève et ouvre la fenëtre à grand-peine.Le brouillard ,humide et fétide,fait irruption dans la pièce.Elle monte tant bien que mal sur l'appui de la fenêtre,dans la fièvre et la douleur de son ventre vide.
Et comme la pluie,comme les larmes,elle tombe.
Mais si je souhaitais à quelqu'un un destin pire que la mort, je tuerais son enfant.
Si les lieux ont une âme, pensait Lojacono, celle-ci se révèle la nuit;
— Comprenez-moi, Lojacono, lui avait dit le préfet de police. Je le fais pour votre équipe, vos collègues doivent se sentir en sécurité. C’est valable aussi pour votre famille : il n’est bon pour personne que vous restiez ici. Vous êtes trop exposé. C’est la solution la plus opportune.
Ainsi, il avait été opportun de transférer Sonia et Marinella à Palerme. Il valait mieux éviter les chantages, voire pire : il y avait carrément eu des morts dans certaines familles, assassinés par Di Fede et ses hommes. Les réactions de cette tête brûlée étaient imprévisibles.
Si seulement il avait eu droit à un procès en règle. Il aurait alors pu démonter cette absurdité en la réduisant à une sorte de médisance. Mais le manque d’éléments avait justement conduit à un non-lieu, sans avocats ni salle d’audience.
Le vieil homme posa sa valise sur le lit et ouvrit la fermeture éclair. Il contrôla rapidement le contenu du bagage. Puis il ôta sa veste et la suspendit avec soin dans l’armoire, avant de déplacer le bureau pour le positionner face à la fenêtre. Il remonta à moitié le store sans ouvrir les rideaux, coula un regard de l’autre côté de l’étroite ruelle privée et hocha la tête d’un air satisfait. Il desserra sa cravate et s’assit, observant le stylo et les feuilles de papier ornées de l’écusson prétentieux de l’hôtel. Pour finir, il se mit à écrire.
Dans la valise, quelques effets. Et un pistolet.
Lojacono haussa les épaules.
— Qu’est-ce que j’en ai à foutre, moi ? Ils n’ont qu’à l’appeler comme ils veulent, ce trou à rat. Il les dégoûte ? Eh bien il me dégoûte encore plus.
Il retourna à la contemplation de son écran. La date et l’heure s’affichaient sous la partie de cartes perpétuellement en cours sur son ordinateur.
10 avril 2012. Dix mois et quelques jours. Depuis dix mois et quelques jours, il était là. En enfer.