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Critique de Charybde2


Lorsque la traversée en forme de performance artistique devient disparition et mystère symbolique, éclairant toute une vie brève d'un soleil spéculatif et singulier – grâce à une science spécifique et rare des interstices psycho-biographiques.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/09/26/note-de-lecture-avec-bas-jan-ader-thomas-giraud/

Bastiaan Johan Christiaan Ader (1942 – 1975 ?), plus connu sous son nom diminutif de Bas Jan Ader, fut le fils d'un pasteur néerlandais résistant authentique et (pas assez in fine) discret, brutalement exécuté par l'armée allemande déjà presque en retraite, en 1944, le fils aussi, aimant mais quelque peu perdu, déjà, d'une mère qui n'a pas été autorisée à reprendre la charge de son pasteur défunt de mari, et qui en conséquence, rame un peu. Il fut encore l'adolescent difficile (« pas intenable, pas un vaurien ni un brigand mais d'après ce qui se dit un enfant un peu pénible »), le coureur des bois voisins, avec leur échelle réduite et leurs trésors potentiels pour l'imagination, puis celui qui, à dix-huit ans, s'échappe doucement pour rejoindre l'école des beaux-arts à Amsterdam. Mais le voulait-il, être un artiste ?

De l'enfance d'un géographe anarchiste (« Élisée – Avant les ruisseaux et les montagnes », 2016) au parcours paradoxal et lumineux du « plus célèbre des musiciens inconnus » (« La ballade silencieuse de Jackson C. Frank », 2018), de l'échec d'une utopie franco-texane de 1860 (« le bruit des tuiles », 2019) à, maintenant (en septembre 2021, toujours dans la collection La Sentinelle des éditions La Contre-Allée), le parcours-éclair, oscillant entre légèreté voulue et gravité acquise, d'un artiste néerlandais, Thomas Giraud excelle à spéculer autour des non-dits que sécrètent, discrètement, les interstices de vies singulières et de projets hors normes, intimes ou politiques. Comme auparavant, il parvient aussi à nouveau à déjouer les attentes instinctives de classification de son texte : multiforme, voire protéiforme, pour décoder une existence devenue performance artistique d'un type inconnu, pour rendre compte de photographies à Los Angeles, de chutes comiques et tragiques à saisir, comme de cette ultime traversée atlantique, et d'un mystère intime à préserver, il ne sera ni récit de voile accidentée ou accidentelle (même si, par moments, la douce inconscience mise en scène dans le beau « Nord-Nord-Ouest« de Sylvain Coher n'est pas si loin), ni réflexion en action sur le comique et le tragique de performance (quand bien même Buster Keaton et Monsieur Hulot seront convoqués, que l'on pourrait sentir Pierre Richard présent en arrière-plan, et que le Pierre Senges des énumérations comme des tartes à la crème et des naufrages n'est peut-être pas si loin non plus). Il ne sera pas non plus approche d'une phénoménologie de l'esprit (ou alors plus proche dans ce cas des rencontres fantomatiques avec des « philosophes allemands » orchestrées par Cedric Klapisch pour son Romain Duris de la trilogie de « L'auberge espagnole« ). Lorsque d'une certaine manière, comme chez le Roland Barthes de « La préparation du roman« , la mise en place vaut déjà performance, qu'il ne s'agit pas ou plus de disséquer, mais de laisser vivre sa poésie proprement tragique, l'art rare de l'auteur est bien de permettre lentement à la spéculation de céder la place au mystère… y compris à celui, symbolique ou non, de cet esquif retrouvé « debout » ou presque, puis disparaissant à son tour subrepticement de son port de récupération.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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