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sur 167 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Mission de décembre 2019, reportée à  2020 pour cause de pandémie : lire un Giraudeau.
Recommandation spécifique: lire de préférence Les Dames de nage ou Cher Amour.

Mandateur: Pascal alias T.V.,  Grand Maître de la Loge Giraudalcienne.
Lobby : Mosaïque,  Aléatoire, Krout, Bison, Sirenna, frères bernardiens assermentés.

Esprit frondeur: Lolokilipasgiraudeausanreserve.
Esprit recalcitrant: Anne, ma soeur Rabanne qui ne veut pas en lire 

Mandataire: votre servante,  michfred. 
Mission accomplie en juillet 2020.


J'ai donc mis les voiles et emmanché mes rames de galérienne volontaire dans ces Dames de nage-là.

Ho hisse, souquons ferme, et cap vers la haute mer!

Début de voyage houleux, lyrisme à contretemps et route marine brouillée: j'ai dû jeter l'ancre. Attendre que ça se calme. Recalfater ma coque. Repartir.

Passer au large de quelques ilots de narcissisme irritants  -ah les yeux bleus, le matelot à la  belle gueule, le beau gars que guignent toutes les filles et qui tombe les plus troublantes, les plus chaudes, les plus fiévreuses, de la vierge à la pute, du trave' aux yeux de biche  à la diva décatie ...- .
 
Saisir le filin, tenir le cap : chercher Amélie -âme lie,  âme lit, à mes lits, ah m'élit... Bref chercher  la Dame de coeur de ces Dames de nage.

Mais le voyage était un drôle de périple, au gré du souvenir, aux vents du désir, ballotté d'un continent l'autre, au confluent des rencontres, hanté de visages amicaux, bercé de milles récits comme autant de petits îlots en atoll.

Il a fallu accepter de dériver, ne plus faire le point que sur des étoiles fantômes, perdre sa route comme le Manureva.

Et faire escale.

Connaître le doux visage couronné de cheveux blancs de Marguerite à la la croisée de sa fenêtre.  Les affres de Marco-Marcia qui voulut être fille et revoir sa Mamma. La haute silhouette de  Diego, le chef de gare qui fuyait la sienne, de mère, et Ana qui ne voulait plus reprendre son train. L'homme aux mains de pierre et la belle Ysé, amants éternellement contraires.

Rencontrer les amis:  Camille la monteuse de films , discrète et efficace,  grignotée , avant Bernard lui-même,   par l'affreux Crabe,  Jo l'"impératrice" peule, Diego le guitariste chilien et l'ami Michel, le "frère " trop tôt disparu.

 Et Amélie, bien sûr: Amélie perdue depuis l'enfance, Amélie retrouvée dans le kaléidoscope des miroirs d'un café , Amélie perdue encore.

Peut-être pour que Marc-Bernard la cherche indéfiniment.

Accepter de perdre pied, de flotter entre deux eaux, de se laisser capter, envoûter, séduire par ce marin aux yeux bleus un peu trop sûr de son charme mais dont on sent toute la déferlante nostalgie, la gourmandise sensuelle, la soif de vie, alors que déjà la Faucheuse, chevauchant les vagues, suivait à la trace son esquif.

PS. Merci à Faby-la-rochelaise qui m'a mis la rame en mains en me prêtant in situ son précieux livre.


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Oh que j'ai aimé cette écriture lyrique, poétique avec des envolées magnifiques qui laissent songeur. Et pourtant je crois que cette prose doit être lue avec amour pour donner tout son potentiel. Il faut être en lien avec le cosmos pour saisir toute la puissance sous-jacente qui exsude des mots de Giraudeau. Et pour cela rien de mieux que d'être en amour, empli du feu des astres qui illumine tout d'une rare beauté et permet le ressenti par le pétillement et le scintillement qui couvre l'être qui aime, lui donne toute la clairvoyance nécessaire pour être en parfaite osmose avec le monde et l'acuité pour ressentir les vibrations de la terre. Cette terre fertile qui donne la vie tout comme la femme, coeur de vie de ce roman. C'est ainsi que Marc écrit "au monde".

Mais voilà, "il faut être soudain poreux pour aimer." C'est sans doute ce qui me manque pour apprécier pleinement ce texte. Parce que j'ai eu un léger manque, non dans la profondeur des idées, mais dans leur envol, par trop régulier. Les mots sont très travaillés et je l'ai trop ressenti. Il me manquait la crépitation de la poussière d'étoile qui illumine le message, le déforme, le rend fulgurant avec des sautes d'humeurs, l'embrase pour l'élever vers des ténèbres d'où ils peuvent chuter sans peur de me perdre, mais pour mon plaisir, celui de la surprise. Ici, j'ai eu trop de tourbillons, sans rupture de rythme. Les bribes de vie de chacun étaient magnifiques, c'est la forme qui était linéaire. J'aurais voulu de l'instabilité dans les mots, de la porosité qui arrache le coeur et sort les tripes, en toute simplicité.

"Comment retrouver l'innocence, être nu, désarmé comme l'enfance, comment être perméable ?"
Pas facile…
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N°316 – Octobre 2008

LES DAMES DE NAGE - Bernard GIRAUDEAU [Editions Métailié].

La première fois que j'ai appris la publication de ce livre, ce fut à la fin d'un journal télévisé, à travers les mots économes d'une belle journaliste blonde. Je me souviens de ses yeux qui en parlaient beaucoup mieux, puis le temps a passé et j'ai remis à plus tard cette lecture... J'avais eu l'impression fugace que ces pages évoquaient une longue liste de conquêtes féminines, des aventures amoureuses d'un séducteur...

Pourtant, dès les première lignes, l'auteur accroche son lecteur par des phrases apparemment anodines «  J'attends sans impatience, en vivant l'instant comme une éternité » ou bien «  J'ai alors, comme le veilleur, le sentiment de garder un territoire ». Alors moi, d'un coup, je comprends qu'il ne s'agit pas là d'une banale succession de passades d'un improbable Don Juan et je m'embarque avec lui dans son voyage.

Il y a d'abord l'évocation de cette jeunesse rochelaise, le père lointain et happé par la mort, la mère authentique, la famille, immédiate. Nous savons tous que cet épisode de la vie est primordial. Puis c'est l'approche des femmes, très tôt dans la timidité gauche de l'enfance, à travers l'image diaphane d' Amélie, celle du monde extérieur que tout à la fois on craint et souhaite conquérir pour elle, celle de la terre et de la mer parce qu'à La Rochelle l'une de va pas sans l'autre. C'est l'intuition que les rêves se tressent dans les ports parce que ceux qui y naissent et y vivent les premières années de leur vie ne peuvent pas ne pas les imaginer autrement, partagés qu'ils sont entre leur soif d'aventure et leurs certitudes...Pour Giraudeau l'enfance c'est la mère qui phonétiquement se confond avec l'océan, cette première femme qui non seulement donne la vie mais aussi le bagage qui accompagnera toujours l'enfant devenu un homme. C'est vers elle qu'il reviendra, c'est elle qui a imprimé, d'une manière définitive, ses traits dans la trame de sa mémoire et qu'il recherchera dans le visage de chaque femme... et d'avouer « Marguerite me rappelait que j'avais une mère qui vieillissait... elle était là-bas, à La Rochelle, la ville d'Amélie, celle de mon enfance, tournée vers la mer et des rêves à n'en plus finir ».

C'est l'éveil à l'amour, puéril et merveilleux, qui contient en lui tout ce qui sera plus tard la perpétuelle quête de l'homme vers la femme. Ce sont souvent les boucles innocentes d'une camarade de classe, d'une voisine ou d'une cousine qui en sont la cause, une vision fugace pour un garçon qui en gardera toute sa vie d'homme la trace au point d'en rechercher l'empreinte dans toutes les autres. «  Tout au long de ma vie j'ai aimé les nuques déliées, les femmes comme des gerbes et le secret des graines et dans les épis », même si l'existence se chargera plus tard de mâtiner tout cela, dans ses vicissitudes ou les brisures de la souffrance et de la mort... « Amélie tu fus une messagère, un guide que je reconnus sans conscience... Ce n'est pas toi que je quitte, c'est mon enfance , ma naïveté et ce long silence parce que tu n'es plus... Ce n'est pas une rupture, on ne rompt pas avec ce qu'on a aimé, je m'éloigne, puisque depuis longtemps nous nous sommes lâché la main ».

Ce sont aussi des souvenirs de voyage maritimes, des bribes de texte confiés au fragile support du papier, rangés dans un repli de la mémoire, qui viennent d'Afrique ou d'Amérique du Sud où le vent est bien souvent le seul témoin, le seul écrin de toute aventure humaine. Les ports sont des lieux d'exception qui accueillent les marins après l'exil du large. Les hommes qui y sont nés portent malgré eux, jusque dans leur sang, le rythme de la houle, l'haleine des embruns, l'écume blanche des vagues qui invitent à l'ailleurs. Ici se conjugue les forces de la terre et de l'eau, la volonté d'être de quelque part et celle, parfois plus forte de fouiller l'horizon, les valeurs de la permanence et celles, plus subtiles et irréelles de l'intemporel. Ils sont tiraillés entre leur volonté de plonger leurs racines dans les murs d'une maison, dans la vie quotidienne d'un couple rangé et celle, souvent plus forte, comme une aventure renouvelée, de partir à l'appel prégnant du vent, au hasard de l'escale, de ses plaisirs fugaces, de ses rencontres parfois noyées dans l'alcool et les bordels des ports. Il y a la mémoire, forcément sélective et labile « Il y eut d'autres escales, d'autres quais, d'autres amours... j'ai seulement gardé le visage de celles qui étaient venues à moi comme des cadeaux, des messages de vie. Il y eut des trésors et de fausses perles, des mirages d'amour et des corps glacés »
Quand on croise un regard de femme au hasard d'une rue, qu'on goûte à la délicate fragrance du parfum qui la suit, il se passe toujours quelque chose d'exceptionnel et parfois de frustrant. L'homme de mer, aventurier à la peau burinée, mais aussi le poète-témoin à l'âme bouleversée, malgré sa volonté d'indépendance, garde cela dans la grosse toile de son sac qui, posé à terre, se vide malgré tout de son contenu, avec des mots pour le papier, des images pour le ruban d'arlequin d'une pellicule... Et Bernard Giraudeau de convoquer Albert Camus pour « l'étranger », Alvaro Mutis pour le voyage et Pierre Loti pour tout cela et peut-être aussi pour la beauté des mots...

Portraits de femmes sensuelles, dispensatrices d'amour et de plaisirs, compagnes fugace du marin, partagées entre les larmes d'une foucade et la volonté définitive de s'établir, silhouettes d'hommes aussi, comme ce chef d'une gare perdue dans le désert d'Atacama au Chili, d'homos et de transfuges du sexe comme celui, sublime et douloureux, de Marco devenu Marcia...

Je n'en finirai pas de citer les phrases de ce livre tant elles m'appartiennent sans doute un peu. Les pages en sont autant de bouteilles jetées à la mer du quotidien, une invitation à la complicité...

C'est peut-être puéril, mais j'ai lu de nombreux passages de ce texte à haute voix, parce que ces mots sont comme des notes d'une musique alternativement tranquille et crue, apaisée et tourmentée. J'ai voulu me pénétrer de cette poésie, du balancement de la phrase, du ronronnement des allitérations qui ont été pour moi, pauvre lecteur, autant d'invitations au rêve que d'évocations intimes mais aussi du plaisir plus secret du non-dit.

Les dames de nage, une pièce d'accastillage pour chaloupe, un instrument qui permet au bateau d'avancer à la force des bras des rameurs, un beau titre évocateur. On pense aux femmes et à la mer, au voyage et au tangage de la houle et des corps dans l'étreinte, aux rencontres d'exception que seule l'aventure peut vous prêter ... le livre refermé, il reste des impressions, des paysages, des personnages, des délicates ombres de femmes, mais surtout le parfum de l'aventure, le dépaysement et ...la délicieuse musique des mots.


© Hervé GAUTIER - Octobre 2008. http://hervegautier.e-monsite.com 
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Récit de voyages lointains, de l'Afrique aride et brûlante à l'Amérique du Sud moite et étouffante en passant par la Polynésie ou un Paris nostalgique, Bernard Giraudeau n'écrit pas, il peint, il esquisse, il fait naître des paysages et des personnages lumineux.
Ses mots subliment des rencontres, éphémères ou durables, des femmes aimées, aimantes, aimables, des instantanés de partage et d'intimité, des moments magiques où les êtres se confient et se confondent.
Ses phrases sont des mélopées, des partitions sur lesquelles évoluent des personnages troublants, surgis du passé, fantômes erratiques et troublants.
D'Amélie « le lit de son âme », que Marc, le narrateur, aimera silencieusement pendant son enfance, en passant par Marguerite, avec laquelle il n'échangera jamais un mot mais qu'il comprendra et devinera à travers son reflet, son regard, son silence, à Maïmouna, la maîtresse du vent, à Mama « la bonne à tout faire, même l'amour avec le père », à Ysé ou Marcia qui veut oublier qu'elle est née Marco, c'est une mosaïque de portraits délicieux, parfois fugaces, étranges mais scintillants.
Les mots, souvent crus mais jamais vulgaires s'enchaînent et forment un récit qui se lit avec beaucoup de tendresse et de respect.
Bernard Giraudeau n'écrit pas, il conte. Pour notre plus grand bonheur.
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Un marin ivre de sa propre quête, de ports en ports, de perdition en extases. Un chercheur d'images, traqueur de visages, rageur contre le faux accord en quête de la note juste, de la mélodie d'harmonie pure. Un ciseleur de mots, un ajusteur de sentiments, un devineur de l'invisible. Tout cela, et bien d'autres facettes, c'est Marc, le narrateur, le conteur de cent questions, de cent histoires qui se chevauchent et s'interpellent. Toute situation, toute rencontre sont pour lui occasions de mise en lumière et en tendresse, autant le bar à putes le plus crade que les rives d'un lac ombré d'or. J'aime en lui ce regard posé digne des Fleurs du Mal, j'aime sa frénésie jamais impatiente, son désir franc et léger, sa virilité qui donne des caresses et de l'attention saisissante. J'aime l'enchaînement aléatoire des scènes décrites, de Madagascar à Paris en passant par Manille, l'Argentine, le Mali... J'aime me faire balader dans son verbe séducteur et violent. Si tu étais encore vivant, Bernard Giraudeau, l'auteur, je t'écrirais une lettre d'amour. Tu es parti sur l'autre rive, Bernard, alors je parle en direct à ta présence vive: tu as bien fait d'écrire tout cela, de coudre avec ce fil toutes tes expériences et tes questionnements d'homme intense et démesuré.
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Ecouté en audio;
La voix de Bernard Giraudeau d'abord.
Puis la mélopée, la magie des mots, de leur poésie.
Rien n'est banal mais transfiguré.
Le bonheur.
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A travers ses voyages de l'Afrique a l'Amérique du Sud l'auteur nous raconte l'amour, l'amitié, la vie de facon émouvante, nostalgique, mais pas larmoyante. Ouvrez le livre au hasard, vous ressentirez un grand plaisir de lire un beau texte poétique. Il mérite bien le Prix des lecteurs de l'Express 2007.
Je suis étonnée d'etre la seule a posséder ce livre dans ma bibliotheque sur babelio.
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Mon préféré de Giraudeau. le premier aussi de l'auteur que j'ai lu..
J'adore comment c'est écrit..On voyage forcément.
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