Dans ce pays qui a tant de journalistes et pas de presse, qui a la liberté et si peu d'hommes libres, où la justice appartient chaque jour un peu moins aux juges et un peu plus aux avocats, quelle autre voix te reste que la nôtre ? La tribune ? Il n'y a plus d'orateur là où le théâtre est enroué ! Tandis que rien n'est perdu si chaque soir le parvenu, le concussionnaire, le cuistre doit se dire : Tout irait bien, mais il y a le théâtre, et si l'adolescent, le savant, le ménage modeste, le ménage brillant, celui que la vie a déçu, celui qui espère en la vie, se dit : Tout irait mal, mais il y a le théâtre !
Le théâtre n'est pas un théorème, mais un spectacle, pas une leçon, mais un filtre.
Un peuple n'a une vie réelle grande que s'il a une vie irréelle puissante.
Belle terrasse de café de luxe.
Au Bois ou sur la Seine. Heureux après-midi. Il est 4 heures.
Le président.- Quelle table me conseillez-vous, garçon ?
Victor.- Celle qui vous plaira.
Le président.- Le thé est bon chez vous ?
Victor.- J'ignore, je bois de la bière.
Le président.- Dès que vous apercevrez une jeune femme, dirigez-la vers moi. La plus charmante des jeunes femmes.
Victor.- Les charmantes jeunes femmes ici se dirigent parfaitement toutes seules.....
(lever de rideau de la pièce extraite de "La Petite Illustration" n° 449 parue le 17 décembre 1938)
C'est une heure d'éternité, l'heure théâtrale!
Ceux qui veulent comprendre au théâtre sont ceux qui ne comprennent pas le théâtre.
Quand on vit avec un monstre, on le préfère avec le sourire.
La mise en scène, c'est bâtir pour la pièce une assise de béton comme pour un obusier. Et en avant le tir!
La scène est la scène même de l'Athénée, un après-midi de répétition. En 1937.
Renoir, Boverio, Marthe puis les acteurs
Renoir.- Essaie du Molière. La recette est infaillible.
Boverio.- Je ne sais quel mouche les pique aujourd'hui ! L'heure de la répétition est passée de cinq minutes et ils sont tous encore à discuter dans l'escalier.
Marthe.- Je les ai déjà sonnés trois fois.
Renoir.- Essaie du Molière. Toutes les fois où l'on récite du Molière sur une scène, les comédiens, où qu'ils soient dans le théâtre, l'entendent, et ils arrivent.
J'en ai fait souvent l'expérience, même au Boulevard.
Cela entre dans les loges. Cela bat tous les timbres.
Boverio.- Je crois qu'ils attendent Jouvet
Renoir.- Tu vas voir s'ils l'attendent quand ils sauront que Molière est là.....
(lever de rideau de la pièce extraite de "La Petite Illustration" n° 449 parue le 17 décembre 1938)