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Critique de bobfutur


Edition L'Age d'Homme de 1986 - Traduction Luba Jurgenson

Il m'a fallu quelques jours pour rassembler mes esprits quant à cette critique; non que j'eusse été pris d'oblomovisme, mais pour bien essayer de saisir la portée de ce livre, qui à l'aune des débats de notre temps, prend une tournure encore différente de tout ce qu'il a déjà questionné depuis sa publication.
Délicat... Un tel livre, dont l'étude continue de nos jours, sûrement du fait que l'auteur lui-même ne semble pas vouloir en tirer une morale claire, mais de poser des questions, dont il aurait commencé à répondre plus tard dans son oeuvre "La Falaise" si je m'en réfère à certains l'ayant lu... Encore un autre livre à lire.
Tachons donc d'être personnel... Oblomov, héros de la décroissance ? Pas vraiment, il faut être clair sur ce point, dans le sens que cette apathie et cette propension au rêve et à l'inactivité, ce refus des passions et de la transformation de son environnement, ne s'accompagnent pas d'une réflexion sur une prétendue relativité des croyances de l'Homme; l"aquoibonnisme" ici n'est que paresse, plaisirs de la table et finalement de la chair, bien que cette dernière se fasse longuement et cruellement attendre, donnant au passage à voir la rigidité glaciale des convenances religieuses et bourgeoises des relations galantes.
En bref, l'envie de renverser la table d'Olga et de toute sa famille, assommant Oblomov avec un os de jarret, démontrant ainsi l'iniquité souffreteuse de cette hypocrisie enfermant le personnage probablement le plus doué de sensibilité de tout le livre, la merveilleuse Olga corsetée jusque dans son âme par la société noble, dont Gontcharov esquisse subtilement le portrait de l'inutilité, et de son acceptation forcée, comme état de Nature, fait de naissance, par les masses laborieuses — le fils d'Oblomov, né tout blanc et avec des membres de poupée, comme son père, n'est de tout de façon pas apte à quelques travaux que ce soit, reconnait Agafia Matvéevna — tout en insistant sur cette bonté originelle, ramenant peut-être au mythe de la pomme de la connaissance...
Donc oui, Oblomov aurait pu être "L'Idiot", et Dostoïevski aurait plutôt nommé le sien "Le Blond"....
Zakhar, crétin parfait, dont le mariage avec la futée Anissia, insiste sa fonction de bouffon de l'histoire, de l'aveuglement des hommes (avec une minuscule) à déconsidérer les femmes (alors que ces sociétés slaves sont loin d'être les pires de ce côté là...). Il amène toute la partie burlesque, celle qui fait des premiers chapitres du livre une farce de boulevard, avant que l'on ne plonge dans cette longue partie onirique qu'est le Rêve d'Oblomov, permettant d'ancrer l'oblomovisme comme atavisme familiale, narrant cette douce et molle vie à la campagne, que seul l'étincelle de la jeunesse viendrait troubler, donnant au lecteur la vision d'une forme d'Eden, opposé à la modernité de la connaissance et de l'internationalisme.
Stolz incarne bien-sûr cette engeance. Lui seul arrive à sortir Oblomov de ses vapeurs coussineuses. Son rôle, globalement positif, est habilement teinté d'arrogance pour que la question reste ouverte: doit-on aller contre la volonté de quelqu'un, "dans son intérêt" ? Et puis, au fond, n'est-ce pas là une forme de satisfaction égoïste pour lui ? Celle qui parfois l'aveugle temporairement : la machination de Tarantiev et Moukhoïarov étant dès le début évidente, eux fuyant le repas de la Saint-Elie sitôt son arrivée...
Ces deux réjouissantes crapules sont des personnages inoubliables. Je ne boirais plus jamais de rhum de la Jamaïque de la même façon.
Buvons donc.
Buvons aux chefs-d'oeuvre, même si celui-ci m'aura par moment bien agacé, il est une saine et indispensable lecture en ces temps de confinement.
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