Aujourd'hui encore, les gens me posent des questions sur ce qui s'est passé et pourquoi. Comme si je pouvais leur répondre, après tout ce temps. Car cette affaire date de plusieurs décennies, et il n'en reste que les on-dit et le mythe -je ne vois pas comment l'appeler autrement. Je ne suis plus jeune, et je ne peux pas toujours faire la différence entre ce qui appartient réellement à mes souvenirs et ce que d'autres m'ont raconté. (...)
Mais tard, le soir, il m'arrive encore de m'interroger sur tout ça, sur le cours des choses et la vie que j'ai menée. Je tourne et retourne inlassablement ces questions que les gens m'ont posées, ceux qui n'en ont eu vent que ouÏ-dire, qui n'étaient pas sur les lieux au moment des faits. Que s'est-il passé, et pourquoi ?
I. Le pécheur
Chapitre I
Les enfants se souviennent mieux de l'été ; ils en sentent les plaisirs sur leur peau. En vieillissant, ce sont les hivers dont on garde l'empreinte dans les os.
Il était évident que quelque chose s'était passé entre eux, une reconnaissance puissante et immédiate. Comme si ce qui devait leur arriver avait déjà eu lieu, comme si tout était conclu.
L'enfance est l'endroit le plus dangereux qui soit. Personne n'en sort indemne.
Ils sont devenus chacun pour l'autre la seule chose qui compte et, à la fois, rien du tout. Ils sont unis, ils sont seuls, et chacun attend de l'autre qu'il recrée cette solitude qu'ils cherchent depuis toujours, chacun à besoin de la guerre contre le corps de l'autre pour créer cette complétude qui leur paraît le seul endroit possible où vivre, en cet instant, et dans celui qui suivra.
Il y a dans l'impuissance quelque chose qui nous fait mépriser celui qu'elle accable. Il y a dans le désespoir quelque chose qui nous rend incapable d'accepter l'affection.
Sauver une vie, c'est sauver le monde. C'est ce que disent les juifs. Rien qu'une vie parmi des milliards, et ça change tout. Et pas seulement pour celui qui est sauvé.
Le plus incroyable dans cette robe, ce qui la rendait si spectaculaire, ne se révélait que dans un second temps, comme si elle contenait un secret. Voilà ce qui les excitait tous les deux: elle ne livrait sa magie que le moment venu. cette robe était à l'image de leurs deux cœurs, à ces femmes qui ne dévoilaient pas tout, perpétuellement sur la réserve, immobiles au milieu du tumulte de leur vie.
Il priait pour que Charlie ne meure pas. S'il mourait, ce serait la faute de Sam, il en était certain, car la seule chose qui pourrait causer ce drame, ce serait qu'il raconte le secret qu'il gardait et dont il ne devait rien dire.
L'enfance est l'endroit le plus dangereux qui soit. personne n'en sort indemne.