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« Physique de la mélancolie » n'est pas un ouvrage dont il est facile de faire la description : fiction, autobiographie, poésie, illustrations; le classement dans un genre particulier ne serait pas aisé.
« Je » ,« Nous », « Il », le narrateur est « multiple » dès les premières pages du roman.

Peut être que nous pourrions trouver ici le passage du « nous » au « je » : transition qui mène inéluctablement à la mélancolie : le socialisme bulgare s'éteint, les « je » se libèrent.

L'auteur (« minauthor ») classe, fiche, accumule, fait sienne la mémoire du monde, explore l'empathie dans ses moindres recoins : dans le corps de l'Autre, dans le souvenir de l'Autre. Un voyage qui nous fait perdre les limites de l'existence : « sommes nous ? ». Les époques, les âges et les frontières du vivant s'effacent.

Vous pouvez lire le roman de manière classique (page après page) mais vous pouvez aussi le parcourir au gré de vos envies, le feuilleter, vous en imprégner, vous accaparer ici et là des morceaux de vie.

La mémoire nous joue des tours : qu'est ce que le narrateur a réellement vécu ? qu'a-t-il emprunté des souvenirs de l'autre, qui est il vraiment ? Est-il ? La fiction, l'autobiographie, les vies se mêlent et nous même nous nous perdons dans ce joyaux narratif.
« Physique de la mélancolie » est plus qu'un roman, il est un objet littéraire.
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« Je suis né à la fin du mois d'août 1913, être humain de sexe masculin. Je ne sais pas la date exacte. On a attendu de voir quelques jours si j'allais survivre et c'est alors seulement qu'on m'a déclaré. […]
Je suis né deux heures avant le lever du soleil, mouche à vin. Je mourrai ce soir après le coucher du soleil.
Je suis né le 1er janvier 1968, être humain de sexe masculin. Je me souviens dans le détail de toute l'année 1968, du début jusqu'à la fin. Je ne me rappelle rien de l'année en cours. Je ne sais même pas son numéro.
J'ai toujours été né. Je me rappelle encore le début de l'Ère de glace et la fin de la Guerre froide. le spectacle de dinosaures mourants (durant ces deux époques) est l'une des choses les plus insoutenables que j'aie jamais vues.
Je ne suis pas encore né. Je suis à venir. J'ai moins sept mois. Je ne sais pas comment on compte ce temps négatif passé dans le ventre. […]
Je suis né le 6 septembre 1944, être humain de sexe masculin. Temps de guerre. Une semaine plus tard, mon père est parti sur le front. […]
J'ai des souvenirs de moi né comme buisson d'églantier, perdrix, ginkgo biloba, escargot, nuage de juin (ce souvenir est fugace), crocus mauve d'automne au bord du Halensee, cerisier précoce figé par une neige tardive d'avril, comme une neige ayant figé un cerisier leurré…
Je sommes nous. » (extrait du prologue de l'ouvrage).



Il est difficile de présenter un résumé de « Physique de la Mélancolie ». Cet ouvrage croise plusieurs récits mais ils sont relatés par un seul narrateur. Ce dernier est complexe, à la fois unique et multiple, car doté d'une empathie hors du commun, il expliquera d'ailleurs sa capacité à se fondre dans [le corps de] l'Autre pour ressentir les choses.

A l'instar de « L'Alphabet des femmes », « Physique de la Mélancolie » s'ouvre sur une préface (étayée, généreuse et réflexive) de Marie Vrinat-Nikolov. La traductrice partage son point de vue quant à la sensibilité dont il faut faire preuve lors de la traduction d'un roman ; tenir compte des jeux de mots, de l'ambiance, de la poésie, des références… tenter de construire des passerelles entre les cultures tout en ne dénaturant pas la culture d'origine (littéraire, populaire,…).

De fait, cet ouvrage nous ravit de métaphores nouvelles et de descriptions inattendues. Cette alliance magique et mélodieuse de termes, cette formulation souvent atypique, ravissent le lecteur. Ce rythme narratif original ne change pas les habitudes de lecture mais la manière dont le regard est posé sur les choses et les gens offre une familiarité singulière (donnant l'impression que l'on découvre un terrain pourtant connu). On se laisse envelopper par cet univers riche, parfois poétique et il est difficile de rester insensible à la musicalité du langage.

(...)

Lire l'article intégral sur le blog :
Lien : https://chezmo.wordpress.com..
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L'écrivain Guéorgui Gospodinov délivre une oeuvre puissante où nous explorons avec lui le XXe siècle, plus particulièrement la Bulgarie à travers ses émotions et ses souvenirs. Ce roman débute sur une riche épigraphie où j'ai pu apprécié la citation de Fernando Pessoa. Un seul mystérieux écrivain m'intrigue déjà : le fameux Gaustin, personnage que l'on retrouvera par la suite dans le récit. Ce début m'a immédiatement plu, annonçant le ton du livre. On suit avec plaisir la quête de sens du narrateur.
"Acquéreur d'histoires", le narrateur plonge dans les souvenirs des autres au point de se confondre avec toutes ses histoires croisées. L'image récurrente de la figure du Minotaure amplifie cet attachement qu'à le narrateur pour cette icône mythique, tant porteuse de sens pour Guéorgui Gospodinov. Comme le Minotaure, le narrateur navigue dans le labyrinthe des souvenirs. "Collecteur de souvenirs", le narrateur conserve même les faits d'actualité, épluchant avec minutie la presse pour ne pas oublier un événement. comme un gardien de la mémoire, dépeignant ainsi une image de l'humanité. Alliant poésie, humour et réflexion, ce roman est passionnant par sa construction originale. Guéorgui Gospodinov s'exprime avec des phrases percutantes, un style fluide et riche tant au niveau des idées que de l'expression. L'écrivain manie parfaitement les procédés stylistiques, alternant habilement entre récit autobiographique, mythe et réflexion. Il n'hésite pas à interpeller le lecteur, comme un complice de sa quête. Un roman bien construit qui fut pour moi une belle découverte.
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L'enveloppe Masse Critique est blanche, dedans une petite carte avec un mot manuscrit, c'est agréable.
Une biographie de l'auteur et une analyse du livre : je ne lis pas, je ne veux pas être influencé.
Puis l'ouvrage : la couverture est moche, une toile cirée des années 70.
Le nom de l'auteur imprononçable, de toute façon, je ne les retiens jamais, mes enfants se moquent souvent de ma mémoire.
J'ouvre, une préface : je ne lis jamais les préfaces.

Puis les premiers mots, et là : magie. Je comprends, puis je ne comprends plus, tout se mélange pour se former à nouveau dans un tableau cohérent, l'auteur me balade, mais il laisse des pistes. Je le suis, je cours, je flâne.

Ce roman est écrit comme on vit. Il y a le fil conducteur, les grands projets, les passages obligés. Et puis il y a les pensées qui nous arrêtent, les questions grandes ou petites. Il y a les digressions, les détails qui nous perturbent, qui détournent notre attention.

Ce roman est une vie, rêvée, fantasmée, vécue, peu importe. D'une beauté doucement distillée, au fil des jours.
C'est aussi notre empreinte dans l'histoire, nous sommes les enfants de millions d'années, de nos parents, de nos grands parents, nous sommes encore leurs souffrances et leurs joies prolongées, nous sommes les légendes anciennes. Ce livre nous inscrit dans le temps et nous prolonge dans le futur.

La mélancolie dont il est question est belle, c'est celle des beaux souvenirs, c'est le poids rassurant de ce qu'on a été à travers les autres puis nous mêmes, c'est ce qui fut et qui n'est plus, c'est celle du temps qui passe, de l'heure des bilans, de la vieillesse apaisée.

C'est la mélancolie doublée d'un sourire en regardant une vieille toile cirée des années 70.

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Le roman entremêle des souvenirss personnels, des anecdotes familiales et des événements historiques. Dans ce labyrinthe de récits, il était tout naturel qu'émerge la figure du Minotaure, cet enfant abandonné du fait de son lignage et condamné à l'enfermement : "au début de tout, ai-je dit, se trouve un enfant jeté dans une cave"

"Cela se produisait souvent malgré moi. Comme si là où l'autre éprouvait une douleur, dans cette faille, s'ouvrait un couloir qui m'aspirait en lui."

Dans son enfance, le narrateur a souffert du "syndrome empathico-somatique obsessionnel". Autrement dit : il avait le pouvoir de s'installer dans l'histoire d'un autre, qu'il s'agisse de son grand-père, d'une fourmi rouge ou même d'une plante. Ce sont toutes ces histoires qu'il nous raconte en se replongeant dans la Bulgarie communiste des années 70 et 80, comme celle de Julietta qui tous les après-midis pendant quarante ans a attendu Alain Delon devant le vieux cinéma fermé depuis déjà longtemps

"Le vieillissement d'un empathique est un processus étrange. Les couloirs menant vers les autres et leurs histoires se sont murés".

En grandissant, le narrateur a perdu son pouvoir empathique. Pour connaître les histoires et nous les raconter, il a d'abord commencé à les collectionner sous forme de listes classées dans des cartons afin de "sauver les choses par les mots". Et puis, il a commencé à acheter les histoires à ceux qui en avaient à vendre.

"J'essaie de tenir un catalogue exact de tout".

Et si, pour conserver tout ce qui doit l'être, il ne suffisait pas de le conserver dans une "capsule temporelle", à l'image de celle qui fut enterrée à New-York à l'occasion de l'Exposition universelle de 1938 ? Mais alors, comment choisir ce qui sera destiné à n'être redécouvert que des siècles plus tard ?

"Si quelque chose est durable et monumental, à quoi bon le mettre dans la capsule. Il ne faut conserver que ce qui est mortel, éphémère, fragile. "

L'écrivain se doit alors de tout écrire, enregistrer et conserver. Il acquiert ainsi la capacité à se mouvoir dans les couloirs du temps en passant d'une histoire à l'autre. le voici maintenant détenteur d'un nouveau pouvoir, celui que Shéhérazade utilisait en son temps : "la force de celui qui raconte". Cette force-là appartient à celui qui est faible et vulnérable. Par le récit qu'il raconte avec ses mots, il a pouvoir de vie et de mort dans les histoires.

"La mélancolie rend les os fragiles".

Objet du livre ("Physique de la mélancolie"), la mélancolie ne se laisse pas réduire à un sentiment diffus Elle ne se laisse pas combattre facilement non plus, "quelque chose s'est bloqué dans le temps". Peut-être que l'une des façons de lui répondre est de prêter attention aux petites choses insignifiantes, ces petites choses qui sont finalement "les dernières à scintiller avant les ténèbres".

Tout dans ce roman semble couler facilement et se glisser en nous. le lecteur se retrouve comme en état de porosité, en empathie à son tour avec ce petit garçon qui se glisse dans les histoires et cet homme qui se donne ensuite pour mission d'encapsuler les plus insignifiantes d'entre elles pour leur offrir l'éternité.
Lien : https://www.nathalie-palayre..
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Vu le "déchirant et sublime" court métrage de Théodore Ushev, qui m' a donné une terrible envie de lire le livre dont il s' est plus qu' inspiré.
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