+++++++ FEMMES DANGEREUSES +++++++
Rassurez-vous il ne s'agit nullement d'un livre à sensation, mais du portrait de 10 militantes qui ont défrayé la chronique, brossé par une spécialiste en gestion de crises et de conflits aux Pays-Bas.
L'auteure,
Beatrice de Graaf, née en 1976 à Putten en Hollande, a eu une formation des plus rigoureuses aux universités d'Utrecht, de Bonn (en Allemagne) et de Leyde, où elle a été chargée de cours et a été cofondatrice du "Center for Terrorism and Counterterrorism" - CTC. En cette matière spécifique elle a publié plusieurs ouvrages de qualité, est conseillère du gouvernement de son pays, est membre de l'académie des sciences et souvent interrogée tant par la presse écrite que télévisée.
Par son ouvrage, l'auteure a voulu comprendre la motivation profonde de femmes qui se font terroristes, un choix communément masculin ? Comme acadėmicienne, elle a bien sûr épluché ses classiques, telles les oeuvres de
Mia Bloom des États-Unis qui résume ces motifs par 5 termes (commençant par la lettre "r") : "revenge, redemption, relationship, respect, rape", soit : vengeance, rédemption, contexte relationnel, respect et viol ; et les 3 motifs avancés par
Louise Richardson, la politologue irlandaise : vengeance, reconnaissance et gloire.
Beatrice de Graaf ne se montre guère convaincue et estime qu'il n'y a tout simplement pas une réponse universelle à la question pourquoi des femmes jettent des bombes. Les données statistiques disponibles sont bien trop rares pour se permettre de telles généralisations. Outre la spécificité psychologique individuelle, il importe également d'approfondir l'imagerie dans la presse des femmes terroristes et l'interaction entre les deux. C'est la raison pour laquelle, en vue d'une meilleure compréhension de ce phénomène ultracomplexe, elle préconise une approche basée sur l'analyse scrupuleuse de 10 cas précis.
Parmi les 10 militantes retenues, il y a la célèbre
Angela Davis, l'icone du "Black Power", qui à 77 ans est toujours active et la terroriste allemande
Ulrike Meinhof qui en 1976, à l'âge de 41 ans, s'est suicidée en prison et Tanja Nijmeijer, une Néerlandaise qui est allée rejoindre les "Fuerzas Armadas Revolucionarias" en Colombie et dont j'ai commenté le parcours dans ma critique de sa biographie par
Liduine Zumpolle du 2 mai 2020, à laquelle je me permets de vous renvoyer.
Les 7 restantes ne sont pas si illustres, mais probablement autant dangereuses. Il y a Bernardine Dohrn d'un mouvement souterrain américain nommé Weatherman, qui a été surnommée "la cheerleader de la révolution" et qui a entretemps 79 ans ; Zarema Mouzjachojeva, surnommée la veuve noire de Tchétchénie, où elle est née en 1982 ; la Marocaine Malika El Aroud, symbole du djihad digital et l'Allemande néonazie Beate Zschäpe, qui a aujourd'hui 46 ans et se trouve en taule avec une perpète.
Puis, 3 Néerlandaises peu connues à l'étranger : Lidwine Janssen, née en 1952, qui est allée joindre le PFLP, le Front de la libération de la Palestine ; Abida van Domburg, qui a rejoint les "Amazones d'Allah" sous le nom de guerre Abida Kabbaj et pour terminer Hansina Uktolseja (1955-1977), originaire d'Indonésie qui fut tuée lors du détournement d'un train près de Groningue aux Pays-Bas par un commando de Moluquois en mai-juin 1977.
Je regrette que l'espace restreint pour une chronique sur Babelio ne permet pas de couvrir décemment 10 existences exceptionnelles et certaines carrément tragiques et qu'il me faut donc me limiter bêtement à une simple énumération.
J'espère que cet ouvrage intelligent de 383 pages, avec un avant-propos, des notes, une large bibliographie et illustré de 10 photos trouvera une traduction en langue française. le livre de Beatrice de Graaf m'a plu par le sérieux des recherches à la base, l'équilibre et parfois même la subtilité de ses considérations, sans que la lecture en devînt pénible ou fastidieuse. Plutôt le contraire !
Je regrette seulement que l'auteure n'ait pas retenu pour son examen le cas de la terroriste belge, Muriel Degauque (1967-2005), morte dans un attentat-suicide sur un convoi militaire américain près de Bagdad. Mais nous avons heureusement l'excellent ouvrage de Chris de Stoop de 2010 : "La guerre sainte de Muriel : Récit d'une kamikaze occidentale".