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Critique de tamara29


Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour cette masse critique spéciale.
Milos est un jeune étudiant en paléontologie, vivant à Antibes, ville où les peintres Pablo Picasso et Nicolas de Staël ont vécu. le Château Grimaldi -devenu le Musée Picasso en 1966- expose les oeuvres de ces deux artistes.
Milos a des yeux bleus, si clairs que les autres sont envoutés par son regard. Rapidement il va en être gêné au point de le cacher sous des lunettes fumées.
Sa mère l'a appelé par ce prénom en souvenir de son séjour en Crète avec son premier amant, sur l'île du même nom. Elle avait même pensé à l'appeler Minos, roi de Crète dans la mythologie grecque.
C'est une amie de sa mère, Samantha -historienne d'art- obnubilée par Picasso et ses relations amoureuses- qui va faire naître son intérêt pour les peintres Pablo Picasso et Nicolas de Staël.
Picasso, 1m63, mort en 1973 à l'âge de 91 ans et De Staël, 1m97, mort en 1955 à l'âge de 41ans. Picasso le roc égocentrique, sûr de lui, que rien n'ébranle, multipliant les oeuvres aussi vite que les conquêtes (et vice-versa). De Staël, passionné et angoissé, plus lent à créer comparé à Picasso, comme il le dit lui-même et qui, notamment en raison de l'éloignement d'une femme, se suicide en se jetant de la terrasse de son atelier. Deux hommes aux caractères et destins si différents (ou « antithétiques » comme aurait mieux dit Grainville)… Picasso et Oedipe. Picasso qui a peint le Minotaure aveugle, qui lui-même est un Minotaure, génie démiurge manipulateur, qui séduit les femmes, les délaisse, les quitte sans un regard, ou presque.
Cela va amener Milos (en compagnie de différentes femmes) à s'intéresser à l'oeuvre de ces deux hommes, d'Antibes à Paris en passant par la Namibie, et chercher la matrice des origines de l'homme.

Appréciant l'art, ce livre sur ces deux peintres avait un réel attrait pour moi. Ajouté à cela, la possibilité de découvrir un auteur que je n'avais jamais lu (connu pour « Falaise des fous » ou encore « le baiser de la pieuvre »).
Les multiples conquêtes de Picasso (Olga, Dora, Françoise, Marie-Thérèse, Jacqueline, etc., etc.) font bien entendu partie de l'image médiatique du peintre tandis que Nicolas de Staël est moins connu du grand public.
Si on connait déjà le pouvoir de séduction de l'artiste espagnol, l'attitude peu ‘'sympathique'' de Picasso envers les femmes l'est peut-être moins (il les use, les manipule, les trompe, les remplace, les rend folles- au sens premier-). Ce n'est pas forcément facile de lire tout cet étalage sur son triste comportement. Tout comme, pour moi, est dérangeante cette Samantha fascinée par cet homme qui envoutait et malmenait tant de femmes. Tellement obnubilée à faire la liste des muses dont il abuse.
Pour ma part, je crois que cela a définitivement rangé Picasso dans la catégorie des hommes peu appréciables, voire détestables. Même si j'aime ses oeuvres des périodes bleues et roses, ses sculptures et ‘'Guernica'' que j'avais pu admirer en Espagne, après avoir lu ce roman, je ne suis pas prête à retourner voir de sitôt une exposition qui lui est consacrée. Il m'est parfois difficile de ne pas mêler l'oeuvre et l'homme. A l'inverse, Grainville aura su éveiller ma curiosité pour les peintures et l'évolution artistique de de Staël.

Le style de Patrick Grainville est plutôt agréable. Encore faut-il toujours le comprendre. Bien entendu, il est normal, pour faire référence à l'art et la paléontologie, d'user des mots les plus appropriés, même si peu usités par tout un chacun. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien si la langue française possède un vocabulaire si riche. Pourtant, à la longue, ça peut quelque peu démotiver un lecteur lambda (j'ai passé beaucoup de temps à rechercher la définition d'adjectifs et de termes techniques et j'ai rarement lu un roman où se multiplie des termes comme phalanstère, stéatopyge, palimpsestes, dolichocéphale et j'en passe).
J'ai apprécié son style, notamment ces changements de rythme, ces passages de conversations ou longues descriptions à des phrases courtes, parfois hachées, d'autres musicales (« Et la voilà, le fer à la main, saisie d'une frénésie de va-et-vient pour aplatir le pli rebelle barrant le frêle maillot à bretelle »).
J'espère avoir un minimum de connaissances en mythologie grecque et ne pas être complètement néophyte en termes d'art et d'artistes.
De toute évidence, cela ne m'a pas toujours suffi. Des passages entiers sont restés abscons pour moi. J'ai été à diverses reprises perdue ou perplexe dans ce labyrinthe, véritable dédale de pensées, de références, d'images et d'allégories en majorité sexuelles, d'analyses et d'interprétations sur ces peintres et la vie des artistes de l'époque (Vie libertine avec Eluard, Man Ray, etc.) (Petite digression : le ‘'lien'' entre l'affaire du Dahlia Noir et certaines oeuvres de surréalistes comme Man Ray avait aussi calmé mon intérêt pour les photographies de l'américain).
Le fil d'Ariane pour me guider tout au long des nombreuses pérégrinations de cet écrivain était parfois trop mince pour que je ne me perde pas fréquemment. Et à force de se perdre, certains pourraient s'épuiser (les yeux notamment).
Lecture ardue pour celui qui ne connait pas à un niveau de détails quasi universitaires la vie personnelle et artistique des deux peintres (même après avoir fait l'étudiante studieuse en prenant le temps de refaire la chronologie de leurs relations amoureuses, par exemple). Lecture voilée, énigmatique lorsqu'on ne comprend pas tout des envolées lyriques et fantasmagoriques de l'auteur.
Quoi qu'il en soit, ce roman est une mine d'informations, d'anecdotes sur Picasso et De Staël pour le lecteur intéressé par l'art et la peinture. Grainville fait référence à tous ces personnages qui ont gravité autour d'eux (les amantes, les mécènes ou amis artistes, comme George Bataille, René Char, Lee Miller jusqu'à Lacan) ou encore certains noms de la paléontologie, notamment l'abbé Breuil. Il énumère les oeuvres majeures de ces deux peintres pour étayer son discours, fait mention de bon nombres d'autres artistes (les impressionnistes, ceux du bateau-lavoir, etc.) et on en ressort bluffé et étourdi par sa culture.
Roman cérébral et parfois sibyllin sur la vie orgiaque d'un Picasso démoniaque. Mais par la rencontre avec De Staël et son « Ciel à Honfleur », j'ai retrouvé un peu de mon humeur.
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