Quand au milieu des années quatre-vingts, alors que l’espèce humaine me semblait d’une fugacité définitive, j’inaugurai une pause dans l’écriture qui dura quatre ans, pendant laquelle tous mes doigts ne furent occupés qu’à transformer de la terre en sculpture, les trois lettera* se sentirent abandonnées. Elles se couvrirent de poussière, jusqu’au moment où, au pinceau d’abord, sur des feuilles de terre cuite blanche, puis griffonnés à la main dans un épais livre vierge, me vinrent des poèmes de fin du monde qui faisaient leurs adieux et qui par la suite furent couchés en lignes serrées sous le titre «La Ratte», puis tantôt ici, tantôt là, et ailleurs dans leur dernière version, voulurent être dactylographiés.
L’un d’entre nous (
) les attrapait même à la main. Sur présentation de plus de dix queues coupées, nous recevions des récompenses différentes. (…) Mais si efficace que nous ayons été à rapporter le butin et à endiguer cette plaie, jamais la batterie de port-Impérial ne put célébrer à grand bruit ni enregistrer en silence une victoire sur les rats; c’est sans doute pour cela que des dizaines d’années plus tard, ces rongeurs impossibles à exterminer m’ont parlé sur toute la longueur d’un roman. Ils hantaient mes rêves, individuellement et en populations. Ils se moquaient de moi parce que j’espérais toujours… Ils savaient tout mieux que personne et s’enterraient juste à temps… Eux seuls avaient le talent nécessaire pour survivre à l’humanité et à ses polémiques.