Pauvres créatures d'
Alasdair Gray est un véritable ovni littéraire qui reprend les codes du roman gothique victorien tout en y ajoutant une bonne dose de baroque, d'absurde et de surréaliste. Piochant dans de nombreuses références littéraires, Frankenstein en étant la plus évidente, ce roman nous conte l'histoire de Bella, jeune femme ramenée à la vie par Godwin Baxter grâce à la greffe du cerveau du foetus dont elle était enceinte lors de son suicide. Bella va découvrir le monde avec toute sa candeur et sa naïveté, mais elle va surtout découvrir les hommes et les relations charnelles et amoureuses.
Le narrateur, Archie McCandless, tombe éperdument amoureux de Bella au premier regard et veut l'épouser sur le champ, alors qu'il lui a à peine adressé la parole. Et c'est à partir de là que j'ai ressenti beaucoup de gêne dans ma lecture car le narrateur, pourtant bien conscient de la particularité de Bella, sexualise donc une enfant dans un corps de femme et fait montre d'une possessivité sans limite.
Si le pitch de départ m'intriguait beaucoup je me suis très vite ennuyée pendant une bonne partie du roman. On suit uniquement le point de vue de McCandless, étudiant en faculté de médecine, qui est insipide et oisif au possible et passe son temps à pleurnicher sur son sort. J'aurais adoré suivre véritablement Bella dans ses pérégrinations, au gré de ses nombreuses rencontres, qui ne nous sont conté que par le biais de lettres qu'elle envoie à Godwin. le personnage de Bella permet d'aborder l'émancipation sexuelle et féminine au XIXe siècle mais elle reste bien trop en second plan de l'intrigue et est malheureusement plutôt réduite à un objet de désir et de convoitise.
Il y a tout de même de nombreux points intéressants car l'auteur pointe du doigt la société victorienne de l'époque plein de préjugés et de discriminations. Il critique notamment la façon dont les hommes blancs et riches sont mis sur un piédestal là où les classes moyennes, les pauvres et les femmes ne sont jamais considérés et pris au sérieux.
Heureusement, la lettre de Bella/Victoria qui se trouve à la fin du roman vient tout remettre en question et amène le lecteur à faire un choix : celui de la version qu'il croit. Malgré une lecture très mitigée, j'ai trouvé cette dernière pirouette dans l'intrigue très originale et imprévisible. Ça m'a beaucoup plu et m'a permis de lire l'histoire de McCandless avec un oeil neuf (et de choisir la version que je préférais).
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