– Des poneys ! m’écrié-je en sautillant.
– Des mustangs, me corrige le ténébreux.
– Qu’ils sont jolis, ils ont des taches comme les vaches !
Mon cow-boy lève les yeux au ciel, puis m’ordonne :
– Approche-les avec douceur, ils sont nerveux. Et ne te place jamais derrière eux.
– Je comprends, personne n’aime qu’on lui reluque les fesses. Surtout quand on ne se connaît pas bien !
– Tu me fatigues… souffle le brun.
Nos bouches se soudent, nos corps se percutent, nos larmes se mélangent et nos cœurs insoumis cognent l'un contre l'autre, en secret.
L'ombre ou la lumière. Le passé ou l'avenir. La mort ou l'amour.
– Non. Le procès est dans une semaine. Je veux que ce soit la plus belle de notre vie. Je veux que tu prennes tous les détours, tous les chemins interdits. Qu’on s’arrête dans les motels les plus pourris et qu’on en fasse des palaces. Qu’on se baigne dans des piscines moches et qu’on se croie dans des super jacuzzis. Qu’on fasse l’amour partout tant qu’on a encore le droit. Qu’on ramasse tous les paumés qui traînent sur le bord de la route et qu’on les rende un peu plus heureux qu’avant. Qu’on leur donne un tout petit peu de ce qu’on a. De ta force et de ma folie. Je veux qu’on vive sans penser. Je veux qu’on arrête le temps et qu’on s’aime assez fort pour effacer tout le reste, le passé, le futur et tous les malheurs qui vont encore nous arriver. Je veux que le bonheur gagne, juste une semaine. Tu crois qu’on peut faire ça ? le supplié-je presque, les yeux pleins de larmes.
– Non.
– Dante…
– Mais comme on ne peut pas, on va quand même essayer.
Mon insoumis appuie sur l’accélérateur, un sublime sourire aux lèvres, et notre voiture se transforme en tapis volant, en licorne rose, en phœnix puissant, capable de nous mener n’importe où. De déplacer les montagnes qui nous entourent.
– Tu entends ? me demande-t-il soudain.
– Quoi ?
– Le silence…
– Oui, rétorqué-je en souriant sans bien comprendre.
– C’est le bruit que fait le malheur quand il se barre… Et le bonheur quand il revient.
" De : Annette Ewing
À : Solveig Stone
Objet : Toujours pas
Bonjour Solveig,
Je sais que vous êtes aussi insomniaque que moi mais il est plus d’une heure du matin à New York, et je ne sais pas exactement à quel fuseau horaire vous en êtes de votre voyage. Quoi qu’il en soit, j’ai préféré de ne pas vous appeler cette fois."
J’interromps ma lecture ici pour me tourner vers l’homme occupé.
– Tu sais pourquoi cette fille est formidable ? Je lui dis les choses une fois et elle s’en souvient. Je lui demande de ne plus m’appeler Camden et hop, mon nom disparaît. Je plaisante sur le fait qu’on ne sait jamais quoi mettre dans l’objet et paf, elle fait une blague encore plus drôle. Si tu ne veux pas m’épouser, je crois que lui proposerai.
– C’est une soirée à thème « onomatopées » ? me demande-t-il, les yeux plissés.
– Bien joué, de relever un petit détail pour ignorer la bombe que je viens de poser.
– Et boum, chuchote-t-il pour me provoquer.
– Grrrrr, réponds-je en montrant les dents.
– Solveig Stone, je ne vais pas te demander en mariage là maintenant, et tu ne vas pas épouser ton avocate non plus.
[Ça veut dire que tu envisages
la fin de tes jours avec moi ?]
[Ne me fais pas dire ce que… j’ai dit.]
[Là je me tais, mais je souris.]
[Je te l’interdis !]
[Trop tard.]
[Dante, si je revenais,
tu me raconterais l’accident ?
Sans rien me cacher ?]
[Je te le promets.]
[Je ne crois pas qu’on devrait.]
[Je sais.]
[Je t’entends soupirer d’ici.]
[Oui…]