Citations sur Federica Ber (41)
Aux premières lueurs de l'aube, j'ai eu un sentiment de victoire. J'avais fait le tour de la nuit. Une nuit, c'est finalement peu de chose : on peut la tenir dans une main, comme une boule de papier trempée dans un bain d'encre, qu'on a le loisir de déplier, d'étaler devant soi, d'observer. Je pourrais collectionner les nuits, me suis-je dit, les faire ternir côte à côte sur une étagère, légères et profondes...
J'eus une autre idée, je m'en souviens. Je souhaitai m'endormir en gardant les yeux ouverts. Cela devait être possible. J'eus l'intuition qu'on pouvait accéder, ainsi, à un territoire particulier, à mi-chemin de la veille et du sommeil. Un désert violet, traversé de poussière jaune, s'étendant à perte de vue...
On parle souvent de la rencontre qui transforme une vie, que chacun appelle de ses vœux, à l'origine d'un nouveau départ, d'un changement d'aiguillage existentiel... Parfois, cette rencontre n'est pas celle d'un individu mais d'un lieu, d'un paysage, d'une ville. Elle n'est pas celle d'un visage, mais d'une multitude de visages, enchevêtrés, fondus les uns dans les autres, qui forment un grand visage aimant, souriant, rempli de promesses.
Un sourire qui parfois se transforme, au fil du temps, en ricanement.
La jeunesse se décompose mais ne disparaît jamais. Nous sommes jeunes à n'importe quel âge, même à l'âge le plus avancé, même si notre jeunesse est devenue un monstre qu'il nous est difficile de regarder. (p.88)
Après la jeunesse il n'y a rien, la maturité est un leurre, il n'y a que la jeunesse qui existe et elle se prolonge jusqu'à l'extrême fin. Seulement, c'est une jeunesse dégradée, travestie, clandestine. La jeunesse se décompose mais ne disparaît jamais. Nous sommes jeunes à n'importe quel âge, même à l'âge le plus avancé, même si notre jeunesse est devenue un monstre qu'il nous est difficile de regarder.
Ce verre, récemment breveté, avait la faculté de mémoriser et de diffuser le bleu du ciel. Capté par la partie supérieure du bâtiment, et notamment par le sommet biseauté, l’azur descendait dans la tour, d’étage en étage, infusant en elle jusqu’au rez-de-chaussée, comme par capillarité. On aurait l’impression que la Tour aspirait le ciel, s’en abreuvait comme d’un liquide. Le matériau n’avait été testé que sur de petites surfaces, mais l’effet visuel promettait d’être saisissant.
La mort ne l’effrayait pas. Ne pas exister, quelle importance ? Ce qu’elle redoutait, c’était qu’il n’y ait plus rien à vivre.
Faut-il tomber malade, s'étonna-t-elle, pour se sentir si vivante !
Le silence, lorsqu’on le pratique à deux, possède une valeur particulière.
J'aimais ce spectacle du temps gâché - rien n'est plus beau, dans la jeunesse, que l'étendue du gâchis...