J'ai rarement lu un roman aussi vite, c'est bien qu'il en ressort une mélodie entraînante, doucereuse, aérée et fluide. L'auteur nous plonge dans deux mondes qu'il semble maîtriser à la perfection, la littérature et les courses hippiques. Il s'agit d'art dans les deux cas, il s'agit de deux milieux dans lesquels nous nous immergeons avec envie, pour fuir notre vie et s'en inventer une autre.
Les personnages sont travaillés, détaillés au cordeau, les thèmes de prédilection de l'auteur nous sautent d'emblée au visage. L'amour battant, l'amour battu aussi, l'amertume, le poids lancinant des regrets.
C'est un beau roman, l'écriture est simple mais chargée; on retiendra qu'il faut être acteur en toutes circonstances, qu'un rien peut changer le cours d'un tout, et qu'un seul geste permet de passer à une toute autre dimension. Laisser circuler la vie oui, mais agir avant que le plus tard ne se transforme en trop tard.
Commenter  J’apprécie         30
Voilà un auteur qui maitrise ses personnages et les interrogations qui les taraudent. Nous suivons le journaliste hippique dans sa tentative d'interview d'un romancier "goncourtisé" et fan de chevaux.
En équilibre entre ses souvenirs d'étudiant amoureux et la mélancolie du présent, le narrateur flotte au-dessus de sa propre existence. Il est un contemplateur entomologiste de son éternelle possibilité d'être heureux.
Un petit bijou suspendu face à la lumière du couchant !
Commenter  J’apprécie         20
Un journaliste hippique va interviewer un écrivain mystérieux qu'il a adoré dans sa jeunesse.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
L’auteur de « Federica Ber » aime à évoquer des destins où l’humilité et le fatalisme sont en butte aux surprises et à l’imprévu de la vie.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Quand mon éditeur avait dévoilé son plan, quelques semaines plus tôt, je m'étais réjoui. La vie répare, avais-je pensé. Elle nous remet en présence, au moins une fois, de ce qui nous a échappé. Ce que nous n'avons pas pu ou su saisir. Ce qui a fui nous sera rendu, une seule fois, au moment où nous nous y attendrons le moins. C'est une idée que j'avais lue quelque part, qui m'avait semblé plutôt fumeuse, sur le moment, et qui pourtant m'était restée en tête. En particulier la phrase : "quand nous nous y attendrons le moins". Ce que nous désirons nous sera donné, mais ce sera une complète surprise, et nous n'y serons absolument pas préparés.
Toute ma vie, j'avais observé les autres. J'étais resté spectateur. Je n'étais jamais monté dans un wagon. J'avais salué, depuis le quai, ceux et celles qui se mettaient à la fenêtre. Je les avais regardés s'éloigner, disparaître dans le lointain.
Soudain, assis sur ma pierre, je me dis qu'un amour était possible. J'avais envie d'y croire. Un amour vivant, tangible. Celui dont j'avais été privé, vingt-cinq ans auparavant. Rongières ne serait pas un empêchement. Sur mon tapis volant, je me sentais capable de survoler tous les obstacles, de renverser toutes les barrières. Ce matin, elle avait pris ma main. Je n'avais pas rêvé.
"Ainsi, pensai-je, tout se rejoignait : l'écrivain de ma jeunesse, mon métier de journaliste, l'amour du cheval. (...) je ne le lisait plus depuis de années. Heureusement, sa réputation n'avait pas été ternie par des livres de commande, des interventions répétitives dans les médias. Il avait su maintenir les distances, conserver un certain mystère. Mais l'horloge avait tourné, malgré tout. Son temps s'achevait, l'ombre gagnait."
L'idée du chemin, tôt ou tard, remplace le chemin. Et l'idée de l'amour remplace l'amour.
Mark Greene - Federica Ber