L'homme qui aimait ma femme

Ce sont des contrats et des rituels qui aident à vivre,car l'existence n'est pas faite que d'instants glorieux.On a le nez qui coule,des coliques,des découragements.

La mélancolie,la jalousie,le sentiment de manque,Maria en est coutumière.L'amour pour elle est un ogre qui réclame ponctuellement sa ration de chair-et de solitude.

Dernièrement,je médite la phrase de saint Augustin, "Aime et fais ce que tu veux." Pendant longtemps, je n'y ai rien compris.Puis,une nuit où je ne dormais pas,j'ai commencé à y voir plus clair.Qu'est-ce qu'on entend par amour?Pour moi,ce n'est pas la passion des premiers mois,la brûlure des débuts.J'ai toujours eu hâte de ce qui vient après,poursuivant cette joie fragile et responsable,cette continuité.Amour de douceur et douceur d'amour,où l'on renonce à s'affirmer pour aller vers la compassion humaine,la charité.

Derrière un grand homme, .., se cache souvent un tyran et un enfant blessé. Derrière une pensée pure, l'impureté de la vie dans sa banalité.Derrière une certitude proclamée, la fêlure qui l'a mise au monde. Les hommes et leurs grandes idées! La plupart d'entre eux ne seraient pas trop mal s'ils n'avaient été affublés d'une queue..C'est ça qui gâte tout..

..J'allais, moi, proposer une érotique matérialiste en remplacement des idéaux romantiquesde notre société,.., je démontrerais que fidélité et cohabitation mènent à l'impasse et qu'une relation équilibrée est une relation où l'on se doit d'être fidèle, certes mais à soi-même..

La débauche des discours lui semblait cacher un vide sidéral d'idées. PIre, d'idéaux. Ces gens manipulaient le langage avec des mots nouveaux qui n'étaient au fond que des rabâchages mal digérés.

Alexandre avait prié son petit frère de lui décrire cette fille de nouveau, car il avait adoré comment il parlait d’elle. Yann avait donc répété ce qu’il venait de dire, qu’il l’avait draguée à la sortie du cinéma où il était allé voir le dernier film de Godard, Pierrot le Fou. Visage de madone et corps voluptueux, Maria s’exprimait avec une candeur mâtinée de gros mots, gros mots dont on se demandait si elle connaissait le sens exact, des phrases qui, surgissant de cette bouche pulpeuse, faisaient déjà à moitié bander, et dont on avait honte pour elle, car ses yeux, et Yann l’avait rapporté plusieurs fois à son aîné comme pour s’en persuader lui-même, étaient ceux d’une petite fille qui aime les chiens et les chevaux, les enfants et les tartes aux pommes, mais qui envisage tout de même de laisser tomber ses études un an ou deux pour faire le tour du monde dans un bus de beatniks – c’est ainsi qu’elle nommait les hippies – avec un sac à dos et ses mains pour tout oreiller.

Plus jamais le monde ne serait pareil. Il en voulait pour preuve la théorie de l’entropie, qui affirme que si on met une pomme pourrie au milieu de pommes saines, au bout d'un moment toutes les pommes pourrissent, alors que l'inverse n'est pas vrai. Le mal a davantage de force que le bien dans ce monde.

Que croyait elle donc, celle ci ? Que la scène entraînerait une rupture entre Maria et lui ? Ne sait elle-elle donc pas, cette cruche, que le mariage sert à fabriquer des chaines plus solides que les simples serments amoureux, à partir de comptes en banque joints, de factures, de loyers et crédits communs ?

Derrière un grand homme,pense Maria,se cache souvent un tyran et un enfant blessé.