Justin Lignon passait le long de la rue Lafayette, en regardant autour de lui. Ce n’était pas son habitude : d’ordinaire très pressé, il marchait vite, serrant sous son bras la serviette de chagrin gonflée de papiers qui caractérise en général tous les hommes employés n’importe à quoi dans n’importe quelle administration. Mais ce jour d’avril conviait les Parisiens à la flânerie, Justin n’avait point de serviette, et par conséquent se sentait plus léger ; et puis qui ne sait combien la présence de quelques billets de banque dans un repli du portefeuille allège la démarche d’un homme ?
Les cinq derniers jours du mois, on marche affaissé, le poids de la vie pèse sur les épaules ; on songe à son bottier, à son tailleur, à une quantité de notes impayées suspendues comme des épées de Damoclès et toujours renouvelées, à mesure qu’elles tombent sous la force irrésistible du léger timbre-quittance.