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Citations sur Artaud / Joyce, le corps et le texte (130)

A propos d'un autre artiste qui pratiqua une constante transgression des limites, osa
peindre la terre couleur de mer liquide et fit résonner en peinture les échos d'une musique, Artaud
écrivait : "Van Gogh est de tous les peintres celui qui nous dépouille le plus profondément, et
jusqu'à la trame, mais comme on s'épouillerait d'une obsession. Celle de faire que les objets
soient autres, celle d'oser enfin risquer le péché de l'autre" (XIII, 57).
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298 "Mais remarque que le monde écrit, a écrit et écrira ses propres runes (wrunes = runes, ruins) à jamais, l'ami, sur
tous les sujets qui tombent sous l'interdit de nos sens infra-rationnels"
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Allons plus loin. Lire Finnegans Wake oblige chaque lecteur à faire l'expérience d'une
incessante transgression des limites : insupportable parfois, affrontée avec jubilation souvent,
cette expérience requiert de chacun qu'il outrepasse les frontières de sa langue et de son identité;
que sa langue maternelle soit ou non l'anglais, le lecteur éprouve au fil du texte la porosité des
frontières, à mesure qu'il lit simultanément plusieurs idiomes et entend dans toute langue son
autre qui la creuse. Il ne peut lire que s'il accepte de perdre momentanément la fixité de ses points
de repères linguistiques, culturels ou psychiques pour se perdre dans le meandertale d'un livre où
se dissout toute identité. Il n'y a plus un auteur mais une multitude de voix enchevêtrées et
confuses qui répètent et déforment à loisir l'ensemble des textes de la culture universelle, plus de
personnages mais des ectoplasmes pluri-identitaires et entremêlés qu'on finit par confondre, plus
de langue fixe mais un flot babélien d'idiomes entrelacés, plus de certitude sur aucun plan
puisque l'on ne peut jamais savoir à coup sûr ce qu'il convient de lire ou de comprendre : "But the
world, mind, is, was and will be writing its own wrunes for ever, man, on all matters that fall
under the ban of our infrarational senses" (19.35-36)2
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Cependant là où Sartre pense dépassement, globalisation dans une totalité aux limites sans cesse
repoussées, Joyce met l'accent sur la dissolution des frontières de l'identité. Il ne s'agit pas pour
lui de s'inscrire dans une dialectique entre le sujet et l'Histoire mais d'écrire avec Ulysse l'histoire
d'un autre sujet qui soit à la fois absolument singulier et constamment indéfini : un sujet
transpersonnel, "You-me-us". On rejoint ainsi ce que soulignait récemment Deleuze, à savoir
qu'entre le personnel et le collectif, il y a place pour un impersonnel singulier.
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: "Mais demain est un
nouveau jour sera. Le passé était est aujourd'hui. Ce qui est maintenant est sera alors demain
comme maintenant était le passé hier" (U,480).
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Lire Ulysse ne signifie pas seulement comme c'est le cas pour un récit de type classique
procéder linéairement, avancer à l'intérieur du texte en ayant mémorisé ce qui précède et en
anticipant la suite des séquences au fur et à mesure qu'elles s'enchaînent. Lire Ulysse implique
davantage abandonner les repères temporels stables qui distinguent dans la syntaxe narrative
habituelle un "avant" et un "après"; il ne saurait y être question de concevoir un lecteur immobile
à l'extérieur du texte, observateur non affecté par le mouvement de ce qu'il regarde. Bloom le
rappelle, toute fixité est impossible dans un monde soumis à l'universelle parallaxe des
trajectoires : "la parallaxe ou déviation parallactique des prétendues étoiles fixes, qui en réalité se
meuvent depuis les millénaires les plus fabuleusement reculés vers des futurs aussi
fabuleusement éloignés" (U,623).
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S'il est vrai que toute lecture met en jeu l'expérience même du temps, le lecteur d'Ulysse est
confronté à un bouleversement de ses repères. L'histoire d'Ulysse - la diégèse, dans la
terminologie de Genette - cumule sans les disjoindre un ralentissement de la durée où de brefs
instants se dilatent à l'extrême et une accélération vertigineuse où la circonvolution d'un jour
s'inscrit dans l'éternelle rotation des astres; les moindres gestes et pensées de Bloom et Stephen
emplissent les micro-durées d'un récit qui ignore largement l'ellipse en même temps que par un
procédé qui tient à la fois de l'élargissement concentrique et de l'empilement des références
temporelles, les deux personnages sont aussi simultanément tel ou tel héros d'Homère ou de
Shakespeare ou encore "des corps célestes, vagabonds comme les étoiles qu'ils contemplent"2
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Comme dans le mythe, "l'ordre de succession chronologique
se résorbe dans une structure matricielle atemporelle"
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Lorsque Artaud désavoue dans l'Histoire à la fois l'idée de progrès et la vertu explicative
d'un système, il inclut dans le même rejet l'autorité des pères et la myopie des historiens; à
l'Histoire et ses généalogies, il oppose la structure répétitive de la diction. Par bien des aspects,
Joyce dans Ulysse explore une voie similaire. Non qu'il cherche à retrouver comme Artaud "la
force éruptive" et procréatrice de l'écriture, mais son rejet de l'Histoire est le même. Joyce
interroge la confusion babélienne des langues, il y cherche un principe de répétition qui rende
indécelable l'origine et anonyme l'auteur; un flux de langue sans début ni fin, sans naissance ni
mort où ne se distinguent plus la copie du modèle, le fils du père, le créateur de sa créature. La
voix collective et plurielle des mythes sera d'abord une tentative d'échapper à la lignée
généalogique.
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Si les personnages d'Ulysse perdaient
peu à peu toute cohérence psychologique, ceux de Finnegans Wake sont fluides et malléables;
interchangeables et sans identité fixe, ils peuvent se fondre dans le paysage, devenir rivière,
pierre ou arbre.
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