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Critique de Archie


Jean-Michel Guénassia est un romancier surprenant. En 2009, âgé de presque soixante ans et quasiment inconnu en littérature, il publiait le Club des incorrigibles optimistes, un extraordinaire roman de huit cents pages, qui le propulsait dans le club des écrivains cumulant éloges de la critique, prix littéraires et succès de librairie. Après plusieurs romans de bonne facture parus dans la décennie 2010, voici Les Terres promises, un nouveau roman-fleuve qui se présente comme la suite du « Club ». La performance mérite d'être saluée, car il n'est pas facile de redonner vie à des personnages en sommeil depuis douze ans.

La plupart sont bien là, dans le tourbillon de l'actualité et des tendances des années soixante. A tout seigneur tout honneur ! Personnage central du « Club », Michel Marini a désormais dix-sept ans. Nous sommes en 1964, il vient d'avoir son bac et il s'engage dans des études littéraires légères, qu'il suivra avec… légèreté. Mais on sait qu'il est promis à une destinée de photographe, une profession qui l'amènera à être présent lors d'événements importants et justifiera sa proximité avec des stars du moment. Dans Les Terres promises, Michel n'occupe cependant plus le devant de la scène et je qualifierais plutôt son rôle de personnage pivot : tout passe par lui.

Un peu plus âgé, son frère Franck est un communiste convaincu – ça existait à l'époque ! Son parcours nous ramène deux ans plus tôt. Lors de son service militaire en Algérie, Franck avait déserté et tué un officier français dans des circonstances troubles. Recherché par la police militaire, il restera en Algérie après l'indépendance et deviendra un cadre du nouveau régime. Persuadé d'oeuvrer pour le bien de l'humanité, il aura ainsi l'occasion de confronter ses idées à la réalité du terrain. On imagine ses déceptions et ses frustrations au cours des années qui suivront. Mais Franck se sent aussi très interpelé par la démarche mystique du père Charles de Foucauld, qui vécut un siècle avant lui…

Beaucoup plus âgé, Igor est russe. le judaïsme de cet incorrigible optimiste « historique » avait été révélé dans les dernières pages du « Club ». Médecin, il avait été contraint de fuir l'Union soviétique en 1952, lors de la purge stalinienne de ce qu'on appela le « complot des blouses blanches ». A Paris, vivant d'expédients, sans nouvelles de sa famille et rongé par le remords de l'avoir abandonnée, il subira le contrecoup du suicide de son frère Sacha, venu le rejoindre en exil. Il choisira d'émigrer en Israël où lui est offerte la faculté d'exercer comme médecin. Il acceptera plus tard de retourner dans son pays d'origine et vivra courageusement des aventures rocambolesques et mouvementées.

En lisant Les Terres promises, j'ai trouvé le même intérêt et le même plaisir que dans « le Club », avec le parcours romanesque de quelques personnages plongés dans l'actualité géopolitique et culturelle de mon adolescence, car la génération de l'auteur et du personnage pivot est aussi la mienne : la France de de Gaulle et de Salut les Copains, l'Israël des kibboutz, l'Algérie de Boumédiène, la Russie soviétique… Des terres promises ? Plutôt des promesses de paradis. Ont-elles été tenues ? L'auteur rappelle sans tabou la corruption dans les pays en voie de développement, le climat de surveillance paranoïaque dans l'ancien bloc soviétique. Il évoque aussi les multiples manières d'être juif.

Le livre est accessible sans avoir lu le Club des incorrigibles optimistes. le rappel des événements précédents à connaître s'effectue au moment opportun ; j'en ai moi aussi profité, car après douze ans, mes souvenirs du « Club » n'étaient plus très précis.

La narration passe en boucle de Michel à Franck et à Igor. Les aventures de chacun sont racontées chronologiquement, mais elles sont décalées entre elles ; des sauts dans le temps qui exigent de la concentration si l'on veut maîtriser sa lecture. Autre particularité : aux trois-quarts du livre, on est encore en 1967, puis le rythme s'accélère et la fin survient près de quarante ans plus tard, en 2006.

Une fin curieuse, d'ailleurs, dans un mysticisme qui semble prendre de plus en plus de place, avant de s'achever en un « embrassons-nous, Folleville ! » déconcertant. Jean-Michel Guénassia nous en apportera-t-il la clé dans douze ans ?

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