Bergström et Olofsson dirigeaient les recherches, lançant des ordres aux agents de police qui étaient soit au téléphone, soit le nez collé à leur écran d'ordinateur. La requête de leurs supérieurs : trouver des personnes liées au nazisme ou à la Seconde Guerre mondiale qui vivaient ou possédaient un pied-à-terre dans la région.
- Comme si c'était facile..., se plaignit une agente à son collègue. Tu crois vraiment que les sympathisants nazis portent leur brassard comme un sac à main ?
Il avait l'impression de se battre avec l'Hydre de Lerne : pour chaque meurtrier mis derrière les barreaux, il en découvrait deux autres encore plus monstrueux.
La mort n'est pas une absence, lui avait un jour du Alba, elle est une présence secrète.
Bergström s’accroupit à côté du cadavre. On devinait sa peau bleuie par le froid sous la pellicule de givre. Ses cheveux blonds et épais étaient coiffés avec soin et arrangés sur ses épaules. On avait rasé son pubis et gravé un X sur son bras gauche. Ses yeux avaient été arrachés. Les cavités oculaires vides, sombres et démesurément grandes ravageaient son visage fin. Sa gorge avait été tranchée verticalement du menton à la fourchette sternale et la peau du cou bâillait comme une veste déboutonnée. La trachée avait été sectionnée.
Le bras du soldat s'abattit sur la victime. Erich compris alors ce que son poing renfermait: une pierre. Le nazi frappa le pauvre homme jusqu'à ce qu'elle se loge dans le crâne fracassé.
La marche reprit, rythmée par les coups de gourdin et la musique enjouée.
Le soldat reprit sa place en début de ligne.
Lorsqu'il avait compris qu'il ne respirait plus, son fils s'était mis à crier. Il avait essuyé la bave sur le menton de son père et l'avait serré dans ses bras en gémissant, le visage violacé du port se balançant de droite à gauche dans une danse macabre.
Je terminerai en saluant la mémoire des survivants de cette enfer, celle des cinquante six mille victimes qui moururent à Buchenwald, ainsi que des millions d'autres femmes, enfants et hommes qui périrent dans les camps nazis. PLUS JAMAIS ÇA.
Les trois lampes torches zèbrent la fosse.
Un rectangle parfait. Un mètre trente de long, cinquante centimètres de large. Du sur-mesure.
Il ramasse la pelle, la charge de terre et en arrose le trou. Une seule pelletée et les jambes sont déjà recouvertes ; on ne voit plus que les orteils.
Des orteils doux comme des galets, froids comme des glaçons, qu’il aimerait toucher du bout des doigts.
Doux et froids.
Il jette un nouveau tas de terre humide sur le ventre. Elle se loge à l’orée de la cage thoracique, dans le nombril ; le surplus glisse sur les côtés.
Quelques coups de pelle supplémentaires et il aura terminé.
Le quotidien du camp avait désacralisé son corps. L'intimité et la pudeur n'avaient pas leur place à l'intérieur des barbelés: chacun était bien trop occupé à survivre.
La mort n'est pas une absence, lui avait un jour dit Alba, elle est une présence secrète.