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Speak", c'est un roman américain écrit il y a plus de vingt ans maintenant mais dont la résonance est toujours d'actualité, la preuve en est avec ce roman graphique adapté de l'oeuvre et qui a modernisé son propos pour continuer de parler de la même chose et diffuser le même message. Rien que pour cela, je trouve l'adaptation brillante, et cette BD m'a plu. Mais commençons par le début.
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Speak", donc, c'est à l'origine un roman (que je n'ai pas vu) mais qui fut adapté en téléfilm en 2004. Ce téléfilm, je l'ai vu et j'en avais été très étonné, avec une Kristen Steward parfaitement dans son rôle et un film petit budget mais néanmoins percutant. Lorsque j'ai vu l'adaptation de ce roman en BD, le visionnage du film était encore bien présent dans ma tête et j'avais envie de le lire, non pas pour l'histoire, mais pour comparer les deux médias et la façon dont les auteurs s'en sont sortis.
Si je digresse autant, c'est parce que je considère les deux oeuvres comme tout à fait réussi, et le seul bémol que j'ai eu en lisant ma lecture, c'est que chaque adaptation semblant très fidèle au livre, elles sont redondantes entre elles. Une seule des deux suffit, mais si la BD ne vous attire pas, je recommande le film.
Bref, après cette petite introduction, je dois dire que la BD est une réussite. Je l'ai lu d'une traite sans jamais souffrir d'ennui même si je connaissais l'oeuvre et avait le déroulement précis en tête. La grande crainte que j'avais, c'était une adaptation textuelle et factuelle, sans accorder plus de travail que ça à la transition d'un média à l'autre. Mais heureusement, la dessinatrice a pris le parti de soigner le dessin. Ce sont des pages souvent sans cases, au dessin en noir et blanc qui évolue, change, varie selon les humeurs, les planches, les moments. A travers le dessin, on ressent les émotions du personnage principal, et c'est exactement ce que j'attendais de la BD. On sent que l'auteur s'est employé à faire ressentir au maximum à travers les spécificités de la BD.
L'histoire, évidemment, n'est pas en reste. C'est une histoire dure, qui parle de harcèlement scolaire, de la difficulté de se construire à l'adolescence, mais aussi de sujet encore plus grave. Je me permet de ne rien en dire, car l'explication intervient très tard dans le récit, mais c'est quelque chose qui est encore bien trop souvent d'actualité, et qui mériterait bien souvent une plus large connaissance du grand public. Dans ce récit, cependant, la douleur intime est présente en permanence mais n'est pas le seul point du récit. On a toute la vie du lycée, bien loin des représentations des mangas ou des séries pour adolescents (et bien plus proche de mes souvenirs de lycée) : une jungle où la position sociale est cruciale, les adultes dépassés par leurs préoccupations, l'écoute absente. Plus qu'un malaise adolescent, l'auteure a capté ce qui fait toute la complexité de cette période, où l'on nous demande de choisir nos vies alors même que l'on ne sait pas ce qu'on est. Et d'autres thèmes gravitent encore autour : les familles qui se détruisent lentement, les parents absents, le manque de communication.
C'est d'ailleurs le gros point fort du livre : son titre, qui est le message de tout le livre. L'absence de communication et le silence. C'est un beau message, je trouve, car avant de dire aux adolescent(e)s qu'ils ont raisons, qu'ils doivent vivre libre et être heureux, messages que j'ai souvent l'impression d'entendre dans les histoires destinées aux adolescents, je pense que le message est important : parlez, communiquez. Garder tout ce que vous avez sur le coeur pour vous ne vous aidera pas.
J'espère de tout coeur que cette BD aidera des personnes qui la liront, en espérant qu'ils n'ont pas eu les mêmes expériences que son héroïne, mais qu'au moins le message passe. C'est un des points que j'avais retenu du film, et je trouve que la BD le retransmet bien également. Si ce message est plus entendu, alors elle aura réussi totalement.
Si je me permet de pinailler un poil, c'est dommage que la BD n'ait pas, à l'instar du film, proposé cette scène de fin (peut-être crée pour le film alors) où l'on voyait Mélinda parler avec sa mère dans la voiture, permettant de montrer que parler et la clé, mais sans nous mettre le son. Parce que ce n'est pas ce qu'elle dit qui est important, mais qu'elle puisse enfin le dire.
Je me suis bien égaré dans mon avis, mais bon sang, ça fait plaisir de voir une BD comme celle-là. Je pense que si ça avait été la première fois que je découvrais son histoire, j'aurais probablement décerné un coup de coeur. Pour son message, son dessin et son histoire, sa mise en page et l'impact qu'elle peut avoir, je suis réellement certain que cette BD devrait être lue (et disponible) dans tout les CDI de France. Je ne suis plus lycéen depuis dix ans, je ne suis pas une fille, mais j'ai trouvé que cette histoire me touche encore. Preuve, s'il le fallait, que son histoire est bonne, voir même excellente. Et de voir que vingt ans après, avec quelques petites touches simples de modernisation, une telle histoire est encore d'actualité, c'est une preuve de la nécessité de son message. A mettre entre toutes les mains, et surtout celles de vos enfants en collègue/lycée. C'est important.