Lettres à Abel, ce petit livre (125 pages) est en réalité un condensé de sentiments, de frustration et de regrets éprouvés par une femme à laquelle on arrache ce qu'elle a de plus cher au monde : son enfant. Après une belle histoire d'amour née entre Paris et Tanger, la douloureuse séparation survient juste après la naissance d'Abel. Il s'ensuit une éprouvante bataille judiciaire pour la garde de l'enfant. Pourtant, le jour de sa naissance, les parents “s'étaient retrouvés tous les deux enfants de la parentalité”. C'était le bonheur. Mais “dans la vraie vie, le bonheur n'existe jamais tout à fait”. La mère aime passionnément la littérature et le cinéma. de roman en scénario, elle parcourt la France et de lointains pays pour assister à des conférences. C'est connu, les voyages trop fréquents influent sur la stabilité familiale. La mère est accusée de délaisser son fils qui sera confié à des âmes plus disponibles. C'est le déchirement, la souffrance d'une mère séparée de son enfant, mais qui ne peut se détacher de sa passion pour la littérature. C'est à travers celle-ci qu'elle va d'ailleurs exorciser ses tourments, en écrivant des lettres à son fils, au gré de ses souvenirs et de ses pérégrinations dont l'inspiration épouse le rythme des saisons. Dans une des lettres, elle reconnaît “être dans une fragilité psychologique et d'avoir eu envie de tout plaquer, d'aller recommencer une nouvelle vie”. Mais l'enfant l'obsède et elle n'existe que pour lui. Pour “ne pas sauter par la fenêtre”, elle arpente Paris, cherche à voir son fils devant la crèche, dans un parc, dans une rue. Pour un bonheur complet, elle profite de son tour de garde d'Abel pour effectuer une escapade avec lui à Marrakech, sans demander l'autorisation paternelle. Au retour, Abel a failli vendre la mèche à son père en disant “chameau”, qu'il aura vu au Maroc. Heureusement qu'il y avait un chameau en peluche à la maison.
“un récit envoûtant jusqu'à l'étourdissement, tout au long duquel elle sème des fulgurances littéraires lapidaires qui donnent à penser à nos propres amours et à notre rapport à la littérature”. On retrouve la même philosophie et la même force poétique qui est, en définitive, un dialogue avec l'absent, avec soi-même, une évocation de son vécu “de femme-mère à la fois heureuse et délaissée, rejetée par les siens et la société”.