Il est dimanche matin et je viens de passer (difficilement) la centième page. J'en suis exactement à la page 108 et je me demande si je ne vais pas m'arrêter là, même si ce n'est pas mon genre. Je me suis toujours forcée à finir les livres, même ceux que je n'aimais pas ou qui étaient trop difficiles pour moi, mais là, il m'énerve. "Il" ?
Il : le professeur
Yuval Noah Harari. Il m'a fallu d'abord quelques recherches pour trouver de quelle matière il était professeur - j'aime bien savoir qui s'adresse à moi, que voulez-vous ...
Yuval Noah Harari est professeur d'histoire.
Et c'est au regard de cette information que des phrases comme « Ce tableau n'est pas un manifeste politique mais une prédiction historique » et "le but de l'historien n'est pas d'étudier l'histoire mais de s'en libérer" que ce livre a commencé à coincer. C'est bizarre, mais j'ai trouvé ça un peu tiré par les cheveux et pour le dire, pas très sérieux. Je suis devenue soupçonneuse et j'ai commencé à lire lentement avec un esprit critique.
D'ailleurs, quel est le but de ce livre ? Je veux dire à part faire "des prédictions historiques" ce qui est en soi assez antinomique pour un historien, je trouve.
Le professeur Harari écrit en phrases courtes mais on note qu'il n'y a ni "chapeau" ni mot de liaison. Il développe une idée par paragraphe mais on ne saisit pas trop le lien entre chaque paragraphe : ça se lit bien, oui ! mais que veut-il nous dire ? Quel est son message ? Si on ne lit pas la quatrième de couverture, impossible de le deviner.
Par ailleurs, je trouve ou plutôt j'ai la sensation diffuse que le livre est un peu "light" malgré que ce soit un pavé. C'est écrit par un professeur, il y a plein de notes à la fin, il remercie son équipe et ses étudiants mais, je ne sais pas, c'est peut-être le fait que ça parte dans tout les sens, que les références qu'il cite ne soient pas communes. Par exemple, au tout début, l'épisode de la famine à Beauvais en 1694. Et bien, je suis beauvaisienne et je n'en avais jamais entendu parlé auparavant. Jamais nos professeurs n'en ont parlé quand ils auraient pu avoir la possibilité de citer un si bon exemple proche au collège ou au lycée.
Donc dès le tout début, le livre a créé en moi un sentiment de malaise. Puis, au fur et à mesure que j'avançais dans ma lecture, à la suspicion s'est ajouté l'énervement.
Yuval Noah Harari manie les concepts religieux avec la même délicatesse qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Ses positions tranchées sur le sujet comme : "Si vous aviez annoncé aux gens du Moyen-Age que quelques siècles plus tard Dieu serait mort, ils auraient été horrifiés. Rétrospectivement, beaucoup de personnes pensent que la chute des pharaons et la mort de Dieu ont été des avancées positives." ne me semblent pas cadrer avec un discours "scientifique". Elles m'ont fait sursauter sur mon canapé.
Le sursaut s'est mué en démangeaison quand je suis arrivée au passage sur le Genèse et le nom d'Eve qui « cacherait un mythe animiste archaïque ancestrale » . C'est du même niveau que le Da Vinci Code.
Mais ce dimanche matin, il passe un peu les bornes quand il dit « Beaucoup de dieux avaient des traits animaux : le dieu égyptien Anubis arborait une tête de chacal, et le Christ lui-même était souvent représenté en agneau » ( !)
Je pourrais aussi parler du relativisme moral affiché par l'auteur, de l'écologie moderne (c'est le méchant Homme qui est responsable de la destruction de la planète), des concepts comme le bien commun sur lesquels on passe agréablement dessus et des allégations à l'emporte-pièce comme "l'état doit assurer le bonheur individuel de chacun".
Bref, ça fait de trop pour moi. J'en ai assez de sursauté sur mon canapé, de bondir, de grogner. En tout cas, ce livre ne m'aura pas laissée pas indifférent !