Citations sur Avalanche (92)
- Je n'ai pas envie que l'on aille remuer des choses dans ma tête, dis-je en me redressant du canapé, elles tiennent à peu près comme ça, j'aurais peur que tout s'effondre!
- Vous ne voulez pas plutôt mettre un peu d'ordre? Les choses que l'on met sous le tapis finissent par vous éclater au visage un jour ou l'autre.
- Moi quand je regarde le ciel je me sens protégé.
- Moi je crois qu'il n'y a rien, et quand je regarde le ciel je ne vois que des morceaux de pierre qui dérivent dans le noir et je ne crois pas à ta résurrection des morts, tu imagines la surpopulation? Soixante-dix milliards de spectres, des momies en bandelettes entassés dans des barres d'immeubles, avec le quartier des Romains et celui des Wisigoths, le pavillon nazi et celui des enfants gazés d'Auschwitz, les découpés du Rwanda, et maman, perdue dans tout ça, cherchant un endroit où acheter de la langue de boeuf bon marché pour son dîner, non, c'est plus rassurant de penser qu'il n'y a rien, crois-moi!
Le monde est construit sur des crimes si nombreux que personne ne pourra jamais les réparer, tout ce qu'il y a à faire c'est glisser à sa surface, mêmes les vieillards semblent grisés par la neige qui file sous leurs skis, retrouvant un reste d'enfance, oubliant le gouffre qui les guette.
Lorsque tout cela aura disparu, vous raconterez à vos petits-enfants que vous avez connu la neige, qu'il y en avait tant que l'on pouvait glisser dessus...Ces montagnes, je voudrais les imprimer sur ma rétine à jamais.
Est-ce que moi aussi je ne devrais pas être accusé de faits incompatibles avec la dignité humaine ? Et la tsarine que j'ai laissée seule dans cette chambre ? Et mon frère dans la cour avec ses persécuteurs. Et ma mère dans l'habitacle de la voiture qui remue les lèvres pour me dire quelque chose. Est-ce que ce n'est pas moi qui devrais être jugé ? Est-ce qu'un jour je devrai payer pour toute cette indifférence, cette lâcheté, recevoir moi aussi une bonne leçon ?
Je marche longtemps dans les rues, je compte mes pas, imaginant qu'ils sont des mois, des années de vie, une vie sans qualité particulière, simplement du temps supplémentaire, comme un coloriage à remplir.
Parfois j'ai l'impression que le monde est un piège qui se referme sur nous, la seule liberté est d'en sortir...
Un homme traverse en courant une esplanade trempée de pluie, des jeunes gens pratiquent le yoga auprès d'une piscine, le plus troublant ce sont ces grappes d'enfants alanguis, à jamais bloqués dans cette journée d'été sous une rotonde, sans parents, sans avenir, bloqués dans ce petit bout d'éternité, ces limbes argentiques.
Il me semble que ses baisers pourraient me laver de toute ma tristesse.
- Pourquoi pleures-tu ?
- Les lucioles.
- Oui, il y en a souvent à cette saison, elles se reproduisent.
- Tout cela va disparaître, bientôt les lucioles n'existeront plus, les hérissons et les écureuils non plus, bientôt il n'y aura plus de forêts, que des villes éclairées sans cesse et tant de lumière que personne ne pourra plus se cacher nulle part et puis les nuits s'évanouiront à leur tour et plus personne ne se souviendra de maman, je me demande à quoi ressemblera la vie de ceux qui nous succéderont.