Il mit son étui d'épaule et son pistolet en se disant que ce serait marrant de flanquer une balle dans la tête de Daryl-Dwight ; pourtant, le vrai problème n'était pas le Grand Maître, mais le monde, et la seule vraie solution consistait à se flanquer une balle dans la tête.
Une partie de lui-même avait deviné que c’était une espionne, mais la partie la plus forte de son esprit préféra l’ignorer, guidée par la vanité et l’anneau biologique qui lui perçait le nez, jusqu’à l’inévitable chute à plat ventre. Un camé de l’amour et un obsédé du cul, quelque chose de ce genre. Quelle absurdité ! En sombrant dans le sommeil, il entendit le hurlement des coyotes dans le canyon se muer en cris excités, ce qui signifiait qu’ils allaient bientôt tuer leu proie. Il pensa que dans son cas le jeu de la sexualité touchait sans doute à sa fin, mais ça n’avait jamais été vraiment un jeu, plutôt une intrusion mortelle.
-Mais que leur offre-t-il en échange de leur temps et de leur argent ?
-L'extase de la foi. Voilà ce que nous cherchons dans la religion. Une chose solide sur laquelle compter, car nous ressemblons à des enfants effrayés face aux 90 milliards de galaxies. Dans une culture déprimante il leur dit comment vivre, comment sortir de l'enclos très limité de leur corps pour rentrer dans l'arène de la confiance spirituelle.
Le crime n'a aucun intérêt, il est affreusement prévisible. Rien n'a changé depuis que Caïn a tué Abel. La cupidité, la jalousie, l'instabilité mentale et les problèmes économiques en sont le plus toujours les principaux ingrédients. La religion n'est pas en reste. Aujourd'hui, l'abus de drogue et le désespoir moral épaississent encore la sauce. Le seul intérêt réside dans les circonstances, et non dans l'acte lui-même, et ne concerne pas forcément non plus les gens directement impliqués. Les témoins racontent rarement la même histoire.
… en sachant très bien qu'un paysage dépeuplé vous purge de tous les poisons.
Où était donc passée cette débrouillardise légendaire qui avait accompagné toute sa carrière d'enquêteur ? Il ne restait plus en lui la moindre trace de ses anciens talents. Avec les grandes souffrances physiques ou mentales, quand les deux ne se conjuguent pas en cette détresse profonde qu'il connaissait désormais, arrive l'humilité, non pas l'humilité vertueuse mais seulement celle du chien qui, percuté par une voiture, se traîne à l'écart de la route jusqu'à un fossé pour tenter d'éviter un nouvel accident.
La sexualité comportait un nombre presque infini de strates, mais celles du bas étaient vraiment pathétiques.
Sunderson regarda le feu mourir. Il frissonna et eut hâte de goûter à la soupe que Mona avait prévu de préparer avec des travers de porc et du cou de gibier, de l’orge et le légume préféré de l’ancien inspecteur, le rutabaga. Sunderson ne comprenait pas que, s’il avait été un bon enquêteur, c’était parce qu’il passait aussi inaperçu qu’une racine comestible. Contrairement aux héros romantiques, aux écrivains, aux peintres ou aux athlètes célèbres, il ne se mettait jamais à l’écart des autres êtres humains. Il avait le regard chaleureux et il s’exprimait lentement avec l’accent râpeux de sa région. « Hé, si on allait se boire une mousse ? » Désarmés, les gens lui confiaient tout. Il avait toujours associé son boulot à une conscience absolue de son environnement.