(...) mais ce matin-là j'entrai dans le sanctuaire et j'osai assister à la prière, à défaut de la partager.
(p.88)
Une abeille entra par la fenêtre ouverte ; Affairée, bruyante, importante, elle fit une halte sur mon assiette, n’y trouva pas ce qu’elle cherchait, et repartit, rapide, décidée, par la même fenêtre.
Mais cette visite minuscule avait remis la nature en scène. Comme le jour de mon arrivée, je la respirais la nature, à travers les odeurs de la vielle maison, et je racontai ma découverte du béal, mon avancée parmi le vol des sauterelles et des libellules, ma rencontre avec l’armée de châtaigniers qui veillait sur la combe.
L’eau est tiède sous le soleil. Je l’ai tâtée de la main en sortant une sauterelle qui se noyait. J’avance doucement pour ne pas les écraser, les sauterelles. Elles jaillissent sous mes pas dans un envol gris, révélant des éclairs rouges, bleus ou verts ; au repos, elles sont toutes grises, en sautant elles avouent des couleurs différentes, violentes. Enigme.
Les libellules semblent plus à l’aise, demoiselles aériennes volant au-dessus de l’eau qui court, vive, gaie. Les grosses pierres de rivière ne s’opposent pas au flux, ne le détournent pas vers les prés, il est encore trop tôt pour arroser le trèfle et la luzerne. Elle court, elle court l‘eau de la montagne.
Il y a des genêts, de la bruyère, des fougères, des herbes velues, odorantes, des ronces et ces œillets de poète qui borde le béal. Parfois des rochers affleurent, parfois des escaliers de pierre montent vers nulle part. Parfois un châtaignier isolé se penche sur l’eau comme pour la veiller.
Aïe ! J’ai marché sur une enveloppe piquante, hérissée, agressive d’une châtaigne. Je m’arrête pour enlever l’aiguille blonde de mon pied, nu dans une sandale ouverte, et je reste figée, immobile, pétrifiée par un bruit. Un bruit d’écaille glissant sur des feuilles sèches. – Faites quand même attention aux vipères ! à dit Sarah. Je ne l’ai pas vue, la vipère, mais je sais qu’elle était là. Je sais qu’elle a disparue sous les genêts ; elle est peut-être loin, elle est peut-être près. J’attends.
J'aimais apprendre, j'aimais l'étude, les livres, l'exégèse, les silences des bibliothèques et le fracas du choc des idées...
(p.94)
...ce ne doit pas être facile de t’aimer. Non pas que tu sois frivole, légère ou inconstante. Tu es tout le contraire ! Derrière ton sourire et ta grâce se cachent une rigueur et une honnêteté dont tu es bien souvent la victime, et, pardonne-moi, une exigence que peu d’êtres sont capables de combler.
La vie est lourde, murmura-t-elle. Il faut du génie pour vivre. Et pour supporter cette manie de mourir qu'ont les gens qu'on aime.
Il était une fois… Il n’avait jamais été une fois aussi fort qu’en cet instant, aussi ne fus-je pas surprise de voir s’élever un petit château qui allait à mon guide aussi parfaitement que la pantoufle de vair au pied de Cendrillon.
Elle écoute aussi bien qu'elle raconte, Elle donne et elle reçoit. Même ferveur dans l'attente d'une réponse de vous que dans les réponses qu'elle vous fait.
(p.281)
Mais la patrie, elle sera toujours dans le brin d'herbe qui pousse là où nous sommes nés, dans la source près du rocher, dans la racine de l'arbre...
(p.200)
Les hommes sont plus gauches devant la mort que les femmes. Moins familiers.