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Critique de isanne


Qu'attendais-je de ce livre ? Qu'espérais-je trouver dans cette lecture ? Je ne saurais le dire avec précision mais certainement pas ce que j'y ai lu.

Comme le dit, de façon si bien imagée, Robert Lalonde : "Je défriche les chefs-d'oeuvre impérissables avec une précaution de souffleur de verre (...)", j'ajouterais que la masse de verre encore en fusion m'impressionne, m'intimide et c'est la raison pour laquelle ce recueil prenait la poussière sur mon étagère jusqu'à ce qu'une amie babéliote me rende trop curieuse pour résister à l'envie de l'ouvrir – mon imagination me laissait entrevoir Ernest Hemingway comme un écrivain assez impénétrable, avec un style travaillé et des considérations réfléchies sur toute chose.

"Paris est une fête" ne répond à aucune de ces attentes, un style fluide, journalistique : c'est la profession de l'écrivain, donc cela explique ce style dénué d'emphase, d'adjectif - mais Ezra Pound ne lui a-t-il pas dit de se méfier des adjectifs ? -, les dialogues sont narrés et non écrits dans un style direct, une surprise donc de prime abord que cette lecture abordable...


Comme une déambulation que l'on ferait aux côtés d'Ernest Hemingway, "Mister Awfully Nice", nous voilà partis à la découverte d'un Paris bohème, Paris des troquets, Paris des bistrots et des cafés... Car si vous entendez crisser les graviers des allées du Jardin du Luxembourg au fil des pages, si le froid mordant de l'automne vous fait frissonner, si vous respirez l'odeur d'oranges en contemplant le feu de la chambre où l'écrivain tente de rédiger certains contes qui le feront gagner de quoi vivre, le regard sur ce Paris devient très sélectif de ce qu'il remarque, peu observateur des paysages environnants, peu observateur des balbutiements d'une nature au coeur d'une capitale bien animée.

Ne prenez qu'un léger en-cas avant la lecture tant la description des mets vous nourrira pour les semaines à venir : salade de pommes de terre à l'huile d'olive, cervelas, escargots, pintade... viendront parfumer votre lecture et quant à la boisson, là, si vous n'êtes pas ivre avant la fin du livre, et bien... Tout est dit sur les verres de vin blanc, les bouteilles de vin de Mâcon, les Whiskies même si ceux-ci sont gages de la santé....
La déambulation se fait gustative tant que notre guide peut se le permettre parce que ces années parisiennes sont aussi des années de disette, où il s'invente des rendez-vous à l'heure du déjeuner pour rester seul et sauter le repas et économiser sou par sou ce qui lui permettra... d'aller en Espagne assister aux ferias. Dommage ! Je commençais à me prendre d'intérêt pour les rencontres variées, dans l'intimité des compagnons de la vie artistique, célèbres en devenir ou encore confidentiels, et surtout pour un lieu merveilleux qui semble être comme un îlot de bienveillance et de tranquillité, la librairie Shakespeare and Company et sa libraire, Sylvia Beach, qui fait crédit, prête autant de livres qu'elle le peut et enjoint notre écrivain à se sustenter plus souvent qu'il ne le fait…

Ernest Hemingway parle de sa façon d'écrire, ses habitudes, les obligations qu'il s'impose pour tirer le meilleur de sa plume… L'inspiration, compagne capricieuse, chemine à son côté, disposée à se laisser séduire ou décidée à rester distante, dans différents endroits autant isolés comme la chambre qu'il loue pour écrire que passants comme les cafés confidentiels, ceux dans lesquels on écrit sans se montrer...

Il reste de ces pages de souvenirs une certaine vision d'une vie alors encore tranquille, qui ne connaît pas encore les premiers soubresauts d'une Histoire qui va l'anéantir, toute blessée qu'elle reste de ces années de combats dans les tranchées qui ont fait disparaître tant de jeunes hommes et ont laissé ceux revenus tant démunis, oubliés et souvent incompris dans leur solitude.

Une lecture à faire comme une volonté d'approcher au plus près une époque où poètes, peintres, écrivains, dont nous répétons les noms à l'envi, ne sont encore que des hommes et femmes qui pour la plupart se battent pour juste subsister et écrire ces mots et phrases qu'ils espèrent admirables.
Une lucarne ouverte sur un temps, une immersion dans une vie comme un enseignement pour continuer la rencontre de cette plume désormais moins intimidante...


Reste que noter ce livre m'est aujourd'hui impossible et que je remercie cette amie babéliote qui se reconnaîtra de m'avoir chamboulé l'ordre mes lectures et autres rédactions des avis qui en découlent !
Je me devais de rédiger cet avis, pour cette curiosité suscitée, même si le nombre de critiques déjà partagées n'en appelait pas une supplémentaire  !




« Mais parfois, quand je commençais un nouveau récit et ne pouvais le mettre en train, je m'asseyais devant le feu et pressais un pelure d'une des petites oranges au-dessus de la flamme et contemplais son crépitement bleu. »

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