L'étang du diable

Le bonheur, c’est de se sentir enfin compris.

Tout dépend de ce que l’on nomme amour. Ce que tu lis dans les livres n’a souvent que peu à voir avec la réalité. On ne doit pas aimer pour posséder l’autre corps et âme. La tendresse seule est importante.

Le monde invisible veut que l’on vienne à lui en silence.

L’amour n’est qu’un mot vide de sens.

Ce que j’ai aimé et voulu vous faire aimer, une certaine idée d’indépendance et d’humour, continuera à faire son chemin. Ce sera mon testament de couturière. J’ai toujours pensé que souvent les femmes prenaient la mode trop au sérieux. Enfiler une robe, passer un pantalon avec le sourire est la plus grande des sagesses. La mode est un oiseau, laissons-la chanter, colorer le conformisme de nos habitudes. Ne cherchons pas à paraître riches ou prestigieuses, cherchons tout simplement à être irrésistibles.

L’Europe allait mal et les rumeurs d’une possible guerre se propageaient chaque jour un peu plus. Les Italiens avaient envahi l’Éthiopie, en Allemagne Hitler venait de faire voter des lois inacceptables sur la citoyenneté allemande, la Chine basculait dans le communisme. Le monde feutré, bien-pensant et paternaliste des Fortier avait cessé d’exister.

Là où vous voyez des fées, des êtres surnaturels et immortels, j’imagine quant à moi trois mantes religieuses dans l’attente d’un insecte nocturne passant à leur portée.

La soudaineté de la rupture la déchirait. Les êtres chers l’avaient toujours quittée en un instant, sans lui donner la chance de leur prouver sa tendresse. Elle n’avait cherché qu’une franche explication, et Étienne allait boucler ses valises, l’abandonner. À nouveau, elle serait la petite fille seule dans la nuit que deux agents de police interpellaient. Mais sa grand-mère n’était plus là pour lui ouvrir les bras.

Personne ne t’aime, parce que tu es une marginale, une révoltée. Pourquoi ? C’est ton incohérence et ton hypocrisie. Tu es née privilégiée et as toujours vécu en privilégiée. Il est vrai que tu m’as plu ainsi et je n’ai aucun reproche à te faire.

— Tu exiges des aveux et je n’en ai aucun à te faire. Prends la corde et pends-moi puisque c’est ton verdict. Le juge a parlé.
— Je ne te juge pas, murmura Colette. Je te plains. Pour mener des intrigues parallèles, il faut un certain courage, tu n’en as aucun. Ressemblons-nous à un petit couple bourgeois attaché aux bonnes mœurs ? M’aurais-tu avoué ton désir d’avoir une passade avec cette Allemande, sans doute te l’aurais-je accordé. Mais tu te caches, tu mens. C’est petit et misérable.