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Citations sur Guerre et Térébenthine (53)

Je regarde en silence les gars qui s'enfoncent dans le fatalisme autour de moi, la plupart plus jeunes que moi – des gars qui sont faits pour exercer un bon métier, qui ont le cœur là où il faut, des jeunes qui ont fait des études et devraient maintenant fonder une famille et avoir des enfants – ils sont allongés ici sous la pluie tiède, puants et le corps couvert de gale, sans perspective de changement, s'abandonnant au cynisme et à la pulsion de mort, abrutis par les plaisanteries idiotes des imbéciles du régiment, se grattant comme des singes et pleurant quand la colique leur donne des frissons et leur fait redouter une infection mortelle, craignant une belle perdue, l'accident d'une charrette branlante dont le timon se brise, le souffle qu'émettent à longueur des nuits des chevaux de train de crever lentement.
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Il m'emmena à l'Expo 58, l'Exposition universelle de Bruxelles, lui qui avait vu celle de 1913. Je me souviens de blanc, de bâtiments blancs, d'allées blanches, d'une architecture nouvelle, pure, impeccable, du soleil, d'un soleil blanc, d'un monde qui m'aveuglait : tout est blanc dans mon souvenir. Pour une génération qui vivait encore dans de vieilles pièces plongées dans la pénombre, l'ensemble était éblouissant. L'Atomium paraissait blanc, les arbres paraissaient blancs, le monde était blanc. Même le pain était blanc, le pain blanc de l'Expo.
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Ils contrôlent le travail, ont l'air satisfaits, mais essaient de ne pas trop le montrer : il ne faut pas laisser les gens simples se mettre des idées en tête en leur faisant des compliments, sinon, c'en est fini de leur dévouement.
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On parlait de la grande catastrophe au charbonnage du Hornu en Wallonie, des conditions inhumaines dans lesquelles les mineurs y effectuaient leur travail, des pêcheurs noyés à Ostende, des enfants épuisés dont les doigts étaient arrachés sous les grandes machines à carder dans les usines de textile lorsqu'ils ramassaient les bouts de fils de lin, des métallurgistes mutilés, des estropiés qui dépérissaient sans travail, des innombrables autres calamités auxquelles les travailleurs étaient exposés à l'époque.
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Un jour qu’il regardait avec moi des reproductions et était tombé sur le célèbre bœuf écorché peint par Rembrandt, il avait dit : c’est si bien peint qu’on sent la puanteur du marché aux bestiaux.
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Le temps devient une durée monotone, la durée perd se direction, la direction fait place à l’immobilisme et à l’ennui, l’ennui rend indifférent et las, les jours filent à travers les doigts
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Je prie chaque jour. Comme un robot, je débite d'interminables prières car, plus qu'une foi inébranlable, le rythme de la prière m'aide à résister aux crises d'angoisse et de désespoir face à la mort.
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Une chose continue d’occuper ses pensées, les jours suivants. Le spectacle des têtes d’animaux dans la cour crasseuse. Dans son souvenir, la douce lumière de l’après-midi brille sur ce tas de laideur à couper le souffle, et ce qu’il voit sont des couleurs, des teintes, les transitions les plus subtiles entre la lumière et l’ombre, les gris et le rouge, le sépia et le bleu nuit, le rouge foncé devenu presque noir, le jaune délicat presque blanc, d’un morceau de pelage près d’un museau mort. Il se rappelle un des vieux livres que feuilletait son père, en particulier un certain tableau qui l’avait marqué quand il était enfant : une carcasse de taureau, peinte par le célèbre Rembrandt. Ce tableau représentait une chose dont on ne pouvait dire qu’elle était belle en soi, mais qui était transmuée en un spectacle puissant et beau. Cette contradiction le ronge au plus profond de son être. Il prend lentement conscience, tandis qu’il fixe la bouche mugissante du four à la fonderie et que les projections dansent autour de lui comme des lucioles, que le choc provoqué par sa répugnance face au tas apocalyptique de viande pourrissante remplie de regards morts a éveillé quelque chose qui l’attire, qui le fait souffrir, qui ouvre en lui un nouvel espace – que pour la première fois est né en lui un désir qui semble le dépasser. C’est le désir de dessiner et de peindre, et dès l’instant où il s’en rend compte, juste au moment où il serre une fois de plus entre ses mains une de ces lourdes cuillères remplies de fer en fusion, il a l’impression de sentir ses genoux fléchir. Sa soudaine prise de conscience l’assaille avec une force intense, empreinte d’une certaine culpabilité.
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D’ailleurs, qui parcourt encore ici cent mètres à pied, dans un monde qui n’est plus à échelle humaine ? Je regarde autour de moi : il n’y a que des espaces à l’abandon, sans nom, comme en ont laissé partout dans le monde les grandes industries. Dommages collatéraux urbains.
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Il se tient de nouveau à l’endroit devant moi, frotte la poussière de ses mains, remet son chapeau et dit, le visage un peu rouge : tu peux tout faire, du moment que tu en as envie.
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