LI TAï-PO
(643-706)
L'ADIEU
L'oiseau youên et l'oiseau yang
nagent côte à côte sur le fleuve Kin
dont les eaux coulent paisiblement vers le nord.
Quand l'oiseau youên s'arrête à l'ombre d'un arbre de la rive,
sa compagne s'arrête parmi les roseaux en fleurs.
Tous deux préféreraient la mort ou la captivité plutôt que la fuite,
si, pour fuir, ils devaient se séparer.
Adieu, seigneur de ma vie!
Aucune fleuve ne peut revenir à sa source,
aucune rose ne peut revenir sur le rosier qui l'a laissé tomber.
Malgré la croyance générale, les plantes ne sont pas insensibles.
Qu'advient-il à celles dont la nature est de s'attacher ?
L'une vit et meurt à l'endroit même
où le vent laissa tomber la graine
qui lui donna le jour ;
l'autre périt dès qu'on l'arrache de l'abri qu'elle avait choisi.
La nature est clémente pour la fleur,
et l'homme est cruel pour la femme qui l'aime.
Adieu, seigneur de ma vie !
Aucun fleuve ne peut revenir à sa source,
aucune rose ne peut revenir sur le rosier qui l'a laissé tomber.
En souvenir de moi, gardez ces trois hirondelles de jade.
Elles brillaient dans ma chevelure, le jour de notre mariage.
Essuyez-les, chaque soir, avec votre manche de soie.
Et ne roulez jamais la natte sur laquelle vous m'avez caressée...
Laissez les araignées y tendre leurs fils.
Permettez-moi de vous demander
de conserver toujours le bloc d'ambre
sur lequel je posais ma tête, pour dormir.
Les rêves qu'il vous donnera vous rappelleront notre passé.
Adieu, seigneur de ma vie !
Aucun fleuve ne peut revenir à sa source,
aucune rose ne peut revenir sur le rosier qui l'a laissé tomber.
J'ai oublié, dans votre coffre sculpté, mon petit manteau de plumes.
Ne le mettez jamais sur d'autres épaules que les vôtres.
Quant à mon miroir, mon miroir d'argent
où mon cœur se réfléchissait comme un visage au fond d'un puits,
tendez-le souvent à votre nouvelle épouse,
et qu'il vous aide à connaître son cœur.
Adieu, seigneur de ma vie !
Aucun fleuve ne peut revenir à sa source,
aucune rose ne peut revenir sur le rosier qui l'a laissé tomber.
Li-Taï-Po
SI LA VIE EST UN SONGE
Si la vie est un songe
A quoi bon me tourmenter
Je puis m'enivrer sans remords
Et si j'en viens à tituber
Je m'endormirai sous le porche de ma demeure
A mon réveil un oiseau chante parmi les fleurs.
Je lui demande quel jour nous sommes.
Il me répond : au printemps,
la saison où l'oiseau chante !
Je me sens étrangement ému
Et prêt à m'épancher.
Mais je me reverse à boire
Et je chante tout le jour
Jusqu'à ce qu'apparaisse la lune du soir.
Et quand mes chants se taisent
Je n'ai plus conscience de ce qui m'entoure.
LI-TAÏ-PO
(643-706)
CROYEZ-MOI
Impatient de devenir un pur esprit,
le bouddhiste Song-Tsè
a édifié un bûcher sur le mont Kin-hoa
et s'est brûlé vif.
De son vivant, Ngan-Ki a pu atteindre le Pong-laï.
Ces personnages connaissent une félicité parfaite.
Soit ! Mais quel mal ils se sont donné !
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en allant chercher dans votre cave
une bouteille de bon vin.