Elle se rappelait nettement leur emménagement ici. Elle connaissait Hari-Plage et l'auberge pour avoir souvent rendu visite à ses grands-parents, mais tout lui avait paru différent quand elle avait compris qu'elle vivrait désormais ici. La beauté de la mer était la première chose qui l'avait séduite. Elle avait immédiatement eu le sentiment qu'elle était sur terre pour la protéger.
Ils s'assirent de part et d'autre de la table du hall et trinquèrent. La saveur boisée qui emplit sa bouche devint rapidement plus douce, et elle eut envie d'en boire une autre gorgée.
Elle lut le nom "SADOYA", en caractères latins sur l'étiquette de la bouteille. Yukawa lui apprit qu'il s'agissait d'un producteur de la préfecture de Yamanashi.
- Je n'aurais pas cru que du vin japonais puisse être aussi bon, expliqua-t-elle avec franchise.
- Les Japonais n'ignorent que trop les bons côtés de leur pays, répondit-il en faisant tourner son verre. Rares sont ceux qui s'intéressent à ce qui ce fait en province, comme ce très bon vin, que la plupart des Japonais refuseraient de goûter simplement parce qu'il est produit au Japon. Et aux yeux des gens qui ne sont pas d'ici, tous les efforts que vous et vos amis faites pour préserver la mer risquent d'être vains car ils pensent qu'elle est belle ailleurs qu'à Hari-Plage.
- Vous voulez dire que notre mouvement est dénué de sens?
- Non. A mes yeux, il mérite d'être récompensé. Aujourd'hui, j'ai vu avec le petit Kyöhei les fonds marins qui ont donné leur nom à Hari. C'était splendide.
L’appel venait de sa mère. Il y répondit de mauvaise grâce.
- Allo ?
- Kyôhei ? Tu es où ?
Quelle question idiote ! C’était elle qui avait tout organisé et acheté son billet.
- Dans le train, répondit-il tout bas, parce qu’il savait qu’on ne doit pas se servir de son portable dans le wagon.
- Pour exploiter une ressource sous-marine, il faut avoir recours à l'extraction minière. Qui dit extraction minière dit dommages sur la faune et la flore.
C'est vrai sur terre comme sous la mer. L'homme a toujours fait ainsi. Le reste, c'est une question de choix, ajouta-t-il avant de poser le micro en fermant les yeux comme pour ignorer les regards tournés vers lui.
- Vous êtes allé là-bas rien que pour ça ? Ça vous intriguait à ce point ?
- Intriguer, cela peut vouloir dire exciter la curiosité intellectuelle. Ne pas faire cas de sa curiosité est criminel. C’est d’abord elle qui nous pousse a apprendre.
Ne pas faire cas de sa curiosité est criminel. C’est d’abord elle qui nous pousse à apprendre
Tu t’es servi d’un plan pour venir ici, non ? Il t’a permis d’arriver sans te perdre en route, n’est-ce pas ? De la même manière, le genre humain a besoin de plans détaillés pour comprendre où en est l’univers et progresser dans la bonne direction.
L’univers est rempli d’énigmes. Le plaisir d’en élucider une seule soi-même, si petite soit-elle, est sans pareil
- Exiger la protection de l'environnement, pour vous, c'est leur chercher noise ?
- Vous exigez une protection de l'environnement parfaite, or la perfection n'existe pas en ce monde. Exiger de quelqu'un quelque chose qui n'existe pas revient à lui chercher noise.
Si l’on est confronté à une question à laquelle on ne peut répondre tout de suite, il faut savoir que la réponse finira par apparaître. Il est toujours utile d’y réfléchir. Mais il ne faut pas se presser. Souvent, on ne pourra trouver la réponse que lorsqu’on aura soi-même grandi. Voilà pourquoi les hommes doivent en permanence apprendre, faire des efforts, s’améliorer.