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Citations sur Une femme à Berlin : journal, 20 avril-22 juin 1945 (96)

[...], en réaction à tous les projets du monde, je m'accrochais à cette phrase : « La somme des larmes reste constante. » Quelles que soient les formules ou les bannières auxquelles les peuples se rallient, quels que soient les dieux auxquels ils croient ou leur pouvoir d'achat : la somme des larmes, des souffrances et des angoisses est le prix que doit payer tout un chacun pour son existence, et elle reste constante. Les populations gâtées se vautrent dans la névrose et la satiété. Ceux auquel le sort a infligé un excès de souffrances, comme nous aujourd'hui, ne peuvent s'en sortir qu'en se blindant. Sinon, j'en viendrais à pleurer jour et nuit. Or, je le fais tout aussi peu que les autres. Il y a là une loi qui régit tout cela. N'est apte au service que celui qui croit à l’invariance de la somme terrestre des larmes, n'a aucune aptitude à changer le monde ni aucun penchant pour l'action violente.
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A l'époque, je me faisais constamment la remarque suivante : mon sentiment, le sentiment de toutes les femmes à l'égard des hommes, était en train de changer. Il nous font pitié, nous apparaissent affaiblis, misérables. Le sexe faible. Chez les femmes, une espèce de déception collective couve en surface. Le monde nazi dominé par les hommes, glorifiant l'homme fort, vacille - et avec lui le mythe de l”Homme”. Dans les guerres d'antan, les hommes pouvaient se prévaloir du privilège de donner la mort et de la recevoir au nom de la patrie. Aujourd'hui, nous, les femmes, nous partageons ce privilège. Et cela nous transforme, nous confère plus d'aplomb. A la fin de cette guerre-ci, à côté des nombreuses défaites, il y aura la défaite des hommes en tant que sexe.

221 - [Folio n° 4653, p. 77]
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Il m'a donné un petit cahier, un dictionnaire militaire bilingue allemand-russe. Je l'ai déjà parcouru en entier. Il contient une foule de termes très utiles, comme "lard" , "farine", "sel" . D'autres mots importants tels que "peur" et "cave"en sont absents. Le mot mort, dont je n'avais pas eu besoin pendant mon voyage, me fait souvent défaut dans la conversation. Je le remplace toujours par kaputt, que tout le monde comprend et qui sert aussi à traduire d'autres choses. En revanche, le dictionnaire contient des expressions dont nous n'aurions pas l'usage, même avec la meilleure volonté du monde, comme "Haut les mains!" et "Garde à vous!" Tout au plus pourrait-il arriver qu'on nous les dise à nous.
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Elle m'avoua que trois Russes l'avaient prise sur un sofa, d'abord l'un après l'autre, puis tous dans le désordre. Une fois l'acte perpétré, les jeunes gars avaient fouillé le frigo et n'y avaient trouvé que de la confiture et de l'ersatz de café. Morts de rire, ils avaient alors étalé la confiture à la cuiller sur les cheveux de Gerti, et saupoudré le tout d'ersatz de café.
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Les vitres y étaient remplacées par de vieilles radiographies fixées dans l'encadrement des fenêtres et affichant de curieux thorax.
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J'ai calculé que nous étions dimanche, le 29 avril. Mais dimanche, c'est un mot pour les civils, aujourd'hui il ne veut plus rien dire. Le front ne connaît pas le dimanche.
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Quelles que soient les formules ou les bannieres auxquelles les peuples se rallient,quels que soient les dieux auxquels ils croient ou leur pouvoir d'achat:la somme des larmes,des souffrances et des angoisses est le prix que doit payer tout un chacun pour son existence
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Pourtant, cet hôpital-ci fait tout ce qu'il peut pour rester un îlot protégé du tumulte généralisé. Sur le toit sont peintes de gigantesques croix et sur les pelouses, devant l'édifice, de grands draps blancs sont étendus sur le sol, eux aussi en forme de croix. Mais les mines aériennes sont impartiales, et dans le tapis de bombes, il ne se trouve pas de trous de miséricorde.
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Le soir, j’ai lu au hasard des volumes puisés dans la bibliothèque du propriétaire de l’appartement. Il s’y trouvait de tout. j’ai pris un Tolstoï intitulé Polikei et l’ai relu pour la énième fois. Puis, je me suis attaquée à un recueil de drames d’Eschyle et y découvris ses Perses. La longue plainte sur la misère des vaincus est à la mesure de notre défaite -et, d’un autre côté, elle ne l’est pas du tout. Notre triste sort d’Allemands a un arrière-goût de nausée, de maladie et de folie, il n’est comparable à aucun autre phénomène historique. A la radio, on vient encore d’entendre un reportage sur les camps de concentration. Ce qu’il y a de plus horrible dans tout cela, c’est l’esprit d’ordre et d’économie : des millions de gens utilisés comme engrais, rembourrage de matelas, savon mou, paillasse de feutre - et cela ne se trouvait pas chez Eschyle.
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Tout le monde a été persécuté, et personne n’a dénoncé. Moi-même, étais-je pour ? Étais-je contre ? En tous cas, j’étais en plein dedans, et j’ai respiré l’air qui nous entourait et nous donnait une certaine couleur, même si nous ne voulions pas.
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