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Citations sur Une femme à Berlin : journal, 20 avril-22 juin 1945 (96)

Occasion de plus de constater que, quand tout s'écroule, ce sont les femmes qui tiennent le mieux le coup, et qu'elles n'attrapent pas aussi vite le vertige.
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Dehors, c'est toujours la guerre. Notre nouvelle prière du matin et du soir est désormais : "C'est au Führer que nous devons tout cela." Phrase qui, pendant les années de paix, exprimait louanges et gratitude sur des panneaux peints ou dans les discours. Maintenant, et bien que la formulation soit restée la même, le sens est inversé, ne trahissant plus que mépris et dérision. Je crois que cela porte le nom de renversement dialectique.
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Nous sommes restées assises l'une en face de l'autre à sa table en cuivre et nous avons bavardé. Ou plutôt , nous avons parlé à tue-tête pour couvrir le vacarme croissant des tirs d'artillerie. Mme Golz, d'une voix cassée :" Quelles belles fleurs, quelles fleurs magnifiques...", et les larmes coulaient sur son visage. Moi aussi je me sentais horriblement mal. Maintenant la beauté fait mal. Tellement la mort nous emplit.
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Le lendemain matin, vers 10 heures, dans mon trois-pièces sous les toits. Nous sommes restés bloqués dans la cave jusqu’à environ 4 heures.
Puis j’ai grimpé seule là-haut. Je me suis réchauffé une soupe de betteraves sur le gaz toujours moribond, ai pelé quelques patates, ai cuit mon dernier œuf, plus exactement, je l’ai mangé à moitié cru, et je me suis ensuite aspergé tout le corps d’un reste d’eau de Cologne. Curieux le nombre de choses que l’on fait désormais pour la dernière fois, c’est-à-dire pour la dernière fois jusqu’à la prochaine qui aura lieu on ne sait trop quand, certainement dans très longtemps. D’où me viendrait un autre œuf ? Ou bien du parfum ? Je savoure donc ces plaisirs en pleine connaissance de cause, leur accorde la plus grande attention.
Après cela, je me suis glissée dans mon lit tout habillée, et j’ai dormi d’un sommeil entrecoupé de rêves agités. Maintenant, il faut que je parte faire des courses…
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Je t'ai demandé :
" Tu as reçu ton appel sous les drapeaux ? Il est là dans ta poche ?
- Non, pas dans ma poche", as-tu répondu.
Mais tu l'avais reçu le matin même et nous nous doutions que la guerre se cachait là derrière.
Nous avons passé la nuit dans un refuge à l'écart. Trois jours plus tard, tu étais parti et nous avions la guerre. Nous y avons survécu tous les deux, mais est-ce pour notre bonheur ?
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Personne ne répond. La fille reste étendue, comme pétrifiée. Le Russe vocifère derechef, sur un ton à la fois bourru et furibard: "Quel âge?"
Je m'empresse de répondre en russe: "C'est une étudiante, elle a dix-huit ans." Je voudrais ajouter qu'elle est blessée à la tête; ne trouve pas les mots et m'en sors finalement en recouvrant au terme internationalement connu kaputt: "tête kaputt, les bombes"
Suit alors un aparté entre l'homme et moi, un échange de paroles précipitées, de questions et de réponses qu'il serait inutile de transcrire, parce qu'elles n'avaient pas de sens. Cela tournait autour de l'amour, l'amour vrai, de l'amour passionnel, et qu'il m'aimait, et si moi je l'aimais, et si on allait s'aimer lui et moi.
Le petit peuple de la cave, toujours terrorisé, ne comprend pas une once de ce qui est en train de se passer.
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Le second Russe, un jeune garçon de dix-sept ans, a d'abord été partisan, puis a mis le cap vers l'ouest avec la troupe des combattants. Le front plissé, il me lance un regard sévère et m'invite à dire que, dans son village, des militaires allemands ont poignardé des enfants et ont saisi des enfants par les pieds pour leur fracasser le crâne contre un mur. Avant de traduire, je demande : « Entendu dire ? Ou assisté vous-même à la scène ? » Lui, d'un ton sévère et le regard fixe : « Vu moi-même, deux fois. » Je traduis.
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Ces filles-là sont à tout jamais lésées des premiers fruits de l'amour. Quand on a commencé par la fin, et de manière aussi brutale, on ne peut plus frissonner de plaisir aux premières caresses.
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A l'époque, je me faisais constamment la remarque suivante : mon sentiment, le sentiment de toutes les femmes à l'égard des hommes, était en train de changer. Ils nous font pitié, nous apparaissent affaiblis, misérables. Le sexe faible. Chez les femmes, une espèce de déception collective couve sous la surface. Le monde nazi dominé par les hommes, glorifiant l'homme fort vacille - et avec lui le mythe de l'"Homme". Dans les guerres d'antan, les hommes pouvaient se prévaloir du privilège de donner la mort et de la recevoir au nom de la patrie. Aujourd'hui, nous, les femmes, nous partageons ce privilège. Et cela nous transforme, nous confère plus d'aplomb. A la fin de cette guerre-ci, à côté des nombreuses défaites, il y aura aussi la défaite des hommes en tant que sexe.
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il s'est remis à chanter, tout bas, des airs mélodieux, j'aime l'écouter. C'est un homme intègre, un être propre, ouvert. Mais lointain, étranger, et encore si immature. Nous, les Occidentaux, nous sommes vieux et savants - et pourtant, maintenant, nous ne sommes que de la boue sous leurs bottes.
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