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Citations sur Satires (12)

GOD BLESS AMERICA

Et un beau jour, Zibulsky se dit : je vais en Amérique !
C'est un pays libre !
Les cafards y grouillent tranquillement
entre les répugnants taudis des pauvres
et les villas des riches.
Un grand pays, un pays libre !
Chacun y a sa chance !
Même Zibulsky.
Il n'y a pas de déclaration de domicile !
Ni d'État policier.
La liberté d'opinion y règne.
Les gens y mènent une vie sensée
derrière des fenêtres grillagées
à cause de la criminalité.
Les policiers ne portent que de gros calibres
qui ballottent coquettement sur leurs hanches.
L'Amérique est le pays des promesses !
C'est là qu'à été inventée l'ère atomique,
avec un avenir qui nous fait peur à tous.
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LE GUIDE TOURISTIQUE, OU ADOLF HITLER ET LE MUR DE BERLIN

— MONSIEUR LE GUIDE TOURISTIQUE ! C’est Berlin ?
— C’est Berlin.
— Et ça, là-bas ?
— C’est notre mur.
— Notre mur mitoyen ?
— Oui.
— Le mur de Berlin ?
— Non.
— Quoi alors ?
— Le mur germano-allemand.

— Il n’est pas très haut.
— Il ne faut pas se fier aux apparences.
— Vous croyez ?
— Oui.
— Quelle est sa hauteur ?
— Il monte très haut.
— Jusqu’au ciel ?
— Encore plus haut.
— Jusqu’où ?
— Jusqu’au septième ciel.
— Le lieu de détente des superpuissances ?
— Oui.
— C’est une hauteur dangereuse.
— C’est vrai.
— Il pourrait s’écrouler facilement.
— Ça se pourrait.

— Monsieur le guide touristique !
— Oui.
— Est-ce que vous sauriez par hasard qui a construit le mur pour nous ?
— Bien sûr.
— Alors qui ?
— Adolf Hitler.
— Il n’était pas peintre ?
— Non.
— Alors c’était un maçon ?
— Non plus.
— Un maître maçon ?
— Non.
— Quoi alors ?
— Il était simplement architecte.
— Architecte en murage ?
— Tout juste.

— Il est le premier à avoir élaboré le grand plan.
— Quel grand plan ?
— Le plan de partage et de murage.
— Quand cela s’est-il passé ?
— Quand il a mal calculé son coup pour la victoire finale.
— En sa qualité d’architecte ?
— En tant qu’architecte de murage !
— N’était-il pas aussi architecte de partage ?
— Si, aussi.
— C’est pour ça qu’il les a fait venir ?
— Qui ?
— Les superpuissances.
— Évidemment.
— Pour partager l’Allemagne ?
— Oui.
— Et pour murer la capitale ?
— Exactement.
— Le grand plan est né dans la tête d’Hitler ?
— Non. Dans son ventre.
— Comment cela ?
— Avec le dernier pet grand-allemand.
— De notre fabrication d’histoire ?
— Exact.
— Dans son ventre, vous avez dit ?
— Oui.
— À son bureau ?
— Non.
— Où, alors ?
— À une table de roulette.
— À une table de roulette ?
— Oui.
— Elle est historique ?
— Évidemment.
— On peut la voir ?
— N’importe quand.
— Où se trouve-t-elle ?
— Au musée.
— Dans quel musée ?
— Celui du passé non surmonté.
— C’est vrai ?
— C’est vrai.
— Votre patron le sait ?
— Quel patron ?
— Celui de l’agence de voyages.
— Évidemment.
— Mais ce n’est pas dans la brochure.
— Quelle brochure ?
— La brochure du voyage.

(p. 13-15)
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LE MEURTRIER ET SON AVOCAT

— COMBIEN EN AVEZ-VOUS TUÉ ? demanda l’avocat.
— Une douzaine, exactement, dit le meurtrier.
— Pourquoi juste douze ?
— Pour ne pas me tromper dans mes calculs.

— Vous serez naturellement acquitté, dit l’avocat, parce qu’on peut prouver que vous n’êtes qu’une victime de la société. Vous êtes d’ailleurs un cas classique.
— Qu’est-ce qu’un cas classique ?
— Ce que vous êtes, dit l’avocat. Votre père buvait et votre mère faisait le trottoir. Enfant, vous étiez régulièrement battu. À l’âge de cinq ans, vous avez été violé par un policier. Adolescent, vous voliez des voitures. Vous n’avez pas achevé l’école. Vous n’avez pas appris de véritable métier et plus tard, vous étiez la plupart du temps au chômage.
— C’est vrai, dit l’assassin.
— Dans notre nouvel État, vous ne pouvez pas être condamné.
— Parce que je suis une victime de la société ? Et que mon cas est par ailleurs classique ?

— Oui, dit l’avocat.
— Le tribunal va condamner la société à ma place ?
— Bien sûr.
— C’est vrai ?
— Bien sûr que c’est vrai.

— Mais j’ai assassiné ces femmes uniquement par ennui, dit le meurtrier.
— Cela ne fait rien.
— La société sera quand même condamnée ?
— Oui, dit l’avocat.

— Comment condamne-t-on la société, et comment le jugement est-il exécuté ?
— En changeant la société, dit l’avocat.
— On peut la changer ?
— C’est ce qu’on veut justement essayer de faire.

— Qui détient le pouvoir ici ?
— Les sociologues et les psychologues.
— Quel genre de gouvernement est-ce ?
— Un gouvernement humain.
— Va-t-il rester au pouvoir ?
— Pas longtemps, dit l’avocat.

— Alors il faut que mon procès ait lieu sans tarder, dit le meurtrier. Avant que ce gouvernement humain ne soit renversé.
— Je vais faire mon possible, dit l’avocat.
— Qui veut renverser le nouveau gouvernement ?
— La réaction.
— Ils sont nombreux ?
— Oui, dit l’avocat.

— Si mon procès a lieu assez vite, et si je suis libéré à temps, je pourrai tuer encore quelques femmes avant que le gouvernement humain ne soit renversé ?
— Vous le pourrez.
— Alors mon procès ne doit pas être retardé !
— Je vais faire mon possible, dit l’avocat.

(p. 99-100)
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À L’ÉPOQUE, ON POUVAIT ENCORE CROIRE À QUELQUE CHOSE

— RÉVEILLE-TOI, PETIT ! Réveille-toi !
— Qu’est-ce qu’il y a, père ?
— Ne baisse pas la tête.
— J’essaie de la tenir droite.
— Tu ne peux pas ouvrir les yeux comme il faut ?
— Non.
— Tu as le regard vitreux. Est-ce qu’on t’aurait donné des yeux de verre à la naissance ?
— Je ne sais pas.
— Et cette posture avachie !
— Oui, père.
— Qu’est-ce que tu as, mon garçon ?
— Je n’en peux plus, père.
— Ça vient de cette saloperie de drogue !
— C’est possible, père.
— Réveille-toi, petit ! Réveille-toi !
— Je préfère ne pas me réveiller, père.
— Tu es fatigué ?
— Pas vraiment.
— Alors quoi ?
— C’est juste que je ne veux pas me réveiller.

— Tu as des problèmes, mon garçon ?
— Non. Mais je ne sais pas où je vais.
— Ça, c’est un problème.
— Pourquoi est-ce que je vis, père ?
— Quelle question, mon garçon ! Tu offenses Dieu.
— Je ne le sais pas, père.
— Tu ne crois en rien, mon garçon. Voilà ton problème.
— Que veux-tu dire, père ?
— Vous autres, les jeunes, vous êtes incapables de croire à quoi que ce soit.
— C’est possible, père.
— Il faut croire à quelque chose, mon garçon.
— Oui, père.
— Tu veux croire à quelque chose ?
— Non, père.

— Quand j’avais ton âge, mon garçon, c’était différent.
— Comment cela, père ?
— Nos yeux étaient radieux.
— J’en ai entendu parler, père.
— Nous étions emplis de foi.
— Oui, père.
— L’homme doit avoir foi en quelque chose.
— Oui, père.

— Nous avions foi dans le peuple et dans le pays. Et dans le Führer.
— Oui, père.
— Surtout le Führer, tu comprends ?
— Le Führer qui a construit les chambres à gaz ?
— Celui-là, mon garçon !
— Qui a exterminé des peuples entiers ?
— Oui.
— Et qui a causé la mort de millions d’Allemands ?
— Oui, mon garçon.

(p. 17-18)
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UN CONTE

IL ÉTAIT UNE FOIS UN HOMME… qui revenait de Massada, la dernière forteresse juive, tombée peu de temps auparavant. L’homme marchait tout droit. Il murmura :
— Dis-moi, Seigneur, n’y a-t-il pas quelque part un poteau indicateur ?
— Pourquoi te faut-il un poteau indicateur ? demanda le Bon Dieu.
— Afin que je reste dans la bonne direction.

Lorsque le ciel rougit à l’horizon et que le Bon Dieu s’apprêta à faire rentrer le soleil, l’homme aperçut un poteau indicateur. Il portait l’inscription : « Vers Auschwitz ».
— Où se trouve Auschwitz ? demanda l’homme.
— Tous les chemins mènent à Auschwitz, dit le Bon Dieu. Ne t’inquiète pas de savoir où cela se trouve. Si tu vas toujours tout droit, tu y arriveras.
— Combien de temps cela va-t-il durer, jusqu’à ce que j’y arrive ?
— Près de deux mille ans.
— Pourquoi si longtemps ?
— Parce que le christianisme doit d’abord s’imposer, dit le Bon Dieu. Parce qu’il faut d’abord construire des églises pour y prêcher la haine à ton encontre. Et parce qu’il faut du temps pour que germe ce qu’on a semé.
— La haine se sème comme les fruits de la terre ?
— Exactement, dit le Bon Dieu. La haine est la graine et la terre est le cœur du chrétien persécuté.
— C’est comme ça ?
— C’est comme ça.
— Est-ce que je trouverai la paix à Auschwitz ?
— Non.
— C’est juste une épreuve ?
— Oui.
— Et je devrai continuer mon chemin ?
— Tu devras continuer ton chemin.
— Pendant combien de temps ?
— Jusqu’à ce que tu m’aies trouvé.
— Pourquoi c’est si compliqué ?
— C’est comme ça, dit le Bon Dieu.

(p. 83-84)
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LA GRAND-MÈRE AU COIN DE LA RUE

— IL FAUDRAIT TOUS LES GAZER !
— Qui donc, grand-mère ?
— Ces jeunes avec leurs cheveux de drôles de couleurs.
— Ceux qui ont les cheveux teints en vert ?
— Oui, et en bleu, et en rouge.
— Et aussi ceux qui ont d’autres couleurs, par exemple violet ?
— Ceux-là aussi.
— Qui encore, grand-mère ?
— Tous !
— Mais c’est qui, tous ?
— Ceux qui resquillent dans les transports et les gamins qui jouent au football dans la rue ou qui font du vélo sur le trottoir. Et ceux qui ont des jeans, des cheveux longs et une barbe.
— Qui encore, grand-mère ?
— En fait, tous ceux que je n’aime pas.

— Attention, grand-mère ! On va bientôt prendre le pouvoir !
— Qui êtes-vous ?
— Les éternels passéistes.
— C’est pour bientôt ?
— Oui, grand-mère.

— Quand vous serez au pouvoir… je pourrai encore rester au coin de la rue à rouspéter ?
— Je te le déconseillerais, grand-mère !
— Pourquoi ?
— Tu pourrais t’en prendre aux mauvaises personnes.
— Ça m’arrive déjà.
— Oui, grand-mère. Mais pour le moment, c’est sans danger.
— Et quand vous serez au pouvoir ?
— Alors ce sera différent.
— Qu’est-ce qu’il m’arrivera ?
— On t’enverra à la chambre à gaz !
— Mais je ne fais de mal à personne.
— Ça ne fait rien.

— Tu me fais peur, petit !
— C’est possible, grand-mère.
— Est-ce que j’ai rouspété contre qui il ne fallait pas ?
— On verra.

— Tu as mal compris, petit.
— J’ai très bien entendu.
— Mais je n’ai rien dit !
— Si, grand-mère.
— En ce qui me concerne, ils peuvent bien resquiller dans le bus, jouer au football dans la rue ou faire du vélo sur le trottoir. Et ils peuvent avoir des jeans, des cheveux longs et des barbes en broussaille. Et leurs cheveux teints ne me gênent pas davantage. Pas plus les cheveux rouges que les bleus, les verts et même les violets.
— Tu as peur, c’est tout, grand-mère. Tu as peur tout à coup, hein ?

— Je n’ai rien dit.
— Si, grand-mère.
— Je ne suis qu’une grand-mère qui s’ennuie…
— Ça se peut, grand-mère.
— … qui est seule…
— C’est possible, grand-mère.
— … à qui personne ne parle et qui a besoin de cracher sa bile de temps en temps…
— Arrête, grand-mère !
— Je ne veux pas aller à la chambre à gaz !
— Ça va, grand-mère.
— Et je n’ai rien dit du tout.
— Oui, grand-mère.

(p. 19-21)
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LE SOCIALISME DE L’ÂGE DE PIERRE

— ÇA VA, CAMARADE ZIBULSKY ?
— Merci.
— Êtes-vous un de ceux qui critiquent le système ?
— Non.
— Satisfait ?
— Parfaitement.

— C’est que je fais partie de la commission d’épuration.
— Politique ?
— Quoi d’autre ?
— Il y a du nouveau ?
— Ah oui.
— Quoi donc ?
— Nous avons promulgué une nouvelle loi.
— J’ai hâte de la connaître.
— Je peux l’imaginer.
— Oui.
— Dorénavant, nous ferons comme au Cambodge.
— Au Cambodge ?
— Au Cambodge !

— Nous fusillerons tous ceux qui savent lire et écrire !
— Je trouve cela très raisonnable.
— Ces personnes sont dangereuses.

— C’est très juste.
— L’enjeu est important.
— Oui.
— Il y va de l’édification d’une nouvelle société.
— Oui.
— Vous savez lire et écrire ?
— Non.
— Mais vous étiez bien enseignant ?
— C’est vrai.
— Alors comment se fait-il que brusquement vous ne sachiez ni lire, ni écrire ?
— Parce que justement, je ne sais pas.
— Est-ce que par hasard vous n’étiez que professeur de natation ?
— Je ne m’en souviens pas.
— Ou vous avez simplement tout oublié ?

(p. 23-24)
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- Qu’est-ce que c’est, un travailleur immigré ?
- Une espèce d’invité qu’on fait venir pour l’exploiter et dont on veut se débarrasser dès qu’on n’a plus besoin de lui.
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_ Il a dit : « Le violon tzigane fait la grève. C’est tout à fait étrange. Cependant, nous savons qu’il est empli de mélodies et de contes. » J’ai demandé : « Vous ne pouvez rien sortir de ce violon ? Même par la force ? »
« Même par la force, a dit le directeur du musée des camps de concentration. Pas le moindre son. Ce vieux violon est devenu muet de chagrin. »
« Muet ? »
« Complétement muet. »
« Pourquoi ? »
« Parce que son maître est mort. »
« Le violon le sait ? »
« Il ne le sait pas. »
« Il cherche son maître ? »
« Il le cherche encore. »
« Il le cherchera jusqu’à la fin des temps ? »
« Jusqu’à la fin des temps. »
« Et il le trouvera un jour ? »
« Non. »
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LE MAÎTRE-NAGEUR

JE VIS DANS LE PAYS que ceux de l’autre côté appellent l’autre Allemagne. Comme je souffre d’une maladie contagieuse, en l’occurrence l’envie de voyager, et que récemment j’ai voulu aller me baigner à l’Ouest libre, j’ai été arrêté. On m’a menotté et on m’a dit que dans mon cas particulier, seul le maître-nageur était compétent.
— Quel maître-nageur ? ai-je demandé.
— Celui de la Stasi.

— Vous tremblez de peur, dit le maître-nageur.
— Oui.
— Voulez-vous que je vous prenne le pouls ?
— Ce n’est malheureusement pas possible.
— Pourquoi ?
— Parce que j’ai des menottes.

— Vous m’avez l’air d’avoir réponse à tout !
— Oui.
— On aurait mieux fait de vous descendre tout de suite !
— Oui.
— Ça aurait mieux valu pour vous !
— Oui.

— Vous savez ce qui attend un type atteint d’envie de voyager ?
— Je peux l’imaginer.
— Vous avez déjà essayé de guérir de cette maladie ?
— Non.

— Alors comme ça, vous vouliez foutre le camp ?
— Oui.
— En passant tout simplement la frontière ?
— Oui.
— Pourquoi ?
— Pour aller me baigner.
— Juste pour vous baigner ?
— Oui.

— Où vouliez-vous vous baigner ?
— Dans la mer.
— Vous pouvez aussi le faire chez nous.
— Où donc ?
— Dans la mer Baltique.
— Je voulais me baigner dans la Méditerranée.

— Ah, c’est donc cela, dit le maître-nageur. Une envie déviationniste.
— Oui.
— Qu’est-ce que je peux dire… je veux dire en tant que maître-nageur de la Sécurité ?
— Je ne sais pas.
— On ne peut pas se baigner dans une envie !
— Vous avez raison.
— La propagande de l’Ouest vous a embrouillé. Reconnaissez-le.
— Je le reconnais. Cette fichue propagande ! C’est elle qui m’a embrouillé !
— Voilà, vous devenez raisonnable.
— J’avais les idées de travers.
— Mais oui.
— La Méditerranée n’existe pas.
— Vous avez enfin pigé.
— Elle n’existe qu’à la télé.
— C’est cela.
— Et au cinéma.
— Tout juste.
— Et sur la carte.

(p. 11-12)
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