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EAN : 9782370552846
143 pages
Le Tripode (23/09/2021)
3.93/5   21 notes
Résumé :


« Tout est fini. La vie d’un Allemand ne vaut plus la peine d’être vécue. Les Ricains vont débarquer. Puis les travailleurs immigrés. Mais attends, ma chère Gerda. Il y aura d’abord la faim, et la dénazification. Puis la réforme monétaire. Après, ça ira peut-être mieux. Mais sans moi, Gerda. Je ne veux plus. Oui, on remontera la pente. Et il y aura de nouveau des Forêt noire aux cerises et des gâteaux aux fraises. Les Allemands seront de plus en plus... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique

Est-ce que toutes les périodes peuvent être propices à la dérision? On peut se poser la question quand l'actualité juridique nous fait douter, quand les auteurs satiriques se voient attaquer de toute part dès qu'une ligne ait un peu transgressive. Certains poursuivent quand même cette oeuvre de politiquement incorrecte aujourd'hui. Mais des auteurs iconoclastes, "borderline" difficilement compris de leur vivant, s'octroyant le droit de rire, sourire de sujets graves, même quand tout un peuple a été décimé. Et c'est ce qu'a fait Edgar Hilsenrath dans Satires, le dernier livre traduit en français par Chantal Philippe et paru aux éditions le Tripode.
Ce livre est fait uniquement de dialogues avec des personnages, tour à tour médecin, policier, simple citoyen allemand juif au doux nom de Zibulsky. Ils illustrent des scènes aussi cocasses qu'irréelles, où la femme sexagénaire ne peut trouver son salut sentimental qu'auprès de l'immigré turc ne sachant dire en allemand "gare centrale", "permis de séjour" et "police". Ou encore un guide touristique qui décrit le mur de Berlin qui monte jusqu'au 7ème ciel. Ou aussi une grand-mère qui ouvre la discussion avec "il faudrait tous les gazer!", en parlant des jeunes se teignant les cheveux de toutes les couleurs.
Edgar Hilsenrath ne va pas par le dos de la cuiller. L4auteur allemand né en 1928 et mort en 2018 a connu les ghettos durant la guerre avant de partir aux Etats-Unis puis en Israël. le Tripode, avec Satires, boucle, un travail éditorial passionnant autant que périlleux de l'oeuvre d'Edgar Hilsenrath. Il n'hésite pas à choquer, déranger, aborder le thème de la Shoah sous l'angle de l'ironie et de la dérision. A travers des dialogues plus ou moins courts, l'auteur dépeint des situations avec un sens de l'absurde qui pourraient faire penser au style de Raymond Devos avec le ghetto juif en background. le lecteur papillonnera au travers de saynètes pour aboutir à un dialogue truculent et surréaliste entre Zibulski et le président des Etats-Unis. Vous pouvez découvrir Edgar Hilsenrath avec Satires pour ensuite plonger dans ses romans facilement repérables sur les tables des libraires avec de magnifiques couvertures dessinées par l'illustrateur allemand Henning Wagenbreth.
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Du typique Hilsenrath par petites doses. Pas indispensable, car tout est dans son oeuvre romanesque. Ce petit ouvrage bien mieux que le précédent "Nouvelles", insipide est à réserver aux fans ou à ceux qui veulent découvrir cet auteur aisément. Donc, bonne lecture.!
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
LE GUIDE TOURISTIQUE, OU ADOLF HITLER ET LE MUR DE BERLIN

— MONSIEUR LE GUIDE TOURISTIQUE ! C’est Berlin ?
— C’est Berlin.
— Et ça, là-bas ?
— C’est notre mur.
— Notre mur mitoyen ?
— Oui.
— Le mur de Berlin ?
— Non.
— Quoi alors ?
— Le mur germano-allemand.

— Il n’est pas très haut.
— Il ne faut pas se fier aux apparences.
— Vous croyez ?
— Oui.
— Quelle est sa hauteur ?
— Il monte très haut.
— Jusqu’au ciel ?
— Encore plus haut.
— Jusqu’où ?
— Jusqu’au septième ciel.
— Le lieu de détente des superpuissances ?
— Oui.
— C’est une hauteur dangereuse.
— C’est vrai.
— Il pourrait s’écrouler facilement.
— Ça se pourrait.

— Monsieur le guide touristique !
— Oui.
— Est-ce que vous sauriez par hasard qui a construit le mur pour nous ?
— Bien sûr.
— Alors qui ?
— Adolf Hitler.
— Il n’était pas peintre ?
— Non.
— Alors c’était un maçon ?
— Non plus.
— Un maître maçon ?
— Non.
— Quoi alors ?
— Il était simplement architecte.
— Architecte en murage ?
— Tout juste.

— Il est le premier à avoir élaboré le grand plan.
— Quel grand plan ?
— Le plan de partage et de murage.
— Quand cela s’est-il passé ?
— Quand il a mal calculé son coup pour la victoire finale.
— En sa qualité d’architecte ?
— En tant qu’architecte de murage !
— N’était-il pas aussi architecte de partage ?
— Si, aussi.
— C’est pour ça qu’il les a fait venir ?
— Qui ?
— Les superpuissances.
— Évidemment.
— Pour partager l’Allemagne ?
— Oui.
— Et pour murer la capitale ?
— Exactement.
— Le grand plan est né dans la tête d’Hitler ?
— Non. Dans son ventre.
— Comment cela ?
— Avec le dernier pet grand-allemand.
— De notre fabrication d’histoire ?
— Exact.
— Dans son ventre, vous avez dit ?
— Oui.
— À son bureau ?
— Non.
— Où, alors ?
— À une table de roulette.
— À une table de roulette ?
— Oui.
— Elle est historique ?
— Évidemment.
— On peut la voir ?
— N’importe quand.
— Où se trouve-t-elle ?
— Au musée.
— Dans quel musée ?
— Celui du passé non surmonté.
— C’est vrai ?
— C’est vrai.
— Votre patron le sait ?
— Quel patron ?
— Celui de l’agence de voyages.
— Évidemment.
— Mais ce n’est pas dans la brochure.
— Quelle brochure ?
— La brochure du voyage.

(p. 13-15)
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LE MEURTRIER ET SON AVOCAT

— COMBIEN EN AVEZ-VOUS TUÉ ? demanda l’avocat.
— Une douzaine, exactement, dit le meurtrier.
— Pourquoi juste douze ?
— Pour ne pas me tromper dans mes calculs.

— Vous serez naturellement acquitté, dit l’avocat, parce qu’on peut prouver que vous n’êtes qu’une victime de la société. Vous êtes d’ailleurs un cas classique.
— Qu’est-ce qu’un cas classique ?
— Ce que vous êtes, dit l’avocat. Votre père buvait et votre mère faisait le trottoir. Enfant, vous étiez régulièrement battu. À l’âge de cinq ans, vous avez été violé par un policier. Adolescent, vous voliez des voitures. Vous n’avez pas achevé l’école. Vous n’avez pas appris de véritable métier et plus tard, vous étiez la plupart du temps au chômage.
— C’est vrai, dit l’assassin.
— Dans notre nouvel État, vous ne pouvez pas être condamné.
— Parce que je suis une victime de la société ? Et que mon cas est par ailleurs classique ?

— Oui, dit l’avocat.
— Le tribunal va condamner la société à ma place ?
— Bien sûr.
— C’est vrai ?
— Bien sûr que c’est vrai.

— Mais j’ai assassiné ces femmes uniquement par ennui, dit le meurtrier.
— Cela ne fait rien.
— La société sera quand même condamnée ?
— Oui, dit l’avocat.

— Comment condamne-t-on la société, et comment le jugement est-il exécuté ?
— En changeant la société, dit l’avocat.
— On peut la changer ?
— C’est ce qu’on veut justement essayer de faire.

— Qui détient le pouvoir ici ?
— Les sociologues et les psychologues.
— Quel genre de gouvernement est-ce ?
— Un gouvernement humain.
— Va-t-il rester au pouvoir ?
— Pas longtemps, dit l’avocat.

— Alors il faut que mon procès ait lieu sans tarder, dit le meurtrier. Avant que ce gouvernement humain ne soit renversé.
— Je vais faire mon possible, dit l’avocat.
— Qui veut renverser le nouveau gouvernement ?
— La réaction.
— Ils sont nombreux ?
— Oui, dit l’avocat.

— Si mon procès a lieu assez vite, et si je suis libéré à temps, je pourrai tuer encore quelques femmes avant que le gouvernement humain ne soit renversé ?
— Vous le pourrez.
— Alors mon procès ne doit pas être retardé !
— Je vais faire mon possible, dit l’avocat.

(p. 99-100)
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LA GRAND-MÈRE AU COIN DE LA RUE

— IL FAUDRAIT TOUS LES GAZER !
— Qui donc, grand-mère ?
— Ces jeunes avec leurs cheveux de drôles de couleurs.
— Ceux qui ont les cheveux teints en vert ?
— Oui, et en bleu, et en rouge.
— Et aussi ceux qui ont d’autres couleurs, par exemple violet ?
— Ceux-là aussi.
— Qui encore, grand-mère ?
— Tous !
— Mais c’est qui, tous ?
— Ceux qui resquillent dans les transports et les gamins qui jouent au football dans la rue ou qui font du vélo sur le trottoir. Et ceux qui ont des jeans, des cheveux longs et une barbe.
— Qui encore, grand-mère ?
— En fait, tous ceux que je n’aime pas.

— Attention, grand-mère ! On va bientôt prendre le pouvoir !
— Qui êtes-vous ?
— Les éternels passéistes.
— C’est pour bientôt ?
— Oui, grand-mère.

— Quand vous serez au pouvoir… je pourrai encore rester au coin de la rue à rouspéter ?
— Je te le déconseillerais, grand-mère !
— Pourquoi ?
— Tu pourrais t’en prendre aux mauvaises personnes.
— Ça m’arrive déjà.
— Oui, grand-mère. Mais pour le moment, c’est sans danger.
— Et quand vous serez au pouvoir ?
— Alors ce sera différent.
— Qu’est-ce qu’il m’arrivera ?
— On t’enverra à la chambre à gaz !
— Mais je ne fais de mal à personne.
— Ça ne fait rien.

— Tu me fais peur, petit !
— C’est possible, grand-mère.
— Est-ce que j’ai rouspété contre qui il ne fallait pas ?
— On verra.

— Tu as mal compris, petit.
— J’ai très bien entendu.
— Mais je n’ai rien dit !
— Si, grand-mère.
— En ce qui me concerne, ils peuvent bien resquiller dans le bus, jouer au football dans la rue ou faire du vélo sur le trottoir. Et ils peuvent avoir des jeans, des cheveux longs et des barbes en broussaille. Et leurs cheveux teints ne me gênent pas davantage. Pas plus les cheveux rouges que les bleus, les verts et même les violets.
— Tu as peur, c’est tout, grand-mère. Tu as peur tout à coup, hein ?

— Je n’ai rien dit.
— Si, grand-mère.
— Je ne suis qu’une grand-mère qui s’ennuie…
— Ça se peut, grand-mère.
— … qui est seule…
— C’est possible, grand-mère.
— … à qui personne ne parle et qui a besoin de cracher sa bile de temps en temps…
— Arrête, grand-mère !
— Je ne veux pas aller à la chambre à gaz !
— Ça va, grand-mère.
— Et je n’ai rien dit du tout.
— Oui, grand-mère.

(p. 19-21)
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À L’ÉPOQUE, ON POUVAIT ENCORE CROIRE À QUELQUE CHOSE

— RÉVEILLE-TOI, PETIT ! Réveille-toi !
— Qu’est-ce qu’il y a, père ?
— Ne baisse pas la tête.
— J’essaie de la tenir droite.
— Tu ne peux pas ouvrir les yeux comme il faut ?
— Non.
— Tu as le regard vitreux. Est-ce qu’on t’aurait donné des yeux de verre à la naissance ?
— Je ne sais pas.
— Et cette posture avachie !
— Oui, père.
— Qu’est-ce que tu as, mon garçon ?
— Je n’en peux plus, père.
— Ça vient de cette saloperie de drogue !
— C’est possible, père.
— Réveille-toi, petit ! Réveille-toi !
— Je préfère ne pas me réveiller, père.
— Tu es fatigué ?
— Pas vraiment.
— Alors quoi ?
— C’est juste que je ne veux pas me réveiller.

— Tu as des problèmes, mon garçon ?
— Non. Mais je ne sais pas où je vais.
— Ça, c’est un problème.
— Pourquoi est-ce que je vis, père ?
— Quelle question, mon garçon ! Tu offenses Dieu.
— Je ne le sais pas, père.
— Tu ne crois en rien, mon garçon. Voilà ton problème.
— Que veux-tu dire, père ?
— Vous autres, les jeunes, vous êtes incapables de croire à quoi que ce soit.
— C’est possible, père.
— Il faut croire à quelque chose, mon garçon.
— Oui, père.
— Tu veux croire à quelque chose ?
— Non, père.

— Quand j’avais ton âge, mon garçon, c’était différent.
— Comment cela, père ?
— Nos yeux étaient radieux.
— J’en ai entendu parler, père.
— Nous étions emplis de foi.
— Oui, père.
— L’homme doit avoir foi en quelque chose.
— Oui, père.

— Nous avions foi dans le peuple et dans le pays. Et dans le Führer.
— Oui, père.
— Surtout le Führer, tu comprends ?
— Le Führer qui a construit les chambres à gaz ?
— Celui-là, mon garçon !
— Qui a exterminé des peuples entiers ?
— Oui.
— Et qui a causé la mort de millions d’Allemands ?
— Oui, mon garçon.

(p. 17-18)
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GOD BLESS AMERICA

Et un beau jour, Zibulsky se dit : je vais en Amérique !
C'est un pays libre !
Les cafards y grouillent tranquillement
entre les répugnants taudis des pauvres
et les villas des riches.
Un grand pays, un pays libre !
Chacun y a sa chance !
Même Zibulsky.
Il n'y a pas de déclaration de domicile !
Ni d'État policier.
La liberté d'opinion y règne.
Les gens y mènent une vie sensée
derrière des fenêtres grillagées
à cause de la criminalité.
Les policiers ne portent que de gros calibres
qui ballottent coquettement sur leurs hanches.
L'Amérique est le pays des promesses !
C'est là qu'à été inventée l'ère atomique,
avec un avenir qui nous fait peur à tous.
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Videos de Edgar Hilsenrath (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Edgar Hilsenrath
Edgar Hilsenrath : Entretien avec Antoine Spire (1994 - Mémoires du siècle / France Culture). Par Antoine Spire. Réalisation : Isabelle Mezil. Diffusion sur France Culture le 1er septembre 1994. Edgar Hilsenrath, né le 2 avril 1926 à Leipzig (Saxe, Allemagne) et mort le 30 décembre 2018 à Wittlich (Rhénanie-Palatinat, Allemagne), est un écrivain allemand, connu avant tout pour ses romans "Nuit" ("Nacht", 1964), "Le Nazi et le Barbier" ("Der Nazi & der Friseur", 1977) et "Le Conte de la pensée dernière" ("Das Märchen vom letzten Gedanken", 1989). Depuis son premier roman "Nuit", dans lequel Edgar Hilsenrath relate avec un réalisme cruel son expérience en tant que survivant du ghetto, il prend l'Holocauste comme thème central sans jamais porter une seule accusation directe ni dépeindre les criminels et les victimes en noir et blanc, le but de son œuvre entière étant d'écrire contre l'oubli. En revanche, dans le reste de son œuvre, il est passé à des formes d'expression plus vigoureuses, qui tiennent le lecteur à distance, comme la satire, le grotesque ou le conte. À propos de son roman "Le Nazi et le Barbier", le magazine "Der Spiegel" écrit: « ... une satire sur les juifs et les SS. Un roman picaresque, grotesque, étrange et parfois d'une cruelle sobriété qui évoque avec humour noir une sombre époque. » L'histoire met en scène un Allemand dénommé Max Schulz qui participe allègrement à la furie meurtrière de ses compatriotes après avoir rejoint la SS puis, après la défaite, usurpe l'identité de son ami d'enfance, Itzig Filkenstein, se rend en Israël et devient un sioniste fanatique... Le livre, écrit en 1968-1969, n'est publié en Allemagne qu'après avoir été publié en 1971 avec succès aux États-Unis dans la traduction anglaise sous le titre "The Nazi and the Barber. A Tale of Vengeance". Après que le manuscrit a été refusé par plus de 60 maisons d'édition allemandes, il paraît enfin dans les derniers jours d'août 1977 chez un petit éditeur de Cologne, Helmut Braun. La première édition (10 000 exemplaires) est vite épuisée, deux autres suivirent rapidement. Dans le roman "Le Conte de la dernière pensée", paru en 1989 et pour lequel Hilsenrath reçoit le Prix Alfred Döblin, l'auteur s'attaque au problème du souvenir et du récit historique. En décrivant le génocide arménien et en le comparant à la Shoah, il s'élève contre toute forme de violence faite à un peuple et met en garde contre l'oubli. La forme du conte, choisie par l'auteur pour s'attaquer au mensonge, signifie également que l'histoire racontée n'a plus de témoins. Dans beaucoup de livres d'Hilsenrath, émergent nettement des traits autobiographiques, qui sont cependant habituellement repris sous forme de fiction. Son ouvrage autobiographique le moins romancé est paru en 1997 sous le titre "Les Aventures de Ruben Jablonski" ("Die Abenteuer des Ruben Jablonski").
Sources : France Culture et Wikipédia
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