Citations sur Chroniques de Tahiti, tome 1 : L'arbre à pain (31)
Loana dit que maintenant elle est fiu (fatiguée) des hommes et bien contente comme ça. Elle va où elle veut aller, pas besoin d'autorisation, de permis de sortie, personne l'embête, personne lui demande où tu vas, quand tu reviens, avec qui tu sors, et patati et patata.
D'ailleurs elle ne sort pas. Elle aime bien rester dans sa maison.
Mama Roti préfère aussi que les gosses jouent dehors parce que, de son point de vue, les gosses ne devraient pas être à l'intérieur quand le soleil brille.
Autrefois, elle ne permettait jamais à ses enfants de traîner dans la maison quand le soleil brillait dehors, ce qui explique peut-être pourquoi, aujourd'hui, Pito peut passer une journée entière vautré sur le canapé quand le soleil brille dehors.
' A ia ia, les enfants, on croit que quand ils sont grands, c'est fini les soucis, mais les soucis, c'est jamais fini."
" Mama Roti, je suis heureuse avec ton fils. "
" C'est un brave garçon, mon fils", dit Mama Roti.
" Ah oui."
" Il travaille, lui."
" Ah oui alors, et ça c'est bien", dit Materena.
" Il boit un peu de bière de temps en temps, continue Mama Roti. Mais au moins il ne frappe pas quand il boit. Il raconte juste plein de conneries."
Materena opine.
" Je l'ai très bien élevé."
" C'est bien d' être enterré à côté de sa mère, dit Loana. Tout le monde a envie d'être enterré à côté de sa mère."
" Et si Pito veut qu'on m'enterre à côté de lui à Punaauia ? "
Loana lâche la main de sa fille et sa réponse claque : " Tu fais comme tu veux, c'est ton cadavre après tout."
Quand Mori s'est fait tatouer sur la poitrine ce dragon rouge et vert qui crache le feu, sa maman a fait une crise. Elle trouvait que ça donnait à Mori l'air de sortir de prison, ce qui était le cas, mais c'était pas la peine de faire savoir à tout le monde.
En fait, Materena prie seulement Notre-Dame-Qui-Comprend-Tout. Sa prière la plus fréquente est de ne pas survivre à ses enfants parce que les enfants, c'est pas comme les hommes, on ne peut pas les remplacer.
" La couleur est un peu bizarre, dit Materena. Enfin, je veux dire - pour une moquette."
" Ah oui, maintenant que tu le dis. Cette moquette-là, on dirait un peu de l'herbe, hein ? "
" Mais quand on donne quelque chose cadeau, faut pas se plaindre de la couleur."
" Ah oui alors, c'est vrai ça. On fait pas attention la couleur. On prend seulement."
( Ati est très actif dans le parti d'Oscar Temaru, indépendantiste tahitien]
Loana regarde Ati comme si elle était une maîtresse d'école et lui, son élève. " Ati, ta mère, elle fait toujours le ma'a (repas) pour toi et elle lave tes linges pour toi et elle nettoie après toi, hein ?"
" Oui, et aussi elle... commence Ati, déconcerté. Mais qu'est-ce que ma maman a à voir avec l'indépendance ? "
Loana se lève. Il est tard et elle rentre, mais elle a une chose à dire à Ati avant de partir : " Indépendance, mon cul."
Loana a été amoureuse plein de fois, et deux de ses amants lui ont donné des enfants. Un, c'était un militaire "farani" ( français) qui est rentré dans son pays et l'autre un tahitien qui est rentré chez sa femme.