Le peuple des rennes de
Megan Lindholm est une intégrale publiée par les éditions ActuSF qui reprend une duologie. Si l'objet est toujours très beau dans la collection collector, j'ai surtout été intéressée par une nouvelle découverte de la part de
Megan Lindholm, alias
Robin Hobb. J'aime ainsi beaucoup découvrir ses oeuvres moins connues, qui explorent des thèmes souvent très intimes et peu abordés en fantasy.
Megan Lindholm choisit, pour cette duologie, un contexte très original. Je n'avais jamais lu d'histoire se passant dans des tribus nomades de la toundra en des temps très anciens. Nous sommes dans des populations vivant dans des conditions parfois difficiles, entre le froid, la maladie et les animaux sauvages. C'est très visible à travers le personnage de Tillu, contrainte de quitter une tribu pour sauver son fils de l'influence de Carp, chaman acariâtre qui aime à abuser de son pouvoir sur les esprits impressionnables. Elle doit donc survivre en milieu hostile avec son fils, Kerleu, un garçon différent des autres. En tant que guérisseuse, elle est souvent le témoin des maladies et blessures de son entourage : fièvres, piétinage par des rennes, blessures suite aux longues marches…
IL est aussi très intéressant de découvrir des éléments culturels. Par exemple, l'importance des rennes pour la tribu d'Heckram, qui permettent de se nourrir, de se vêtir… Mais aussi d'affirmer sa richesse et la bonne santé de sa famille pour trouver de quoi se marier. Il y a aussi une grande importance accordée à l'artisanat, notamment à travers la taille du bois et des os. L'ensemble des cycles de vie de ces populations sont également citées, comme la nécessité de se déplacer à certaines périodes de l'année, dans un mode de vie semi-nomade. L'autrice nous présente donc un livre immersif qui a l'air d'avoir de bénéficié de beaucoup de recherches.
Comme toujours avec
Megan Lindholm/
Robin Hobb, la principale force du récit se trouve dans les personnages. ici, c'est d'autant plus vrai que les éléments de fantasy sont discrets, l'histoire se concentre sur les relations et les caractères forts. C'est notamment le cas de Tillu, guérisseuse au caractère indépendant qui élève seule son fils ayant des difficultés d'apprentissage. J'ai beaucoup aimé le lien complexe qui l'unissait à Kerleu. En effet, elle est loin d'être une femme dont la vie se limite à son enfant, et exprime même parfois des regrets quant à la naissance de ce dernier. C'est un sujet très tabou et très rare, et l'autrice parvient à le mettre en scène avec pudeur et respect, sans que l'on ne considère Tillu comme une personne détestable. D'autres personnages qu'elle rencontrera, comme Heckram, Ella et Kari, sont également écrits en subtilité, construisant une galerie de personnages très humains et attachants.
Mais le pendant des antagonistes n'est pas en reste.
Megan Lindholm construit des personnages également très humains dans leurs faiblesses. Joboam est spécialement détestable : cruel, abusif, assoiffé de pouvoir… Tout en cachant ses vices derrière un vernis de dignité et de bienséance. Carp, le chaman, est plus nuancé par moments, mais son sexisme nauséabond et sa tendance à apprécier se vautrer dans le luxe aux dépends du reste du clan est pénible. Ensuite, d'autres personnages exaspèrent pour leurs faiblesses : Capiam, le chef, semble incapable de lire la réalité de son entourage. Les ennemis de Tillu et Heckram sont particulièrement coriaces.
Megan Lindholm choisit ici de nous transporter dans un contexte peu exploité. Loin de nous plonger dans une fantasy peuplé de héros grandioses, elle nous propose un récit sensible autour des relations complexes qui lient différents personnages au passé parfois douloureux. Ce faisant, l'histoire comporte bien quelques éléments de magie, notamment à travers le chamanisme et les esprits, mais l'autrice travaille plutôt sur le développement de ses personnages. Ils sont donc tous nuancés, avec des antagonistes détestables et des héros attachants, à travers des thèmes variés comme le poids de la tradition, la solitude, la maternité mais aussi l'appartenance à un peuple.
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