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Une grammaire de Tanger tome 3 sur 1
EAN : 9782909097879
cipm (01/04/2011)

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Retour sur une image

Les images étaient de vraies images
De choses menues et aimantes. Il y avait un paysage d'hiver
Et le dessin en partie caché des trois autres saisons "
John Ashbery, Double Dream of Spring. Trad. Michel Couturier.

Qu'est-ce qu'une image ?

Image est un mot simple, familier, aimable, que tout le monde emploie sans se poser de questions. En réalité, image s'avère être surtout un joker pour dire tout et n'importe quoi. Selon les cas, il sert à désigner tour à tour une reproduction, une gravure, une photographie, une estampe, un tableau, un dessin, un croquis, une affiche, une étiquette, un vidéogramme, un "visuel", etc. Alors pourquoi parler d'image ? Si c'est d'une peinture qu'il est question, disons peinture; si c'est d'une photographie, disons photographie; et ainsi de suite. Cela règlerait, en partie, le problème, mais en partie seulement, parce que le mot image existe aussi et qu'il est pratiquement impossible d'en établir clairement le sens. Les dictionnaires, pas plus que l'étymologie, ne sont ici d'un quelconque secours.

Il peut être en revanche éclairant de se demander dans quelles circonstances le mot est entré dans le vocabulaire de chacun. Il est clair que son apparition est liée à l'enfance. Image est d'abord un mot de l'enfance. "Les livres d'images de mon enfance, un enfant sage comme une image...". Par ailleurs image reste associé à quelque chose de plaisant, de joyeux : cadeau, surprise, fête...

Mais, très tôt, le petit écolier est contaminé par l'idée de récompense méritée : "Si tu réponds comme il faut, tu auras droit à un bon point; et, contre dix bons points, tu auras droit à une image". Nous entrons ici dans le commerce des images : la transaction, la tractation. L'image comme (première) monnaie d'échange. Un cheval contre une pièce de soie dans un caravansérail à Samarkand.

Je me reporte, une fois encore, à Mon premier livre de lecture. Nous avons appris à lire dans des livres qui comportaient des images. C'est par l'image, qui exerce sur lui un pouvoir de fascination immédiate, que l'enfant est spontanément attiré. La charge émotionnelle qu'elle dégage est première et indépendante du texte imprimé qui l'accompagne.

Ensuite, de l'association de l'image et du texte procède un autre type d'échange : le rapport entre image et langage. La finalité de la transaction est de substituer le texte à l'image. Avec Mon premier livre de lecture on apprenait à nommer ce qu'on devait voir dans l'image, à l'aide d'un questionnaire qui était un véritable interrogatoire.

Le principe mis en oeuvre est celui des vases communicants : au fur et à mesure qu'on explique l'image, on la vide de ce qui faisait d'elle une "vraie image" (John Ashbery). Plus le langage gagne du terrain, plus l'image en perd. Plus on progresse dans l'apprentissage du langage, moins on a recours aux images, qui finissent par disparaître des livres d'étude. Désormais, s'il y a encore des "images", elles ne sont plus là que pour illustrer le texte (par exemple, la reproduction photographique d'un tableau représentant Louis XIV). C'est le statut purement illustratif de "l'image" télé.

Parallèlement, des "images" d'un autre type, qui n'appartiennent qu'au seul langage, font leur apparition. Avec elles on entre dans un commerce virtuel, où on se paie de mots. Une comparaison est une transaction, une métaphore un trafic.

Le mot image, avec son halo de nostalgie, n'en continue pas moins de hanter le langage. Cette nostalgie incluse concerne d'ailleurs moins l'objet perdu que ce qu'il représentait : un objet vide. Vide de langage. La difficulté que nous rencontrons à donner un sens au mot image pourrait tenir, tout simplement, au fait qu'une image n'a, à proprement parler, pas de sens. A cet égard, l'image présente des similitudes avec la tautologie. Elle n'entre dans aucun rapport de représentation ni d'explication à une réalité extérieure à elle. La meilleure définition serait alors : une image est une image.

Le problème, ce n'est pas l'image mais le sens. C'est la manie de vouloir en affubler toute chose et de tenir pour négligeable ce qui en est dépourvu. Cette conjuration du sens (Roland Barthes parlait de l'effraction du sens) traduit sans doute une peur. Pas une peur d'enfant - les enfants ne manquent pas de courage - mais d'adulte. Nous sommes pourtant entourés et "traversés" de choses insensées. Qui dira la sens de rouge, de froid, de corps, de lumière, de coquelicot, etc. ? Nommer ne suffit pas à donner du sens.

Mais est-il bien nécessaire de toujours chercher à le faire ?

A verser au dossier devenir-enfant : suspendre le sens. Retrouver cette innocence nécessaire pour que les images soient autre chose que des stéréotypes visuels ne servant qu'à étayer des discours eux-mêmes stéréotypés.

Post-Scriptum. Quand j'ai écrit Une journée dans le détroit, j'ai demandé à Pascal Quignard d'en relire le manuscrit et de me faire part de ses remarques.

Au chapitre X (Seconde partie sous-titrées Image d'un livre), j'avais écrit : "1948 fut aussi l'année des chromos. On peut supposer que l'usage en fut introduit par les filles, dans la cour de récréation du lycée Regnault. La vignette était posée sur la pierre, le côté blanc dessus, l'image dessous. Avec la main à plat, il s'agissait de faire se retourner le chromo par un simple appel d'air de la paume".

Pascal Quignard me fit observer que 1948 fut aussi l'année de sa naissance.

Pascal Quignard est un imagier. Les contes, les listes, les rêves, les anecdotes, les citations érudites, les légendes, les étymologies savantes qui s'y côtoient incessamment font de ses livres des livres d'images chatoyantes.

L'autre côté est blanc.
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"Ce sont des écrivains, des peintres, des sculpteurs.
Aventuriers de l'impossible. Ce sont des bribes de leurs vies. Tous des chercheurs davantage que des trouveurs. J'ai eu le privilège de les côtoyer. Ce qu'ils poursuivent est ce qui toujours se dérobe. La grâce est une fieffée baleine blanche."
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